Vu I°) la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association centre libre d'enseignement supérieur international a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 pour son établissement situé à Béziers.
Par jugement n° 1904727 du 3 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 26 mai 2021 sous le n° 21MA01990 à la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL01990 à la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 25 septembre 2021, l'association centre libre d'enseignement supérieur international, représentée par Me Grellier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 ;
3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en tant qu'il n'évoque pas le moyen tiré de l'application de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 4 février 2020 ;
- elle a cessé son activité de formation aux métiers médicaux et paramédicaux à Béziers depuis le 23 novembre 2017 en exécution d'une décision judiciaire ;
- les critères de lucrativité énoncés par la jurisprudence sont cumulatifs ; sa gestion désintéressée n'a jamais été remise en cause ;
- son activité n'entre pas en concurrence avec les entreprises exerçant dans le même secteur puisqu'elle s'adresse à un public particulier d'étudiants souhaitant se diriger vers la médecine dentaire ou la kinésithérapie tout en échappant au cursus de sélection et au numérus clausus français.
Par des mémoires enregistrés les 6 juillet 2021 et 8 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.
La clôture de l'instruction a été prononcée à compter du 1er décembre 2021 par ordonnance du 10 novembre 2021.
Vu II°) la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'association centre libre d'enseignement supérieur international a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 pour son établissement situé à Béziers.
Par son jugement n° 1802292 du 17 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Par son arrêt n° 19MA02948 du 4 février 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et a déchargé le centre libre d'enseignement supérieur international de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017.
Par sa décision n°439411 du 29 décembre 2021, le conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour administrative d'appel de Marseille le jugement de la requête du centre libre d'enseignement supérieur international du 26 juin 2019 et qui a été enregistrée à nouveau sous le n° 21MA04995 avant de l'être sous le n°21TL04995 à la cour administrative d'appel de Toulouse.
Procédure devant la cour :
Par mémoire enregistré le 22 février 2022, l'association centre libre d'enseignement supérieur international, représentée par la SCP Wauquez-Farge-Hazan conclut :
1°) à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 juin 2019 ;
2°) à la décharge de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 pour son établissement situé à Béziers ;
3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'elle s'adresse à un public particulier d'étudiants souhaitant échapper au système français de sélection et elle renvoie aux autres moyens précédemment développés dans ses précédentes écritures, et qui sont les suivants :
- elle a été contrainte par décision de justice de cesser d'exercer en France son activité de formation ;
- sa gestion est désintéressée ;
- elle n'intervient pas dans un secteur concurrentiel car les facultés de médecine de Nice et de Marseille sont des établissements publics sans but lucratif ;
- même dans l'hypothèse où elle serait considérée comme intervenant dans un secteur concurrentiel, elle reste exclue du champ d'application des impôts commerciaux dans la mesure où elle exerce son activité dans des condition différentes en satisfaisant à un besoin qui n'est pas pris en considération par le secteur marchand en s'adressant au public particulier précité.
Par mémoire du 10 mars 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que ceux développés par son mémoire du 13 septembre 2019.
Par ordonnance du 7 janvier 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de ces deux requêtes.
Vu les jugements attaqués.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fabien, présidente assesseure ;
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que l'association centre libre d'enseignement supérieur international (CLESI), créée sous le régime de la loi de 1901, organise en France depuis 2012 des enseignements d'odontologie et de kinésithérapie en collaboration avec des universités européennes, permettant ainsi à des étudiants français n'ayant pas intégré la première année commune aux études de santé d'obtenir le cas échéant un diplôme européen leur permettant d'exercer en France les professions de chirurgien-dentiste ou de masseur-kinésithérapeute. Par sa requête n° 21TL01990, elle fait appel du jugement du 3 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à être déchargée de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2018 pour son établissement situé à Béziers. Par ailleurs, le conseil d'Etat a, après annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 19MA02948, renvoyé à la cour le jugement de la requête de cette association faisant appel du jugement du 17 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a également rejeté sa demande tendant à être déchargée de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2017 pour ce même établissement. Ces deux requêtes présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement du 3 mai 2021 :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement du 3 mai 2021 que le tribunal administratif de Montpellier a expressément répondu aux moyens soulevés par l'association requérante. En particulier, le tribunal administratif qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par l'association requérante et de viser l'arrêt 19MA02948 dont elle se prévalait, n'a pas omis de répondre à l'argument tiré du caractère désintéressé de la gestion de l'association. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de ce jugement doit être écarté.
Sur les conclusions aux fins de décharge au titre des années 2017 et 2018 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 1478-I du code général des impôts : " I. La cotisation foncière des entreprises est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier. Toutefois, le contribuable qui cesse toute activité dans un établissement n'est pas redevable de la cotisation foncière des entreprises pour les mois restant à courir, sauf en cas de cession de l'activité exercée dans l'établissement ou en cas de transfert de l'activité (...) ".
4. La seule circonstance invoquée par l'association requérante que la cour d'appel d'Aix-en- Provence, par son arrêt du 27 septembre 2016, a ordonné à l'association requérante, faute pour celle-ci de justifier de l'agrément requis, de cesser dans un délai de 2 mois de dispenser des cours en odontologie dans son établissement de Toulon et tout autre établissement situé en France n'est pas de nature à établir qu'elle aurait cessé d'exercer toute activité dans son établissement de Béziers au cours des années 2017 et 2018.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1447 du code général des impôts : " I. - La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales, les sociétés non dotées de la personnalité morale (...) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée (...) II. - La cotisation foncière des entreprises n'est pas due par les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 qui remplissent les trois conditions fixées par ce même alinéa (...) ". Aux termes du premier alinéa du 1 bis de l'article 206 du code général des impôts : " Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés (...) les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 (...) dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas (...) " un certain montant indexé chaque année sur la prévision de l'indice des prix à la consommation
6. Pour l'application des dispositions citées au point précédent, les organismes mentionnés au premier alinéa du 1 bis de l'article 206 du code général des impôts ne sont exclus du champ de la cotisation foncière des entreprises que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où cet organisme intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, il reste exclu du champ de la cotisation foncière des entreprises s'il exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'il offre.
7. La circonstance que les facultés de médecine de Montpellier et de Nîmes, qui s'adressent à des étudiants ayant intégré initialement la première année commune aux études de santé, sont des établissements publics sans but lucratif ne permet pas de démontrer que l'association requérante interviendrait dans un secteur non concurrentiel d'activité alors qu'elle ne conteste pas qu'il existe des entreprises commerciales dispensant des formations médicales et paramédicales dans la même zone géographique. Or, en se bornant à indiquer par ailleurs qu'elle s'adresse à un public n'ayant pu ou ne voulant pas intégrer le cursus de sélection français, elle n'établit pas qu'elle exercerait son activité dans des conditions différentes de celles de ces entreprises commerciales notamment en pratiquant des prix inférieurs ou à tout le moins modulés en fonction de la situation des étudiants. En conséquence et à supposer que sa gestion soit désintéressée, elle ne remplit pas l'ensemble des conditions énoncées au point précédent auxquelles les dispositions citées au point subordonnent l'exonération de cotisation foncière des entreprises.
8. Il résulte de ce qui précède que l'association centre libre d'enseignement supérieur international n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à être déchargée du paiement de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2017 et 2018 pour son établissement situé à Béziers.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de l'association centre libre d'enseignement supérieur international sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association centre libre d'enseignement supérieur international et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Fabien, présidente-assesseure,
Mme Restino, première conseillère,
Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juillet 2022.
La présidente-rapporteure,
M. A...
L'assesseure la plus ancienne,
V. Restino
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL01990, 21TL04995