Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le recteur de la région académique Provence-Alpes-Côte d'Azur sur son recours gracieux formé le 19 juin 2018 à l'encontre de la décision du 14 mai 2018 rejetant sa candidature à la classe exceptionnelle au titre du premier vivier de l'année 2018, et d'enjoindre au recteur de l'académie d'Aix-Marseille de procéder à son admission à la classe exceptionnelle au titre du premier vivier de l'année 2018.
Par un jugement n° 1803141 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2020 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 20MA04495, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°20TL04495, et un mémoire complémentaire enregistré le 1er septembre 2022 (non communiqué), M. B... A..., représenté par Me Billet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 14 mai 2018 rejetant sa candidature à la classe exceptionnelle au titre du premier vivier de l'année 2018 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'académie d'Aix-Marseille de procéder à son admission à la classe exceptionnelle au titre du premier vivier de l'année 2018 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il remplit les conditions fixées par l'article 13 sexies du décret du 4 juillet 1972, l'arrêté du 10 mai 2017 et par la note de service n° 2017-175 du 24 novembre 2017 ;
- au jour de sa demande il justifiait de huit années de service à temps complet dans l'enseignement supérieur au regard du calcul de pondération des heures d'enseignement régi par le décret n° 61-1362 du 6 décembre 1961 jusqu'à la rentrée scolaire 2014, puis par le décret du 20 août 2014.
Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A....
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juillet 2022, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 juillet 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 6 septembre 2022.
Par lettre du 28 septembre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R.611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur le moyen soulevé d'office tiré du défaut de base légale des décisions attaquées en raison de l'illégalité de la subdélégation consentie par le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 modifié au profit de l'arrêté ministériel du 10 mai 2017, constatée par la décision du Conseil d'Etat du 19 mai 2021 n° 430342.
Un mémoire présenté pour M. A... a été enregistré le 3 octobre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 ;
- le décret n° 2022-481 du 4 avril 2022 ;
- l'arrêté du 10 mai 2017 n° NOR MENH1904625A ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., professeur agrégé hors classe, a candidaté à la classe exceptionnelle au titre du premier vivier de l'année 2018. Par une décision du 14 mai 2018, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a rejeté sa candidature. M. A... a formé un recours gracieux par lettre du 13 juin 2018, qui a fait l'objet d'un refus implicite. Par jugement du 2 octobre 2020 dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
2. Aux termes de l'article 58 de la loi du 11 janvier 1984 applicable à l'espèce : " L'avancement de grade a lieu de façon continue d'un grade au grade immédiatement supérieur. (...) l'avancement de grade a lieu, selon les proportions définies par les statuts particuliers, suivant l'une ou plusieurs des modalités ci-après : 1° Soit au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents ; (...) ". Aux termes de l'article 13 sexies du décret du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs agrégés de l'enseignement du second degré, dans sa version applicable au litige : " I. - Peuvent être promus au grade de professeur agrégé de classe exceptionnelle, au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, les professeurs agrégés qui, à la date d'établissement dudit tableau, ont atteint au moins le 2e échelon de la hors-classe, et justifient de huit années de fonctions accomplies dans des conditions d'exercice difficiles ou sur des fonctions particulières au sein d'un corps enseignant, d'éducation ou de psychologue relevant du ministère de l'éducation nationale. La liste de ces fonctions est fixée par arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale et du ministre chargé de la fonction publique. (...) ".
3. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 10 mai 2017 fixant la liste des conditions d'exercice et des fonctions particulières des personnels des corps enseignants d'éducation et de psychologue au ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche prises en compte pour un avancement à la classe exceptionnelle, dans sa version applicable à l'espèce : " Les conditions d'exercice et les fonctions exercées au ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche prises en compte pour l'application du I des articles 10-11 du décret du 12 août 1970 susvisé, 13 sexto du décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 susvisé sont les suivantes : (...) - affectation dans l'enseignement supérieur ; (...) ". Ces dispositions ont notamment été modifiées par un arrêté du 8 avril 2019, les termes " l'enseignement supérieur " ayant été remplacés par les mots " un établissement de l'enseignement supérieur ou exerçant l'intégralité de leur service dans une classe préparatoire aux grandes écoles ".
