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10/05/2022 | FRANCE | N°20TL22631

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 10 mai 2022, 20TL22631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Europe Metal Concept a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'ordonner avant dire droit la communication des pièces sollicitées dans le courrier du 25 août 2007, d'annuler le marché public conclu entre Toulouse Métropole et la société Orthometals relatif à la collecte et au recyclage des métaux issus de la crémation et de condamner Toulouse Métropole à lui verser la somme de 3 500 924,80 euros en raison du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de son éviction irréguliè

re du marché, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1503736 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Europe Metal Concept a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'ordonner avant dire droit la communication des pièces sollicitées dans le courrier du 25 août 2007, d'annuler le marché public conclu entre Toulouse Métropole et la société Orthometals relatif à la collecte et au recyclage des métaux issus de la crémation et de condamner Toulouse Métropole à lui verser la somme de 3 500 924,80 euros en raison du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de son éviction irrégulière du marché, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1503736 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 août 2020 sous le n°20BX02631 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 16 janvier 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 20TL22631, la société Europe Metal Concept (EMC), représentée par Me Bracq, demande à la cour :

1°) d'ordonner avant dire droit la communication des pièces sollicitées dans le courrier du 25 août 2007, notamment les justificatifs de l'origine de la subvention exceptionnelle de 1 200 000 euros sur le budget 2015 du crématorium ainsi que les justificatifs des redevances versées pour l'attributaire pour chaque année d'exécution du marché ;

2°) d'annuler le marché public régularisé par Toulouse Métropole relatif à la collecte et au recyclage des métaux issus de la crémation, référencé 15M066PA ;

3°) de condamner Toulouse Métropole à lui verser la somme de 3 500 924,80 euros au titre du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de ses droits lésés, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'envoi de la demande préalable indemnitaire ;

4°) de mettre à la charge de Toulouse Métropole une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur en refusant de mettre en œuvre ses pouvoirs d'instruction, l'empêchant de chiffrer exactement son préjudice et de s'assurer des prestations réellement commandées au prestataire ;

- la procédure suivie par Toulouse Métropole est irrégulière en raison de l'insuffisance de la publicité et de l'erreur dans la procédure mise en place, dès lors que le stock ancien de métaux non traités et enfouis, qui peut être estimé à 752,5 tonnes de matière brute depuis l'ouverture du crématorium, n'a pas été pris en compte ; les recettes exceptionnelles figurant sur le tableau des comptes consolidés 2015 des budgets et budgets annexes, à hauteur de 1 200 000 euros, laissent à penser que le stock de déchets a bien été traité par le nouveau prestataire ;

- l'absence de précision sur les conditions de mise en œuvre du critère prix dans le règlement de la consultation constitue un manquement à l'obligation d'information qui a eu pour effet de la léser ; l'analyse des offres révèle que le critère du prix a été neutralisé, seuls les frais de collecte ayant été pris en compte, portant atteinte au principe d'égalité entre les candidats ; les offres ont été analysées sur la base de cours différents, en sa défaveur ;

- l'absence de précision sur les conditions de mise en œuvre du critère technique constitue un manquement à l'obligation d'information ; Toulouse Métropole a usé de sous-critères non pondérés et non hiérarchisés pour apprécier et noter le critère technique des candidats ;

- l'absence de négociation prévue par le règlement de la consultation a porté atteinte à l'égalité de traitement entre les candidats ;

- l'article 1er du code des marchés publics a été méconnu en ce que son offre n'a pas obtenu la note maximale s'agissant du critère technique, révélant une atteinte à l'égalité de traitement entre les candidats ;

- la société Orthometals France ne disposait pas des autorisations nécessaires pour exercer l'activité règlementée pour laquelle elle a été retenue, entachant la procédure d'irrégularité ; elle a fourni des renseignements erronés sur ses capacités professionnelles et sur le nombre réel de ses clients ;

- il semble que la société Orthometals France ne se soit pas mise en conformité avec l'obligation de dépôt annuel des comptes auprès du greffe du tribunal de commerce compétent, induisant un défaut de transmission de l'attestation fiscale au pouvoir adjudicateur entachant d'irrégularité la procédure de mise en concurrence ;

