Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer, d'une part, la restitution de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittée au titre de l'exercice clos en 2017 pour un montant de 2 943 euros, correspondant à l'imputation d'un crédit d'impôt en faveur des métiers d'art dont elle s'estimait titulaire et, d'autre part, la restitution de l'excédent de ce crédit d'impôt d'un montant de 9 103 euros.
Par un jugement n° 1804020 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 31 août 2020 et le 24 février 2022 sous le n° 20MA03253 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 20TL03253 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société B..., représentée par Me Nagel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer, d'une part, la restitution de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittée au titre de l'exercice clos en 2017 pour un montant de 2 943 euros, correspondant à l'imputation d'un crédit d'impôt en faveur des métiers d'art dont elle s'estime titulaire et, d'autre part, la restitution de l'excédent de ce crédit d'impôt, d'un montant de 9 103 euros.
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est éligible au crédit d'impôt en faveur des métiers d'art dès lors, d'une part, qu'elle réalise des pièces uniques et, d'autre part, qu'elle exerce une activité de restauration du patrimoine ;
- la doctrine administrative prévoit que le crédit d'impôt s'applique à la production de biens meubles corporels, fabriqués en un exemplaire ou en petite série et devant être incorporés physiquement à un immeuble.
Par deux mémoires, enregistrés le 18 novembre 2020 et le 28 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société B....
Par ordonnance du 9 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 août 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2016-1917, notamment son article 65 ;
- l'arrêté du 24 décembre 2015 fixant la liste des métiers d'art, en application de l'article 20 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Estimant qu'elle était éligible au crédit d'impôt en faveur des métiers d'art au titre de l'année 2017 pour un montant de 12 046 euros, la société B..., qui exerce une activité de maçonnerie spécialisée dans le travail de la pierre, a vainement demandé à l'administration, d'une part, la restitution de la cotisation primitive d'impôt sur les sociétés qu'elle a acquittée au titre de l'exercice clos en 2017, à hauteur de 2 943 euros correspondant à l'imputation d'un crédit d'impôt en faveur des métiers d'art dont elle s'estime titulaire, et, d'autre part, le remboursement de l'excédent de ce crédit d'impôt, à hauteur de 9 103 euros. Elle relève appel du jugement du 2 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la restitution de ces sommes.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes aux termes de l'article 244 quater O du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les entreprises mentionnées au III et imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 sexdecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 10 % de la somme : / 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement affectés à la création d'ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série. La création d'ouvrages uniques, réalisés en un exemplaire ou en petite série, se définit selon deux critères cumulatifs : / a) Un ouvrage pouvant s'appuyer sur la réalisation de plans ou maquettes ou de prototypes ou de tests ou encore de mise au point manuelle particulière à l'ouvrage ; / b) Un ouvrage produit en un exemplaire ou en petite série ne figurant pas à l'identique dans les réalisations précédentes de l'entreprise ; / 2° Des dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf qui sont directement affectées à la création d'ouvrages mentionnés au 1° et à la réalisation de prototypes ; / (...) / I bis. - Les entreprises mentionnées aux 1° et 3° du III du présent article et imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des mêmes articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies et 44 terdecies à 44 sexdecies et œuvrant dans le domaine de la restauration du patrimoine bénéficient du crédit d'impôt prévu au premier alinéa du I du présent article au titre : / 1° Des salaires et charges sociales afférents aux salariés directement affectés à l'activité de restauration du patrimoine ; / 2° Des dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf qui sont directement affectées à l'activité mentionnée au 1° ; / (...) / III. - Les entreprises pouvant bénéficier du crédit d'impôt sont : / 1° Les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des métiers d'art énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises représentent au moins 30 % de la masse salariale totale (...) ". D'une part, il résulte des dispositions précitées du I que le bénéfice du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art qu'elles instituent est réservé aux seules entreprises exerçant une activité de production de biens meubles corporels, à l'exclusion des activités de prestation de services ou celles conduisant à la production de biens immeubles ou de biens meubles incorporels. D'autre part, il résulte des travaux préparatoires de l'article 65 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, dont sont issues les dispositions précitées du I bis, qui ont étendu le bénéfice du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art aux entreprises œuvrant dans le domaine de la restauration du patrimoine, que sont seulement visés par cette extension les métiers figurant dans le tableau annexé à l'arrêté du 24 décembre 2015 fixant la liste des métiers d'art, sous la rubrique " domaine de la restauration ". Ce domaine comprend les métiers de restaurateur de peintures, de documents graphiques et imprimés, de photographies, de sculptures, de textiles, de cuirs, de métal, de meubles, de mosaïques, de céramiques, de verre et de cristal, de vitraux, d'objets scientifiques, techniques et industriels.
3. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction et compte tenu des différents éléments produits par les parties, si le contribuable remplit les conditions auxquelles les dispositions de l'article 244 quater O du code général des impôts subordonnent le bénéfice du crédit d'impôt qu'elles instituent.
4. En premier lieu, la société requérante soutient qu'elle éligible au crédit d'impôt en faveur des métiers d'art sur le fondement du I de l'article 244 quater O du code général des impôts. A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que ses salariés exercent soit l'activité de taille de pierre soit l'activité de maçon du patrimoine bâti spécialité murailler ou rocailleur, qui sont mentionnées dans la liste des métiers d'art fixée par l'arrêté du 24 décembre 2015 susvisé. Elle ajoute que la totalité de sa masse salariale correspond à des salariés exerçant un métier d'art. Il résulte, toutefois de l'instruction, que la société requérante exerce une activité de restauration d'ouvrages préexistants et non pas une activité de création. Ainsi que la société requérante le relève elle-même, " sa clientèle exige invariablement - c'est la base même de ce métier - de reproduire les finitions existantes ". Par suite, la société requérante ne peut être regardée comme exerçant une activité de création d'ouvrages uniques, réalisés en un exemplaire ou en petite série. Il est indifférent, à cet égard, que ses ouvriers ne travaillent que sur des pièces uniques lesquelles seraient, pour la plupart, placées sous le contrôle des architectes des bâtiments de France. Par conséquent, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait, en lui refusant le bénéfice du crédit d'impôt sollicité, méconnu les dispositions précitées du I de l'article 244 quater O du code général des impôts.
5. En second lieu, la société requérante n'est pas davantage éligible au crédit d'impôt en faveur des métiers d'art sur le fondement du I bis de l'article 244 quater O du code général des impôts dès lors qu'il ne ressort pas de la description des chantiers qu'elle a effectués en 2017 qu'elle aurait restauré des objets ou éléments visés par l'arrêté du 24 décembre 2015 et mentionnés ci-dessus. Par conséquent, en lui refusant le bénéfice du crédit d'impôt sollicité, l'administration n'a pas méconnu les dispositions précitées du I bis de l'article 244 quater O du code général des impôts.
En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :
6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ".
7. La garantie prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester le rehaussement d'une imposition. Le refus de l'administration de faire droit à la demande de la société requérante tendant au bénéfice d'un crédit d'impôt en faveur des métiers d'art ne résulte pas du rehaussement d'une imposition. La société requérante n'est donc pas fondée à se prévaloir des conditions d'éligibilité au crédit d'impôt en faveur des métiers d'art prévues par les commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-BIC-RICI-10-100 du 25 septembre 2013.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- Mme Fabien, présidente assesseure,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 octobre 2022.
La rapporteure,
V. A...Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°20TL03253 2