4. Il résulte des dispositions de l'article 13 sexies du décret du 4 juillet 1972, dans ses dispositions applicables au litige qui renvoient à l'arrêté du 10 mai 2017, que l'avancement au grade de professeur agrégé de classe exceptionnelle est subordonné à une condition d'exercice d'au moins huit années de fonctions accomplies dans des conditions d'exercice difficiles ou sur des fonctions particulières au sein d'un corps enseignant, d'éducation ou de psychologue relevant du ministère de l'éducation nationale et a donc pour objectif de valoriser l'expérience acquise par les professeurs agrégés à l'occasion de ces fonctions spécifiques.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser la candidature de M. A... pour un avancement à la classe exceptionnelle au titre du premier vivier de l'année 2018, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a estimé que l'intéressé ne remplissait pas les conditions requises par l'article 13 sexies du décret du 4 juillet 1972 et l'arrêté pris pour son application, n'ayant accompli qu'une partie de ses services en section de technicien supérieur, soit au sein de l'enseignement supérieur. Toutefois, par une décision du 19 mai 2021 (n° 430342), le Conseil d'Etat a annulé les dispositions du 3° de l'article 1er de l'arrêté du 8 avril 2019 modifiant l'arrêté du 10 mai 2017 cité au point 3, en tant qu'elles concernent les professeurs agrégés. Le Conseil d'Etat a considéré que les dispositions du I de l'article 13 sexies du décret du 4 juillet 1972, dans sa rédaction issue de l'article 59 du décret du 5 mai 2017, s'étaient bornées à reprendre les termes de l'article 39 de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social, et qu'elles n'ont pu, sans méconnaître l'article 39 de cette loi, renvoyer purement et simplement à un arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale et du ministre chargé de la fonction publique le soin d'établir la liste de fonctions auxquelles peut être subordonné l'avancement de grade, sans définir au préalable, avec une précision suffisante, les modalités suivant lesquelles cette condition doit être appréciée. Si les dispositions de l'arrêté du 10 mai 2017 telles que modifiées par l'arrêté du 8 avril 2019 annulées par cette décision du Conseil d'Etat ne sont pas celles qui sont applicables au litige, ladite décision implique cependant nécessairement que les dispositions initiales de l'arrêté ministériel sont également entachées d'illégalité. Il s'ensuit que les décisions individuelles prises à l'encontre de M. A... sont privées de base légale.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens invoqués, que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. A.... Par suite, la décision du 14 mai 2018, ensemble la décision de rejet du recours gracieux de M. A... doivent être annulées.
Sur l'injonction :
7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) " Il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.
8. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la décision précitée du Conseil d'Etat rendue le 19 mai 2021, l'article 13 sexies du décret du 4 juillet 1972 a été modifié en dernier lieu par le décret n° 2022-481 du 4 avril 2022 comme suit : " I.- Peuvent être promus au grade de professeur agrégé de classe exceptionnelle, au choix, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement, les professeurs agrégés qui, à la date d'établissement de ce tableau, ont atteint au moins le 2e échelon de la hors-classe et justifient de six années : (...) 2° Ou dans des fonctions accomplies au sein de l'un ou de plusieurs de ces mêmes corps dans un établissement d'enseignement supérieur ou une classe préparatoire aux grandes écoles ou dans un territoire ou lieu d'exercice caractérisé par des difficultés éducatives, économiques ou sociales. / La liste de ces fonctions est fixée par arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale et du ministre chargé de la fonction publique. " M. A... ayant accompli ses fonctions au sein du lycée ...à Avignon depuis septembre 1993 où il a eu en charge les classes de brevet technique supérieur en électronique, il ne remplit pas les conditions d'exercice requises pour bénéficier d'un avancement à la classe exceptionnelle de son grade. Sa demande tendant à enjoindre au recteur de l'académie d'Aix-Marseille de procéder à son admission à la classe exceptionnelle au titre du premier vivier de l'année 2018 ne peut dès lors qu'être rejetée.
Sur les frais d'instance :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accorder à M. A... le bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 6 octobre 2020 et les décisions du recteur de l'académie d'Aix-Marseille rejetant la candidature de M. A... à la classe exceptionnelle au titre du premier vivier de l'année 2018 sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Aix-Marseille.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2022.
La rapporteure,
A. Blin
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°20TL04495 2