- l'offre de la société Orthometals France méconnaît la règlementation du transfert transfrontalier de déchets ;

- la note technique attribuée à la société Orthometals n'est pas justifiée ;

- l'offre de la société Orthometals aurait dû être rejetée comme étant anormalement basse au regard de son " process " de traitement des déchets qui impose de longs trajets, et de la circonstance que la redevance proposée est supérieure de 28,88% au montant estimé par les services de Toulouse Métropole ;

- la faute commise par Toulouse Métropole en raison du caractère manifestement irrégulier de la procédure d'attribution de ce marché est de nature à engager sa responsabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2021, Toulouse Métropole, représentée par Me Sire, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Europe Metal Concept la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, en l'absence de production du jugement attaqué et en l'absence de conclusions à fin d'annulation du jugement ; elle doit dès lors être rejetée par voie d'ordonnance ;

- les premiers juges n'avaient aucune obligation de lui adresser une demande de documents ; la société n'avait nullement saisi la commission d'accès aux documents administratifs afin d'obtenir la communication des justificatifs de l'origine d'une prétendue subvention exceptionnelle de 1 200 000 euros sur le budget du crématorium de 2015 ;

- le moyen tiré de la violation de la règlementation du transfert transfrontalier de déchets est inopérant, ce contrôle incombant aux autorités douanières ;

- les autres moyens soulevés par la société Europe Metal Concept ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2022.

Par une ordonnance en date du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Europe Metal Concept.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Berlottier-Merle, représentant la société Europe Metal Concept.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 1er avril 2015,

Toulouse Métropole a engagé, sur le fondement de l'article 28 du code des marchés publics, une

procédure de passation en vue de la conclusion d'un marché ayant pour objet la collecte et le

recyclage de métaux issus de la crémation concernant le crématorium de Cornebarrieu (Haute-Garonne). A l'issue de l'analyse des offres, ce marché a été attribué à la société Orthometals France. L'acte d'engagement lui a été notifié le 10 juin 2015. Le pouvoir adjudicateur a informé la société Europe Metal Concept du rejet de son offre par lettre du 26 juin 2015, puis de l'identité du candidat retenu, du montant de la redevance et de la note que ce dernier a obtenue au titre du critère " prix " par lettre du 9 novembre 2015. Après avoir saisi la commission d'accès aux documents administratifs d'une demande d'avis sur la transmission de documents relatifs au marché en cause, Toulouse Métropole lui a transmis l'ensemble des documents sollicités le 23 décembre 2015. La société Europe Metal Concept a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le marché conclu entre Toulouse Métropole et la société Orthometals France et de condamner l'établissement public au paiement de la somme de 3 500 924,80 euros en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi en raison de son éviction irrégulière de ce marché. Par un jugement dont la société Europe Metal Concept relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. La société Europe Metal Concept reproche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à ses conclusions tendant à ce qu'ils mettent en œuvre leur pouvoir d'instruction pour faire produire les pièces sollicitées dans le courrier du 25 août 2017, notamment les justificatifs de l'origine de la subvention exceptionnelle de 1 200 000 euros sur le budget 2015 du crématorium ainsi que les justificatifs des redevances versées pour l'attributaire pour chaque année d'exécution du marché. Toutefois, une telle production n'était pas utile au regard de la motivation retenue par le tribunal qui a rejeté la demande d'annulation du marché conclu entre Toulouse Métropole et la société Orthometals France en l'absence d'irrégularités, notamment dans le choix de recourir à la procédure adaptée au regard de l'objet du marché qui n'incluait pas le traitement des métaux anciens au vu de l'ensemble des pièces produites, alors au demeurant que la société Europe Metal Concept expose que ces pièces étaient nécessaires pour chiffrer son préjudice. Ainsi, le tribunal, qui dirige seul l'instruction, n'était pas tenu de donner une suite favorable à cette demande de production.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et

des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un

contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants

du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans

ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est

recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité

du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles. Ce recours

doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de

deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au

moyen d'un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa

consultation dans le respect des secrets protégés par la loi. La légalité du choix du cocontractant,

de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être

contestée qu'à l'occasion du recours ainsi défini. Le tiers, agissant en qualité de concurrent

évincé de la conclusion d'un contrat administratif, ne peut ainsi, à l'appui d'un recours contestant

la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements

aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction.

