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20/09/2022 | FRANCE | N°21TL04785

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 20 septembre 2022, 21TL04785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2104687 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 déc

embre 2021, sous le n° 21MA04785, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 2104687 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2021, sous le n° 21MA04785, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04785, des mémoires et des pièces complémentaires, enregistrées le 4 février, les 16 et 31 mars et le 14 juin 2022, M. A..., représenté par Me Quintard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'ensemble des décisions :

-elles sont insuffisamment motivées ;

-elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-elles méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

-elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 24 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 19 juillet 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais, né le 14 avril 1982 en Albanie, déclare être entré sur le territoire français en avril 2017. Le 7 septembre 2017, il a été interpellé sur son lieu de travail par les services de police qui ont constaté son absence de titre de séjour l'autorisant à travailler. Par un arrêté du 7 septembre 2021, le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. A... relève appel du jugement du 23 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 23 novembre 2021 dont il relève appel, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. M. A..., qui à la date de la décision attaquée, n'avait présenté aucune demande de titre de séjour, n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. A..., qui déclare être entré en France en avril 2017, se maintient irrégulièrement sur le territoire français malgré une mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 14 février 2018. S'il fait état de sa fréquentation régulière, avec son épouse et leurs trois enfants, de la messe célébrée à Frontignan, de leur participation à des associations locales et des relations d'amitiés nouées avec des habitants de cette commune, ces circonstances ne sont pas, par elles- même de nature à justifier d'une insertion particulière au sein de la société française. En outre, M. A... a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans en Albanie, où résident ses parents et ses frères et sœurs, avec son épouse et ses enfants âgés de 9, 13 et 14 ans, qui pourront poursuivre leurs études dans leur pays d'origine. À cet égard, s'il soutient qu'il serait isolé dans son pays d'origine en raison du conflit qu'il entretient depuis 2003 avec ses frères et son père au sujet de la condamnation définitive du meurtrier de son frère le 11 octobre 2004 par la cour d'appel de Shkoder, il s'est toutefois maintenu en Albanie jusqu'en 2017, date où selon ses propres déclarations, il est entré sur le territoire français. Enfin, les circonstances que postérieurement à l'arrêté préfectoral litigieux du 7 septembre 2021, il a présenté le 29 mars 2022 une demande d'admission exceptionnelle au séjour, qui a fait l'objet d'une décision de rejet du préfet de l'Hérault le 19 avril 2022, et que son épouse a obtenu un titre de séjour, sont sans incidence sur la légalité de cet arrêté. Dans ces conditions, la décision attaquée ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

7. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés au point 6, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer M. A... de ses enfants. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants de M. A..., qui avaient entamé leur scolarité en Albanie avant leur entrée en France en 2017, ne pourraient pas y poursuivre leurs études dans des conditions équivalentes. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Selon l'article L. 612-3 de ce même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

11. La décision portant refus de délai de départ volontaire qui vise les textes dont il est fait application, en particulier les articles L. 612-1, L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui expose de manière suffisamment précise que M. A... e explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français et n'a pas exécuté la précédente mesure d'éloignement adoptée le 14 février 2018, satisfait à l'obligation de motivation de la décision attaquée.

12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposées, la décision attaquée ne méconnaît pas les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

13. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

14. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si après la prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

15. Pour interdire à M. A... de revenir sur le territoire français et fixer à un an la durée de cette interdiction, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire prise le même jour à l'encontre de l'intéressé et sur son absence de justification de circonstances humanitaires. Cette décision précise en outre les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde, à savoir les dispositions de l'article L. 612-6 précité, ainsi qu'un ensemble d'éléments liés à la situation de l'intéressé, notamment la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France qui ne sont pas établis et la circonstance qu'il a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Une telle motivation atteste de la prise en compte par le préfet de l'Hérault de l'ensemble des critères prévus par la loi. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, doit être écarté.

16. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, la décision attaquée ne méconnaît pas les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 7 septembre 2021. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président de chambre,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2022.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22TL04785

N°22TL04785


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04785
Date de la décision : 20/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : QUINTARD

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-09-20;21tl04785 ?
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