Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée E... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1901577 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 août 2020 sous le n° 20BX02904 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 20TL22904 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société E..., représentée par Me Lacombe, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, et des pénalités correspondantes ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente des arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne concernant le régime de la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la marge ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la taxe sur la valeur ajoutée concernant les opérations de revente de biens immobiliers doit être calculée sur la marge, en application de l'article 268 du code général des impôts, alors même que ces biens immobiliers, qui sont des terrains à bâtir, faisaient partie, lors de leur acquisition, avant les divisions parcellaires, d'un terrain comprenant une maison d'habitation ;
- l'application de la taxe sur le prix de vente total méconnaît le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée en créant une distorsion de concurrence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société E... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société E....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société E..., qui exerce une activité de promoteur immobilier, a procédé à compter du 2 août 2012 à la vente, après divisions parcellaires, de terrains à bâtir situés dans les communes de D... et de A... (Haute-Garonne) qui faisaient initialement partie de trois ensembles immobiliers, comprenant chacun une maison d'habitation et un terrain environnant, acquis en 2012. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé que la taxe sur la valeur ajoutée sur ces opérations de revente devait être calculée sur le prix de vente et non pas sur la marge et a ainsi réclamé à la société E... des rappels de taxe, assortis des intérêts de retard. Celle-ci fait appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels et des intérêts de retard.
2. En premier lieu, le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue initialement de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du b du 2 de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.
3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". Aux termes de l'article 268 du code général des impôts, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ; / b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués (...) ".
4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment. Ces dispositions de la directive sont claires et, en tout état de cause, il ne ressort pas de l'arrêt C-299/20 Icade Promotion SAS du 30 septembre 2021, en réponse à la question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat à la suite de sa décision du 25 juin 2020, n° 416727, que la Cour de justice de l'Union européenne ferait une interprétation différente de celle précédemment mentionnée.
5. Ainsi qu'il a été indiqué au point 1, les terrains à bâtir cédés par la société à compter du 2 août 2012 sont issus de trois acquisitions portant, chacune, sur un immeuble bâti et son terrain d'assiette. Ils avaient donc, lors de ces acquisitions, avant les divisions parcellaires, la qualité de terrain bâti et non celle de terrain à bâtir. Par suite, la société E... n'est pas fondée à soutenir qu'elle pouvait bénéficier du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge pour la vente de ces terrains.
6. En second lieu, le principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'oppose, d'une part, à ce que des livraisons de biens semblables, qui se trouvent en concurrence les uns avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la taxe et, d'autre part, à ce que des opérateurs économiques qui effectuent les mêmes opérations soient traités différemment en matière de perception de la taxe.
7. En l'espèce, la société E... estime que, si elle avait vendu après division parcellaire des biens qui étaient initialement des terrains à bâtir lors de leur acquisition, elle aurait pu bénéficier du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. En tout état de cause, une telle situation, qui correspond au cas où le bien initialement acheté n'était pas bâti, est différente de celle en litige dans la présente instance pour laquelle le bien acquis comportait une maison d'habitation et il ne résulte pas de l'instruction qu'il existerait une distorsion de concurrence à appliquer des régimes différents de taxe sur la valeur ajoutée pour ces opérations qui ne sont pas identiques.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, que la société E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société E... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée E... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- Mme Fabien, présidente assesseure,
- Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022.
Le président-rapporteur,
A. C...L'assesseure la plus ancienne,
M. B...
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°20TL22904 2