En ce qui concerne le grief tiré du défaut de publicité suffisante et de l'erreur dans la

procédure mise en place :

4. Aux termes de l'article 26 du code des marchés publics dans sa version applicable au

1er avril 2015 : " II. - Les marchés et accords-cadres peuvent aussi être passés selon une

procédure adaptée, dans les conditions définies par l'article 28, lorsque le montant estimé du

besoin est inférieur aux seuils suivants : / (...) 2° 207 000 € HT pour les marchés de fournitures

et de services des collectivités territoriales, des établissements publics de santé et des

établissements du service de santé des armées (...) ". Aux termes de l'article 28 du même code :

" I. - Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée définis à

l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une

procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en

fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la

localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances

de l'achat (...) ". L'article 40 de ce code dispose : " I. - En dehors des exceptions prévues aux II

et III de l'article 28 ainsi qu'au II de l'article 35, tout marché ou accord-cadre d'un montant égal

ou supérieur à 15 000 euros HT est précédé d'une publicité, dans les conditions définies ci-après. / II. - Pour les achats de fournitures, de services et de travaux d'un montant compris entre

15 000 euros HT et 90 000 euros HT, ainsi que pour les achats de services relevant du I de l'article 30 d'un montant égal ou supérieur à 15 000 euros HT, le pouvoir adjudicateur choisit

librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché,

notamment le montant et la nature des travaux, des fournitures ou des services en cause. "

5. Il résulte de l'instruction que les prestations faisant l'objet de la consultation lancée par Toulouse Métropole pour la collecte et le recyclage de métaux issus de la crémation étaient estimées entre 3 500 euros et 10 500 euros HT chaque année, dans le cadre d'un marché à bon de commande d'une durée d'un an reconductible trois fois. Le montant total du marché était dès lors susceptible de s'élever au maximum à la somme de 42 000 euros HT, inférieure aux seuils des procédures formalisées prévu par l'article 26 du code des marchés publics. Si la société Europe Metal Concept soutient que le titulaire du marché en litige s'est en réalité vu confier la collecte et le recyclage des métaux qui ont été stockés depuis la mise en service du crématorium en 1972, ainsi qu'il lui aurait été confirmé par un agent du crématorium, il ne résulte toutefois d'aucune pièce que Toulouse Métropole n'aurait pas correctement déterminé l'évaluation des prestations devant être réalisées par le titulaire du marché. Ainsi, si l'appelante expose que le tableau des comptes consolidés 2015 du budget annexe du crématorium fait apparaître des recettes exceptionnelles de fonctionnement à hauteur de 1 200 000 euros, et soutient que cette somme reversée pourrait correspondre à son estimation du chiffre d'affaires du marché par comparaison avec celui dont elle a été attributaire avec la commune de Cannes, il ne résulte pas de l'instruction que cette somme proviendrait de la collecte et du recyclage des métaux par la société attributaire du marché. Dans ces conditions, au regard du montant total du marché, la société Europe Metal Concept n'est pas fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur aurait dû engager une procédure formalisée avec une publication de la consultation au journal officiel de l'Union européenne. Le moyen tiré du défaut de publicité et de l'erreur quant

au choix de la procédure de passation doit dès lors être écarté, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la mesure avant dire droit sollicitée.

En ce qui concerne la mise en œuvre des critères de sélection des offres :

6. Aux termes des dispositions de l'article 53 du code des marchés publics : " I. - Pour

attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le

pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés

à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et

fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en

matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les

performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global

d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le

service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou

d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques

opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du

marché ; / 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du

prix (...) ".

7. Pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique,

d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée

des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire, dès l'engagement

de la procédure d'attribution du marché, dans l'avis d'appel public à concurrence ou le cahier

des charges tenu à la disposition des candidats. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite

retenir d'autres critères que celui du prix, il doit porter à la connaissance des candidats la

pondération ou la hiérarchisation de ces critères. Il doit également porter à la connaissance des

candidats la pondération ou la hiérarchisation des sous-critères dès lors que, eu égard à leur

nature et à l'importance de cette pondération ou hiérarchisation, ils sont susceptibles d'exercer

une influence sur la présentation des offres par les candidats ainsi que sur leur sélection et

doivent en conséquence être eux-mêmes regardés comme des critères de sélection. Il n'est, en

revanche, pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres.

S'agissant du critère du prix :

8. Selon l'article 5 du règlement de la consultation, le jugement des offres s'effectuait sur la base de deux critères, le premier relatif au montant de la redevance et le second à la valeur technique, pondérés chacun à 50%. Le montant de la redevance correspondait au montant devant être reversé au crématorium après recyclage des métaux, en prenant en compte les frais de traitement, d'échantillonnage et de collecte tels que définis à l'acte d'engagement. Selon l'article 2 de l'acte d'engagement, le prix de collecte des métaux résulte de " l'application des cours correspondants le jour de la collecte, dont sont retranchés les frais prélevés par le titulaire, exprimés en pourcentage, ainsi que les frais d'échantillonnage et de collecte le cas échéant ". Les soumissionnaires étaient en outre informés des modalités de calcul du prix de collecte ainsi que des différents éléments qui étaient pris en compte pour effectuer ce calcul. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas été suffisamment informée des conditions de mise en œuvre du critère " prix ". Si elle estime que les conditions de mise en œuvre de ce critère mentionnées dans l'acte d'engagement devaient figurer dans le règlement de la consultation, ce document figurait toutefois parmi les documents de la consultation des entreprises. Elle a dès lors disposé des informations adéquates pour élaborer son offre au regard de ce critère. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les frais de traitement, d'échantillonnage et de collecte constituaient des éléments de calcul du montant de la redevance et ne sauraient, dès lors, être considérés, à eux seuls, comme des sous-critères dont les modalités de mise en œuvre devaient être portées à connaissance des candidats dans le règlement de la consultation. Il résulte ensuite de l'instruction que le montant de la redevance reversée par le titulaire au pouvoir adjudicateur correspond à la valeur des métaux collectés à laquelle sont soustraits les frais de traitement, d'échantillonnage et de collecte. Si selon la société requérante, cette méthode de calcul n'a pas été respectée par Toulouse Métropole dès lors que seuls les frais de collecte ont été pris en compte et qu'aucun frais n'a été déduit du montant de la redevance proposée par la société attributaire, il résulte toutefois du rapport d'analyse des offres que le pouvoir adjudicateur a pris en compte non seulement les frais de collecte mais également les frais de traitement et d'échantillonnage, en relevant dans un tableau pour chacun de ces frais le montant ou le pourcentage qui était proposé par les deux entreprises soumissionnaires. De plus, le tableau estimatif produit en défense, qui indique pour chacun des métaux la quantité collectée et leur taux respectif, fait état de ce que Toulouse Métropole a appliqué la méthode de calcul prévue par les stipulations contractuelles, en soustrayant à la valeur des métaux collectés les différents frais prévus par chacune des entreprises candidates. C'est également à bon droit et sans méconnaître le principe d'égalité de traitement des candidats que le pouvoir adjudicateur n'a soustrait aucun frais de collecte au montant de la redevance de la société attributaire, dès lors que l'offre de celle-ci ne prévoyait pas la facturation de tels frais. Par ailleurs, si la société requérante soutient que Toulouse Métropole n'a pas suffisamment informé les soumissionnaires quant au taux qu'il convenait d'appliquer entre le taux à l'achat ou le taux à la revente, il ressort du tableau estimatif précité qu'un taux identique a été retenu pour l'appréciation des deux offres déposées. Dès lors, elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir de la méconnaissance du principe d'égalité de traitement des candidats à ce titre. Au demeurant, Toulouse Métropole fait valoir sans être contredite que le taux qui a été appliqué pour le jugement des offres est celui qui avait été proposé par la société requérante. Dans ces conditions, le moyen tiré du non-respect de la méthode de calcul du critère " prix " doit être écarté.

