Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière les Marquis a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre de recettes émis et rendu exécutoire le 12 avril 2018 par le maire de Montpellier pour le recouvrement de la somme de 142 300 euros correspondant à la seconde moitié de la participation financière au titre du programme d'aménagement d'ensemble Multisites Marquerose et de prononcer la décharge de cette somme.
Par un jugement n° 1803280 du 13 janvier 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mars 2020 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le numéro 20MA01250 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le numéro 20TL01250, la société civile immobilière les Marquis, représentée par le cabinet PLMC Avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler le titre de recettes émis et rendu exécutoire le 12 avril 2018 par le maire de Montpellier ;
3°) d'ordonner le remboursement de cette somme qu'elle a acquittée ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Montpellier une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué a méconnu le principe du contradictoire ;
- le titre de recettes contesté émane d'une autorité incompétente ;
- le titre de recettes contesté est entaché d'une erreur dans l'identification de la créance à recouvrer ;
- la délibération instaurant les participations pour équipements publics est postérieure au permis de construire constituant son fait générateur ;
- à titre subsidiaire, la créance était prescrite.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2020, la commune de Montpellier, représentée par la SCP VPNG Avocats associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société civile immobilière les Marquis la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est régulier ;
- les autres moyens soulevés par la société civile immobilière les Marquis ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société civile immobilière les Marquis.
Une ordonnance du 11 mai 2022 a prononcé la clôture de l'instruction à la date de son émission en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- et les observations de Me Navarro, représentant la commune de Montpellier.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 11 août 2010, le maire de Montpellier a accordé à la société sud aménagement foncier un permis de construire pour édifier trente-deux logements sur un terrain situé rue de la Marquerose. Cet arrêté prévoit une participation financière au titre du programme d'aménagement d'ensemble Multisites Marquerose. Par arrêté en date du 18 octobre 2010, ce permis de construire a été transféré à la société civile immobilière les Marquis. Par la présente requête, la société civile immobilière les Marquis demande l'annulation du jugement du 13 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de recettes émis par le maire de Montpellier le 12 avril 2018 pour le recouvrement de la somme de 142 300 euros correspondant au solde de cette participation financière et demande à ce qu'il soit ordonné le remboursement de cette somme qu'elle a acquittée.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressées au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.
3. La société requérante fait valoir que le jugement attaqué serait irrégulier faute pour le tribunal de lui avoir communiqué l'arrêté du 2 mars 2018, par lequel le maire de Montpellier a accordé à M. A... B..., premier adjoint au maire, une délégation à l'effet de signer tous les actes dans le domaine de compétence des finances communales, ainsi que les délibérations en date des 6 novembre 2006 et 26 mars 2007 instituant une participation financière au titre du programme d'aménagement d'ensemble Multisites Marquerose produits à l'instance par la commune de Montpellier le 24 octobre 2019. Toutefois, d'une part, la circonstance que les premiers juges ont répondu au moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué en mentionnant l'arrêté du 2 mars 2018 portant délégation de signature à M. B... ne constitue pas une méconnaissance du principe du contradictoire dès lors que cette délégation résulte d'un acte réglementaire publié, et par conséquent accessible tant au juge qu'aux parties. D'autre part, il résulte de la lecture du jugement que, pour écarter le moyen tiré du défaut de base légale de la créance, les premiers juges ne se sont pas fondés sur les délibérations en date des 6 novembre 2006 et 26 mars 2007 mais sur la délibération du conseil municipal du 7 février 2011 versée au dossier laquelle fait mention de ces délibérations antérieures. La société civile immobilière les Marquis n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur la régularité du titre exécutoire :
4. En premier lieu, par un arrêté du 2 mars 2018, régulièrement publié le 7 mars 2018 au registre des arrêtés de la mairie de Montpellier, accessible tant au juge qu'aux parties, le maire de Montpellier a accordé à M. A... B..., premier adjoint au maire, une délégation à l'effet de signer tous les actes dans le domaine de compétence des finances communales qui lui a été délégué, qui comprend notamment l'ordonnancement et le mandatement des dépenses et des recettes. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire du titre de recettes contesté doit être écarté.
