Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de titre de séjour du 4 juillet 2019 et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un premier certificat de résidence sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, ou à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour. L'intéressée a également demandé au même tribunal, d'une part, d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un premier certificat de résidence sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, ou à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour.
Par un jugement nos 2003586-2106267 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mars 2022, Mme B..., représentée par Me Chninif, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2021 du préfet des Pyrénées-Orientales ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un premier certificat de résidence sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la présente décision ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué n'est pas suffisamment motivé au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le jugement attaqué comporte une erreur de fait en ce qu'il mentionne que son enfant a été placé sur décision du tribunal judiciaire de Montpellier et que le préfet de l'Hérault n'a pas entaché ses décisions d'illégalité, alors que le préfet en cause est celui des Pyrénées-Orientales et que le tribunal judiciaire qui a prononcé le jugement en assistance éducative est celui de Perpignan ;
- l'arrêté porte atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant mineur en violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- cet arrêté a été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de l'atteinte excessive portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- l'arrêté méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet n'a pas pris en compte l'ensemble des éléments de son dossier.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 juillet 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative dès lors qu'elle se borne à reprendre les termes de la demande de première instance ;
- les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2022, modifiée le 9 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Chabert, président
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 20 février 1985, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Elle relève appel du jugement nos 2003586-2106267 du 10 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet des Pyrénées-Orientales sur sa demande de titre de séjour 4 juillet 2019 et d'autre part, de l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le même préfet a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Mme B... ayant été admise au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2022, il n'y a pas lieu de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Pyrénées-Orientales :
3. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".
4. La requête d'appel de Mme B..., qui ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement les moyens invoqués à l'appui de ses conclusions de première instance, comporte une critique du jugement attaqué comme étant mal fondé et irrégulier en particulier au regard des erreurs de fait commises selon elle par les premiers juges. Elle répond ainsi aux exigences de motivation prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Pyrénées-Orientales doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est mère d'un enfant de nationalité algérienne né le 14 novembre 2018 sur le territoire français de son union avec un ressortissant algérien. Cet enfant a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département des Pyrénées-Orientales à compter du 26 novembre 2018 par ordonnance de placement provisoire et ce placement a été renouvelé depuis par des jugements en assistance éducative du tribunal pour enfant de Perpignan en date des 12 décembre 2018, 20 mai 2019, 3 juin 2020 et 27 mai 2021. Alors que les droits du père de cet enfant ont été réservés dès lors qu'il ne s'est plus manifesté depuis l'année 2020, il ressort également des pièces du dossier que Mme B... bénéficie d'un droit de visite accompagné deux fois par semaine qu'elle exerce effectivement depuis sa mise en place en présence d'un travailleur social ainsi que l'atteste un courrier circonstancié du 18 février 2020 d'une éducatrice spécialisée de la mission Enfance-Famille du département des Pyrénées-Orientales. Si le juge pour enfants a prolongé la mesure de placement de son fils, en raison notamment de sa situation irrégulière sur le territoire français, du manque de logement autonome et de l'absence de ressources financières stables, il ressort des motifs du dernier jugement en assistance éducative du 27 mai 2021 " que l'évolution de la situation sur le plan éducatif tendrait déjà depuis l'an passé à un retour de Mounir auprès de sa mère ", et que l'enfant entretient " une relation de qualité avec sa mère ". Dans les circonstances de l'espèce, alors au demeurant que cet enfant n'entretient aucune relation avec son père, Mme B... établit par les pièces qu'elle produit la réalité et stabilité du lien qu'elle a avec son fils qui bénéficie d'une mesure judiciaire de placement en France. Dès lors, l'intérêt supérieur de son enfant implique que ce lien ne soit pas rompu et le refus opposé à sa demande d'admission au séjour ainsi que la mesure d'éloignement prononcée à son encontre doivent être regardés comme ayant été pris en violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ni de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Par suite, il y a lieu d'annuler ce jugement ainsi que les décisions par lesquelles le préfet des Pyrénées-Orientales a d'abord tacitement puis expressément refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B... et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Eu égard au motif d'annulation retenu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et résultant de l'instruction, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un titre de séjour soit délivré à Mme B.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer à l'intéressée un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Chninif, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Chninif de la somme de 1 200 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2003586-2106267 du 10 février 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : La décision tacite de refus de séjour ainsi que l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B... et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer un titre de séjour à Mme B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Chninif, avocat de Mme B..., la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de renonciation à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Abderrahim Chninif, au préfet des Pyrénées-Orientales et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Haïli, président assesseur,
- M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2022.
Le président-rapporteur,
D. Chabert
Le président assesseur,
X. Haïli
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL20771