S'agissant du critère technique :

9. L'article 5 du règlement de la consultation précisait les modalités de mise en œuvre du critère de la valeur technique, en le pondérant à hauteur de 50 % et en précisant que " celle-ci sera jugée sur le mémoire fourni par le candidat décrivant précisément le " process " de recyclage et de valorisation des métaux. " Si Toulouse Métropole a adopté une charte des marchés publics visant au développement de " l'achat durable ", celle-ci étant dépourvue de toute valeur normative, elle ne saurait lui imposer de prévoir nécessairement, dans les procédures de passation qu'elle engage, des critères environnementaux. De tels critères n'ayant pas été prévus dans le cadre de la procédure de passation litigieuse, le pouvoir adjudicateur n'avait pas à définir les conditions de leur mise en œuvre. Par ailleurs, les processus de recyclage et de valorisation des métaux constituent de simples éléments d'appréciation du critère de la valeur technique dont les modalités de mise en œuvre n'avaient pas à être précisées. De plus, il ne résulte pas de l'instruction que le pouvoir adjudicateur les ait considérés comme de véritables critères de sélection lors de l'analyse des offres. Par suite, le moyen tiré de l'absence de précision des modalités de mise en œuvre du critère de la valeur technique doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence de négociation :

10. Si l'article 5 du règlement de la consultation prévoyait qu'une négociation pourrait être entamée avec les trois meilleurs candidats, il s'agissait cependant d'une simple faculté prévue par le pouvoir adjudicateur. Dès lors, la procédure ne saurait être viciée au seul motif que Toulouse Métropole n'a pas usé de cette faculté, alors que Toulouse métropole n'a engagé un processus de négociation avec aucun des soumissionnaires. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le principe d'égalité de traitement des candidats aurait été méconnu.

En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation de l'offre de la société requérante :

11. Si la société requérante soutient que son offre a été sous-évaluée au titre du critère de la valeur technique, en se prévalant des moyens humains et matériels qu'elle mettait à la disposition et de son expérience dans l'exercice de l'activité en cause, il résulte du rapport d'analyses des offres que le mémoire technique de l'intéressée décrivait plus précisément les différentes phases et que son offre était supérieure à celle de la société Orthometals France sur ce point. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction qu'en ne lui attribuant pas la note maximale au titre de ce critère mais seulement celle de 45/50 contre 35/50 pour la société attributaire, le pouvoir adjudicateur aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'erreur manifeste d'appréciation de la candidature et de l'offre de la société attributaire :

12. En premier lieu, selon le rapport d'analyses des candidatures et des offres, les deux sociétés soumissionnaires ont fourni l'ensemble des documents exigés par le règlement de la consultation, ainsi que toutes les justifications requises quant à leurs capacités financières, techniques et professionnelles. Si la société requérante soutient que le pouvoir adjudicateur n'a pas vérifié que la société Orthometals France disposait de l'ensemble des autorisations et certifications nécessaires à l'exercice de l'activité de traitement des métaux, le règlement de la consultation n'exigeait cependant pas des candidats qu'ils produisent ni une attestation d'inscription sur la liste des transporteurs, collecteurs, commerçants/professionnels et intermédiaires de déchets à l'appui de leur candidature, ni un certificat d'autorisation délivré par les douanes pour le traitement des déchets à destination d'un pays étranger ni des autorisations préfectorales de transport et de négoce des déchets ainsi que les autorisations préfectorales de transport et de négoce de déchets. Si la société appelante affirme que la société attributaire ne peut pas être habilitée à remplir les formulaires CERFA intitulés " Mouvement/transferts transfrontalières de déchets " et " Bordereau de suivi des déchets non dangereux ", il ne résulte pas de l'instruction que la société Orthometals France n'aurait pas été en mesure d'assurer dans des conditions régulières le transfert transfrontalier des métaux issus de la crémation sur le site de sa société mère. De plus, Toulouse Métropole affirme sans être sérieusement contredite que l'activité de recyclage et de valorisation des métaux n'est pas soumise à un régime d'autorisation préalable, mais s'exerce sur la base d'une simple déclaration en remplissant le formulaire CERFA précité. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la société requérante, la mention de l'extrait Kbis de la société Orthometals France, selon laquelle celle-ci exercerait comme activités principales la collecte, le recyclage, le tri, la transformation, la vente en gros de tous métaux ferreux et non ferreux issus de la crémation, est suffisamment générale et non exclusive pour être regardée comme englobant les métaux précieux. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que la société Orthometals France aurait transmis de mauvaises informations quant au nombre de ses clients.

