Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 4 juin 2020 par lequel la préfète du Tarn lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.
Par un jugement n° 2003030 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative de Bordeaux sous le n°21BX03475 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL23475, le 20 août 2021 M. B..., représenté par Me Chninif, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 juin 2020 de la préfète du Tarn ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Tarn de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de l'admettre provisoirement au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- les premiers juges ont soulevé d'office les dispositions de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 notamment les articles 3 et 9 sans mettre les parties à même de présenter leurs observations ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle :
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreurs de fait dès lors que l'arrêté vise un autre nom que le sien, qu'il est entré en France muni d'un visa de court séjour, démontre sa présence continue et ininterrompue depuis plus de 10 ans et est titulaire d'une promesse d'embauche en qualité de bucheron ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2022, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le refus de titre de séjour en qualité de salarié présenté par M. B... à titre exceptionnel trouve son fondement dans l'exercice de son pouvoir de régularisation ;
- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 24 mars 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 22 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Nathalie Lasserre, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 20 novembre 1978 à Agourai (Maroc), de nationalité marocaine, déclare être entré en France le 8 novembre 2009. M. B... demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 15 juillet 2021 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 juin 2020 par lequel la préfète du Tarn lui a refusé un titre de séjour à titre exceptionnel, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.
Sur la régularité du jugement :
2. Contrairement à ce que soutient M. B..., par son jugement en date du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas soulevé d'office les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 et 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié mais s'est borné à examiner les moyens soulevés par le requérant tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifestation d'appréciation des conséquences de l'arrêté en litige sur sa situation personnelle.
Sur les conclusions en annulation :
3. En premier lieu, l'arrêté attaqué comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence (...) ". Aux termes de l'article 9 de ce même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
5. Ces dispositions, qui n'instituent pas une catégorie de titres de séjour distincte, fixent notamment les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain cité au point précédent prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le territoire français. Toutefois, si l'accord franco-marocain précité ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant marocain qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Ainsi, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 5 du présent arrêt que d'une part, M. B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de sa demande présentée à titre exceptionnelle de titre de séjour en qualité de salarié et d'autre part, la préfète du Tarn ne pouvait prendre de décision de refus d'admission exceptionnelle au séjour du requérant en qualité de salarié sur le fondement de ce même article.
7. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.
8. La décision attaquée, prise à tort sur le fondement de l'article L. 313-14 et motivée par la circonstance qu'aucune considération humanitaire, ni aucun motif exceptionnel ne justifiait la délivrance à M. B... d'un titre de séjour en qualité de salarié, trouve un fondement légal dans l'exercice par la préfète du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont elle dispose, ainsi qu'il a été dit au point 5 ci-dessus. Ce fondement légal invoqué par le préfet du Tarn dans son mémoire en défense du 22 mars 2022 qui a été communiqué au requérant peut être substitué au fondement erroné retenu par la préfète du Tarn qui, ainsi qu'il a été dit au point 6, dispose pour cela du même pouvoir d'appréciation et sans que le requérant n'ait été privé d'aucune garantie.
9. A cet égard, si M. B... se prévaut d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'ouvrier paysagiste avec la société ..., il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 15 avril 2020 que ce contrat ne respecte pas les conditions d'emploi et de rémunération prévus par les textes législatifs et conventionnels et que l'employeur ne justifie pas avoir fait des démarches de recrutement alors que la situation de l'emploi n'est pas favorable à l'intéressé. De plus, si M. B... soutient résider en France de manière continue depuis 2009, il n'établit pas sa résidence en France entre 2009 et 2012. En outre, s'il est finalement constant que l'intéressé est entré dans l'espace Schengen en étant muni d'un visa D, il résulte de l'instruction que la préfète du Tarn aurait pris la même décision si elle ne s'était fondée que sur les conditions de son séjour et sur l'absence de considération humanitaire ou de motif exceptionnel propre à justifier sa régularisation. Enfin, la circonstance que la préfète ait mentionné un autre nom que celui de M. B... dans les motifs de l'arrêté attaqué ne constitue qu'une simple erreur de plume, dès lors que cet arrêté mentionne par ailleurs systématiquement le nom du requérant et énonce des éléments propres à sa situation personnelle. Il en résulte que les moyens soulevés par M. B... tirés de ce que la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle, d'erreurs de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation de ces conséquences sur sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la préfète du Tarn s'est bornée à prendre en compte, au même titre que d'autres éléments, l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du 15 avril 2020 pour apprécier l'opportunité d'une mesure de régularisation au profit de M. B.... Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète du Tarn a méconnu l'étendue de ses compétences en s'appropriant les termes de cet avis, sans pour autant s'être estimé liée par ce dernier.
10. En quatrième lieu, la préfète du Tarn n'a pas refusé d'octroyer un titre de séjour de plein droit à M. B... sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié, aucune demande n'ayant été formulée en ce sens. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit au regard de ces stipulations doit être écarté.
11. En cinquième lieu, aux termes l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
12. Si M. B... réside en France depuis 2012, il s'est maintenu en situation irrégulière pendant près de sept ans avant de solliciter son admission au séjour. La seule production d'un contrat à durée indéterminée en qualité d'ouvrier paysagiste avec la société ... ne démontre pas une intégration particulièrement intense en France. Enfin, rien ne fait obstacle à ce que M. B... retourne au Maroc où résident deux de ses frères. Dans ces conditions, la décision contestée ne peut être regardée comme portant au droit de l'appelant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus qui lui a été opposé. La préfète du Tarn n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. Chabert Le greffier,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
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N°21TL23475