5. En second lieu, le titre de recettes contesté mentionne l'arrêté en date du 18 octobre 2010 par lequel le permis de construire du 11 août 2010 délivré à la société sud aménagement foncier, qui comportait une participation financière au titre du programme d'aménagement d'ensemble Multisites Marquerose, a été transféré à la société civile immobilière les Marquis, laquelle est alors devenue redevable de cette participation financière. La mention de l'arrêté par lequel un permis modificatif lui a été accordé présente un caractère superfétatoire. Dès lors, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'erreur, au demeurant purement matérielle, affectant la date de ce dernier arrêté. Par suite, le moyen tiré de ce que le titre de recette en litige mentionne des bases de liquidation erronées doit être écarté.
Sur le bien-fondé du titre exécutoire :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné. (...) Le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions. Sa délibération fait l'objet d'un affichage en mairie. (...) ". Aux termes de l'article L. 332-28 du même code alors en vigueur : " Les contributions mentionnées ou prévues au 2° de l'article L. 332-6-1 et à l'article L. 332-9 sont prescrites, selon le cas, par le permis de construire, le permis d'aménager, les prescriptions faites par l'autorité compétente à l'occasion d'une déclaration préalable ou l'acte approuvant un plan de remembrement. Ces actes en constituent le fait générateur. Ils en fixent le montant, la superficie s'il s'agit d'un apport de terrains ou les caractéristiques générales s'il s'agit des travaux mentionnés au premier alinéa de l'article L. 332-10 ".
7. Il résulte de l'instruction que la participation financière au titre du programme d'aménagement d'ensemble Multisites Marquerose a été instaurée par une délibération du conseil municipal de Montpellier du 6 novembre 2006, modifiée par une délibération du 26 mars 2007. Si ce programme a été modifié une nouvelle fois par une délibération du 7 février 2011 afin de tenir compte des nouvelles dépenses induites par la participation de la commune au financement des travaux de raccordement électrique, la participation due par la société civile immobilière les Marquis au titre de l'arrêté de transfert en date du 18 octobre 2010 a été fixée à la somme de 290 880 euros par l'arrêté portant permis de construire en date du 11 août 2010 et n'a pas été modifiée par le permis de construire modificatif accordé à la société requérante le 12 avril 2011. Ainsi, le moyen tiré de ce que la participation litigieuse n'avait pas été établie à la date de l'arrêté portant permis de construire en date du 11 août 2010 qui en constitue le fait générateur, manque en fait et doit être écarté.
8. En second lieu, aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ". L'article 2240 du même code dispose : " La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. ". La reconnaissance, même partielle, que le débiteur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait, entraîne pour la totalité de la créance un effet interruptif qui ne peut se fractionner.
9. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 11 août 2010 portant permis de construire, tel que modifié le 12 avril 2011, prévoit une participation financière au titre du programme d'aménagement d'ensemble Multisites Marquerose à régler pour moitié à l'ouverture du chantier, le solde six mois après. Il est constant que la société civile immobilière les Marquis a effectué le paiement de la première moitié de la participation financière le 17 décembre 2013. En l'absence de toute contestation au moment de ce paiement, ce dernier implique une reconnaissance de la dette dans sa totalité et doit dès lors être regardé comme ayant interrompu le délai de prescription de la créance dans sa totalité. Ainsi, et alors même que la participation en litige serait une dette payable par termes successifs, le délai de cinq années pour recouvrer le solde de la créance a été interrompu le 17 décembre 2013 et n'a pu expirer antérieurement au 17 décembre 2018. Par suite, et dès lors que le titre de recettes relatif à la seconde fraction de cette participation a été émis le 12 avril 2018 et notifié le 18 mai 2018, le moyen tiré de la prescription d'assiette de cette participation ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que la société civile immobilière les Marquis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montpellier qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la société civile immobilière les Marquis demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société civile immobilière les Marquis la somme de 1 500 euros demandée par la commune de Montpellier en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société civile immobilière les Marquis est rejetée.
Article 2 : La société civile immobilière les Marquis versera à la commune de Montpellier une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière les Marquis et à la commune de Montpellier.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°20TL01250