13. En deuxième lieu, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la circonstance que la société attributaire n'a pas procédé au dépôt annuel de ses comptes au titre de

l'année 2014 n'est pas, à elle seule, de nature à démontrer qu'elle aurait été dans l'impossibilité

de transmettre au pouvoir adjudicateur les attestations prouvant qu'elle a satisfait à ses

obligations fiscales.

14. En troisième lieu, en se bornant à exposer que la société Orthometals France n'a pas justifié qu'elle disposait des autorisations nécessaires pour exercer l'activité de collecte et de recyclage des métaux issus de la crémation et qu'elle ne dispose pas de moyens propres, au contraire de la société Orthometals BV, la société requérante n'apporte aucun élément utile de nature à considérer que la note technique de 35/50 attribuée à la société attributaire serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article 55 du code des marchés publics : " Si une

offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée

après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies.

(...) / Peuvent être prises en considération des justifications tenant notamment aux aspects

suivants : 1° Les modes de fabrication des produits, les modalités de la prestation des services,

les procédés de construction ; / 2° Les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le

candidat pour exécuter les travaux, pour fournir les produits ou pour réaliser les prestations de

services ; / 3° L'originalité de l'offre ; / 4° Les dispositions relatives aux conditions de travail en

vigueur là où la prestation est réalisée ; 5° L'obtention éventuelle d'une aide d'Etat par le

candidat. (...) ". Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public. Il résulte de ces

dispositions que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre.

16. Il résulte de l'instruction que le montant de la redevance proposé par la société

Orthometals France, à hauteur de 10 310,70 euros, correspondait aux estimations du besoin du pouvoir adjudicateur qui étaient indiquées à l'article 1.2 du règlement de la consultation. Si

la société attributaire ne prévoyait pas de frais de collecte et de transport, Toulouse Métropole fait valoir sans être sérieusement contredite que celle-ci fait profiter la collectivité de ses économies d'échelles en raison de son activité avec de nombreux crématoriums français, lui permettant de diminuer ses frais de déplacements. Ces éléments doivent être considérés comme suffisants pour justifier l'absence de facturation des frais de collecte et de transport. Dans ces conditions, la société requérante, qui ne démontre pas que le montant de la redevance de l'attributaire ne serait pas réaliste ou ne permettrait pas à celui-ci de respecter les prescriptions du marché et de l'exécuter correctement, n'est pas fondée à soutenir que l'offre de la société Orthometals France aurait dû être rejetée comme anormalement basse.

17. Il résulte des points 12 à 16 que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que Toulouse Métropole aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la candidature et de l'offre de la société attributaire.

18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'examiner les fins de non-recevoir opposées par Toulouse Métropole, que la société Europe Metal Concept n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation du marché conclu avec la société Orthometals France, ainsi que sa demande d'indemnisation, en l'absence de vice entachant la validité du marché contesté.

Sur les frais liés au litige :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Toulouse Métropole, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société Europe Metal Concept la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Europe Metal Concept une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Toulouse Métropole et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Europe Metal Concept est rejetée.

Article 2 : La société Europe Metal Concept versera à Toulouse Métropole la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Europe Metal Concept, à Toulouse Métropole et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience du 12 avril 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

La rapporteure,

A. Blin

La présidente,

A. Geslan-Demaret Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 20TL22631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20TL22631
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Anne BLIN
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : CABINET ASTERIO

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-05-10;20tl22631 ?
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