Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2105821 rendu le 9 novembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 février 2022 sous le n° 22BX00691 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 22TL20691 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. B... A..., représenté par Me Barbot-Lafitte, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 novembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2021 du préfet de la Haute-Garonne l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux ;
- le préfet s'est placé en situation de compétence liée en estimant être tenu de refuser un délai de départ volontaire ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle le 27 janvier 2022.
La clôture de l'instruction a été fixée au 22 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jazeron, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 15 novembre 1982 à El H'Madna (Algérie), serait entré sur le territoire français une première fois au cours de l'année 2013. Il a sollicité l'asile, mais sa demande a été définitivement rejetée le 24 février 2017. Il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement sans délai le 8 août 2017. L'intéressé déclare être revenu en France au mois d'août 2021 et a été interpellé par les services de police le 4 octobre 2021. Par un arrêté pris le jour même, le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour pendant une durée un an. M. A... relève appel du jugement du 9 novembre 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les moyens communs à plusieurs décisions :
2. Le requérant reprend en appel, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, les moyens tirés de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ et interdiction de retour sur le territoire français seraient insuffisamment motivées et procèderaient d'un défaut d'examen sérieux de sa situation. Il n'apporte pas d'élément nouveau à l'appui de ces moyens auxquels le magistrat désigné a pertinemment et suffisamment répondu. Par suite, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par le premier juge aux points 3, 4, 7 et 9 du jugement attaqué.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. M. A... se prévaut principalement de sa relation de couple avec une ressortissante française avec laquelle il s'est marié le 16 octobre 2018 à Mostaganem (Algérie). Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé résidait alors dans son pays d'origine où il avait été renvoyé d'office le 5 avril 2018 et qu'il n'est revenu sur le territoire français qu'au mois d'août 2021, de sorte que les époux ne justifiaient que de deux mois de vie commune à la date de la mesure en litige. Ils n'établissent pas avoir entretenu des liens réguliers pendant ces trois ans de séparation, lesquels ne sauraient sérieusement s'expliquer par la seule crise sanitaire. Par ailleurs, si M. A... indique s'être vu refuser un visa à deux reprises en 2019 et 2020, il est constant qu'il n'a pas sollicité la régularisation de sa situation en qualité de conjoint de Français. Il ne justifie ni d'autres attaches personnelles ni d'une intégration sociale ou professionnelle particulière sur le territoire national où il a fait l'objet de trois condamnations à des peines d'emprisonnement lors de son précédent séjour entre 2015 et 2017. Enfin, il n'est pas isolé en Algérie où il a passé la majeure partie de sa vie et où résident ses parents et la quasi-totalité de ses frères et sœurs. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et n'a pas méconnu les stipulations précitées. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est entachée d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale du requérant, lesquelles conséquences ne sont pas d'une gravité exceptionnelle.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
5. L'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mentionne que : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Par ailleurs, l'article L. 612-3 de ce même code dispose que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité (...), qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) ".
6. D'une part, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué ni des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne se serait estimé en situation de compétence liée pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. A.... Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée cette décision doit être écarté.
7. D'autre part, M. A... est revenu irrégulièrement en France sans solliciter de titre de séjour et, s'il a bien déclaré l'adresse de son épouse lors de son interpellation, il n'a pas été en mesure de présenter son passeport. Dès lors et en l'absence de circonstance particulière rendant nécessaire un délai de départ volontaire, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet a pu retenir l'existence d'un risque de soustraction à la mesure d'éloignement et refuser de lui accorder un tel délai, pour ces motifs, sur le fondement des dispositions précitées.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
8. L'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... n'est revenu que très récemment sur le territoire français après avoir passé les trois dernières années dans son pays d'origine. Nonobstant la présence de son épouse et pour les raisons mentionnées au point 4 du présent arrêt, il ne peut se prévaloir de liens personnels anciens et intenses en France. S'il soutient que l'état de santé de sa conjointe nécessiterait sa présence pour l'assister dans la vie quotidienne, il ne l'établit pas en se bornant à produire un certificat médical peu circonstancié et une attestation de la maison départementale des personnes handicapées, laquelle est d'ailleurs périmée. De surcroît, il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et s'est manifesté par un comportement troublant l'ordre public lors de son précédent séjour. Par suite et en l'absence de circonstance humanitaire avérée, c'est sans erreur d'appréciation que le préfet de la Haute-Garonne a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme réclamée par l'appelant au titre de ces dispositions et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Barbot-Laffite.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL20691