Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'exploitation agricole à responsabilité limitée Cabanère a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les décisions de la préfète de l'Ariège du 4 septembre 2019 et du 13 septembre 2019 portant application d'un taux de réduction des aides de la politique agricole commune pour les campagnes des années 2016 et 2017, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique reçu le 6 novembre 2019.
Par une ordonnance n° 462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué au tribunal administratif de Nîmes le jugement de la requête de l'exploitation agricole Cabanère et, par une ordonnance n° 2021186 du 2 juin 2022, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nîmes a donné acte du désistement de la requête de l'exploitation agricole Cabanère.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2022, l'exploitation agricole Cabanère, représentée par Me Allene Ondo, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nîmes ou de Toulouse ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler les décisions de la préfète de l'Ariège du 4 septembre 2019 et du 13 septembre 2019 portant application d'un taux de réduction des aides de la politique agricole commune pour les campagnes des années 2016 et 2017 ;
4°) d'enjoindre à la préfète de l'Ariège de restituer les sommes déjà prélevées au titre des campagnes des années 2016 et 2017 ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le déroulement de la procédure juridictionnelle, avant l'utilisation par le tribunal administratif de Nîmes des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, démontre qu'elle n'avait pas l'intention de se désister de l'instance ;
- l'ordonnance prononcée, qui la prive de la possibilité de voir sa cause entendue par un tribunal, méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la réduction des aides décidée par la préfète de l'Ariège n'est pas justifiée dès lors qu'elle a appliqué les mesures de prophylaxie nécessaires à son élevage qui étaient les plus fiables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'exploitation agricole Cabanère contre la décision de la préfète de l'Ariège ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Allene Ondo, représentant l'exploitation agricole Cabanère.
Considérant ce qui suit :
1. Par l'ordonnance du 2 juin 2022 attaquée, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Nîmes, notant que l'exploitation agricole Cabanère n'avait pas expressément confirmé le maintien de ses conclusions dans le délai d'un mois ainsi qu'il lui était demandé par un courrier dont elle avait eu connaissance sur l'application électronique Télérecours le 19 avril 2022, a jugé qu'elle était ainsi réputée s'être désistée de l'ensemble des conclusions de sa requête et a, en conséquence, donné acte du désistement. L'exploitation agricole Cabanère fait appel de cette ordonnance.
2. Aux termes de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction, peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ". A l'occasion de la contestation en appel de l'ordonnance prenant acte du désistement d'un requérant en l'absence de réponse à l'expiration du délai qui lui a été fixé, il incombe au juge d'appel, saisi de moyens en ce sens, de vérifier que l'intéressé a reçu la demande mentionnée par les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, que cette demande fixait un délai d'au moins un mois au requérant pour répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai, que le requérant s'est abstenu de répondre en temps utile et d'apprécier si le premier juge, dans les circonstances de l'affaire, a fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1.
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'après la clôture de l'instruction fixée au 5 mars 2021, l'exploitation agricole Cabanère a adressé un courrier au greffe du tribunal administratif de Toulouse par l'application électronique Télérecours, reçu le 7 février 2022, lui demandant de l'informer de " la date de jugement qui a été fixée dans ce dossier qui est en cours depuis presque deux années ". En réponse, cette juridiction lui a indiqué, le 1er mars 2022, que l'affaire pourrait être appelée à l'audience au cours du deuxième semestre de l'année 2022. Dans ces circonstances, le tribunal administratif de Nîmes, désormais compétent pour connaître du litige, n'a pas fait une juste application des dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative en demandant à l'exploitation agricole Cabanère, dès le 19 avril 2022 et en l'absence d'éléments nouveaux, de confirmer expressément le maintien de ses conclusions. L'ordonnance attaquée a, ainsi, à tort donné acte d'un désistement et est donc irrégulière.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'ordonnance attaquée doit être annulée. Comme le demande, à titre principal, l'exploitation agricole Cabanère, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Nîmes pour qu'il soit à nouveau statué sur sa demande.
5. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à l'exploitation agricole Cabanère au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2021186 du tribunal administratif de Nîmes du 2 juin 2022 est annulée.
Article 2 : L'exploitation agricole Cabanère est renvoyée devant le tribunal administratif de Nîmes pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à l'exploitation agricole Cabanère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'exploitation agricole à responsabilité limitée Cabanère et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ariège.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2022, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.
Le président-rapporteur,
A. A...L'assesseur le plus ancien,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22TL21603 2