Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 11 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé son admission au séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2101104 du 25 février 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 mars 2022, sous le n° 22BX00861 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 22TL20861 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis des mémoires en réplique enregistrés le 8 juin 2022 et le 21 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Chambaret, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 25 février 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 11 février 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal administratif de Toulouse n'a pas répondu au moyen tiré de ce que les décisions en litige sont entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation professionnelle et personnelle ;
Sur la décision portant refus d'admission au séjour :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'association Medi-Pass a méconnu les obligations lui incombant en vertu de l'accord conclu avec l'Etat ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier tant sur le plan de sa situation professionnelle que sur le plan de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle lui oppose les dispositions de l''article R. 5221-20 du code du travail ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier tant sur le plan de sa situation professionnelle que sur le plan de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle lui oppose les dispositions de l''article R. 5221-20 du code du travail.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 5 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les observations de Me Chambaret, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 21 janvier 1984 à Medea (Algérie), entré sur le territoire français le 14 juin 2015 sous couvert d'un visa de court séjour, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour le 20 juin 2019. Par un arrêté du 11 février 2021, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. A... relève appel du jugement du 25 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Dans ses écritures de première instance, M. A... avait notamment soutenu que la décision portant refus d'admission au séjour ainsi que la décision portant obligation de quitter le territoire français se trouvaient entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation professionnelle et personnelle. Il ressort des termes du jugement attaqué que, si le tribunal a partiellement visé ce moyen s'agissant de la décision portant refus d'admission au séjour, il n'y a répondu pour aucune des deux décisions contestées, alors qu'il ne s'agissait pourtant pas d'un moyen inopérant. Par voie de conséquence, l'appelant est fondé à soutenir que le jugement en litige est entaché d'un défaut de motivation et qu'il doit être annulé comme irrégulier.
3. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus d'admission au séjour :
4. En premier lieu, l'arrêté litigieux mentionne les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé pour rejeter la demande d'admission au séjour présentée par M. A.... Ainsi, la décision susvisée est suffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il implique que le préfet, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision défavorable à ses intérêts, mette l'intéressé à même de présenter ses observations, de sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure avant qu'elle n'intervienne. Lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il présente cette demande et à produire tous éléments susceptibles de venir à son soutien. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs même pas soutenu que le requérant aurait été empêché de porter à la connaissance des services préfectoraux toutes les informations pertinentes susceptibles de venir au soutien de sa demande. Par suite, le droit de l'intéressé d'être entendu a bien été satisfait avant que n'intervienne le refus litigieux.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 114-6 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à une administration est affectée par un vice de forme ou de procédure faisant obstacle à son examen et que ce vice est susceptible d'être couvert dans les délais légaux, l'administration invite l'auteur de la demande à la régulariser en lui indiquant le délai imparti pour cette régularisation, les formalités ou les procédures à respecter ainsi que les dispositions légales et réglementaires qui les prévoient. / Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur de la demande lorsque la réponse de l'administration ne comporte pas les indications mentionnées à l'alinéa précédent. ".
7. Il est constant que M. A... n'a pas apposé sa signature sur le formulaire remis aux services préfectoraux et que plusieurs rubriques de ce formulaire n'ont pas été remplies. Le requérant ne peut cependant utilement reprocher à l'administration de ne pas l'avoir invité à remédier à ces omissions, lesquelles ne faisaient nullement obstacle à l'examen de son dossier et n'ont d'ailleurs pas constitué le motif du rejet de sa demande. Il n'est au surplus pas contesté que l'intéressé a bénéficié d'un rendez-vous en préfecture et qu'il a donc été mis à même d'apporter toutes les précisions qu'il estimait utiles sur sa situation personnelle. Par conséquent, le vice de procédure tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, M. A... soutient qu'il a été assisté par l'association Médi-Pass, liée à l'administration par un accord de partenariat, pour compléter le formulaire de demande de titre de séjour et se plaint de ce que cette association n'a pas rempli correctement certaines des rubriques du document en cause. Le requérant ne peut toutefois utilement se prévaloir d'une prétendue méconnaissance de ses obligations contractuelles par ladite association à l'appui des présentes conclusions. Par suite, le moyen ainsi invoqué doit être également écarté.
9. En cinquième lieu, il ressort des termes de l'arrêté litigieux que, pour décider de rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A... sur le terrain du travail, le préfet a relevé, dans un premier temps, que si l'intéressé produisait une promesse d'embauche, il ne justifiait ni d'un visa de long séjour ni d'un contrat de travail visé par l'administration pour lui permettre de bénéficier d'un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article 7 b) de l'accord franco-algérien. Le préfet de la Haute-Garonne a estimé, dans un second temps, qu'au regard des caractéristiques de l'emploi de boucher dont il se prévalait, l'appelant, titulaire d'une licence en communication et relations publiques obtenue dans son pays d'origine, ne possédait pas une qualification, une expérience professionnelle ou des diplômes de nature à justifier une mesure de régularisation, d'autant que le salaire proposé ne répondait pas aux prescriptions de l'article R. 5221-10 du code du travail. En se prononçant ainsi, alors qu'il ressort de ces termes mêmes que l'observation relative au montant du salaire n'a été émise qu'à titre surabondant, le préfet n'a commis aucune erreur de droit dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.
10. En sixième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'autorité préfectorale a bien procédé à un examen de la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A... au regard de sa situation professionnelle, en portant notamment une appréciation sur la cohérence entre les caractéristiques de l'emploi pour lequel il se prévalait d'une promesse de recrutement et la qualification ou les diplômes dont il était titulaire. Les seules circonstances que l'arrêté attaqué évoque à tort un contrat de travail à durée déterminée alors que l'appelant avait produit un contrat à durée indéterminée et que ledit arrêté ne porte pas mention des contrats précédents de l'intéressé, à supposer que ces contrats aient bien été communiqués aux services préfectoraux, ne permettent pas de caractériser à elles seules un défaut d'examen particulier de la situation professionnelle de M. A.... Par ailleurs, alors même que le formulaire de demande présentait des lacunes en ce qui concerne la situation personnelle de l'intéressé, l'arrêté en litige précise que le requérant est célibataire, qu'il n'a pas d'enfant et que l'ensemble de sa famille se trouve en Algérie, sans qu'il ne soit soutenu que ces indications seraient inexactes. Dès lors, le moyen tiré de ce que le refus en litige procèderait d'un défaut d'examen doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, dans l'hypothèse où la décision portant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment à un refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement de cette décision de refus. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'autorité administrative ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour. Par suite et compte tenu de ce qui a été exposé au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.
12. En second lieu, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français procèderait d'une erreur de droit et d'un défaut d'examen doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus aux points 9 et 10 du présent arrêt.
13. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 11 février 2021.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par l'appelant au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 2101104 du 25 février 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... ainsi qu'au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
Le greffier,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL20861