Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 30 août 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le Sénégal comme pays de renvoi.
Par un jugement n° 2106116 du 15 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Summerfield, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 août 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif de Montpellier ne s'est pas prononcé sur de nombreux arguments et pièces qu'elle lui a soumis au soutien de sa demande ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 423-1 et l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet des Pyrénées-Orientales a omis d'examiner sa demande tendant à obtenir un titre de séjour pour compléter sa formation professionnelle ;
- en application de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, la situation de l'emploi n'est pas opposable aux employés polyvalents en restauration ou pour les cuisiniers ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale, la présence de son époux au Sénégal lui faisant courir des risques en cas de retour dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2022, la préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2022.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre la France et le Sénégal ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 9 octobre 1982, est entrée en France le 12 mars 2020 sous couvert d'un visa de court séjour, à la suite de son mariage au Sénégal avec un ressortissant français le 27 novembre 2019. Le préfet des Pyrénées-Orientales, par un arrêté du 30 août 2021, a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... fait appel du jugement du 15 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Le tribunal administratif de Montpellier a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par Mme A.... En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu, et de manière suffisante, au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux points 2 à 4 du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, il ressort du dossier de demande déposé le 22 février 2021 que Mme A... sollicitait un titre de séjour en sa qualité de " conjointe " d'un ressortissant français. La seule circonstance que Mme A... ait indiqué, en remplissant dans le formulaire le cadre relatif à la formation, qu'elle était en cours de formation professionnelle, n'a pas modifié la nature de la demande de titre dont le préfet des Pyrénées-Orientales était saisi. Ainsi, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'il se serait mépris sur la nature de sa demande et aurait omis de se prononcer sur une demande de titre afin de lui permettre de compléter sa formation professionnelle.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". Aux termes de l'article L. 423-5 du même code : " La rupture de la vie commune n'est pas opposable lorsqu'elle est imputable à des violences familiales ou conjugales ou lorsque l'étranger a subi une situation de polygamie. / En cas de rupture de la vie commune imputable à des violences familiales ou conjugales subies après l'arrivée en France du conjoint étranger, mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer la carte de séjour prévue à l'article L. 423-1 sous réserve que les autres conditions de cet article soient remplies ".
5. Mme A..., qui soutient que les violences conjugales dont elle se dit victime depuis son arrivée en France ont entraîné la rupture de la vie commune le 24 juin 2020, a déposé plainte le 30 juin 2020, en raison de violences commises par son époux dans la nuit du 24 juin au 25 juin 2020 à leur domicile. En outre, le certificat médical du 26 juin 2020 établi par un médecin du centre hospitalier de Perpignan indique que les lésions constatées correspondent à une incapacité totale de travail d'un jour. Enfin, Mme A... a également déposé plainte, le 22 septembre 2020, pour des faits de harcèlement par son époux.
6. Toutefois, s'agissant des violences physiques, il ressort des pièces du dossier, tant des nombreuses pièces produites par Mme A..., notamment les copies de mails et de messages envoyés par son époux et des attestations, que des pièces produites par le préfet des Pyrénées-Orientales comprenant également des attestations et un certificat médical relatif à l'époux, que la période de vie commune a été marquée par des tensions fréquentes entre les deux conjoints. La plainte déposée par Mme A... le 30 juin 2020, ainsi que la plainte que son époux a déposée, le 26 juin 2020, pour des faits de violences commises par elle à son encontre, ont toutes deux été classées sans suite, avec pour chacun un rappel à la loi formulé en des termes identiques. En outre, à la suite d'une requête en divorce déposée par son époux, la juge aux affaires familiales de Perpignan a rendu une ordonnance de non-conciliation le 10 mars 2021 dans laquelle il n'est aucunement fait mention des violences conjugales alléguées par la requérante. Enfin, les pièces produites par Mme A..., notamment celles relatives aux contacts que son mari entretient avec des membres de sa famille postérieurement à leur séparation, ne permettent pas d'établir qu'elle aurait été victime d'un harcèlement moral, en raison notamment d'un chantage, de sa part. Par suite, au regard de l'ensemble de ces circonstances, il ne ressort pas des pièces du dossier que la rupture de la vie commune serait imputable à des violences conjugales dont serait victime Mme A.... Dès lors, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 423-1 et de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, et en tout état de cause, la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....
7. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 2, la demande de Mme A... tendait uniquement à obtenir un titre de séjour en qualité de conjointe de ressortissant français. Le moyen tiré de ce que les stipulations du paragraphe 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 ne permettraient pas d'opposer la situation de l'emploi aux employés polyvalents en restauration ou aux cuisiniers est donc inopérant. En tout état de cause, les stipulations de ce paragraphe, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, qui renvoient à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions à présent contenues à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En l'espèce, Mme A... n'établit aucune intégration professionnelle et elle ne fait, en outre, état d'aucune vie privée et familiale en France. Ainsi, la décision portant refus de titre de séjour, en l'absence de motifs exceptionnels ou de circonstances humanitaires, n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation tant au regard de ces dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
9. Il ressort des pièces du dossier que l'ancien époux de Mme A... se rend parfois au Sénégal et est en contact avec des membres de sa famille résidant au Sénégal. Toutefois, Mme A... n'apporte, à l'appui de ses allégations selon laquelle elle serait pour ces motifs exposée à des risques pour elle-même en cas de retour dans son pays d'origine, aucun élément de nature à en établir la réalité. Par suite, ce moyen doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... A..., à Me Gabriele Summerfield et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023.
Le président-rapporteur,
A. B...
L'assesseur le plus ancien,
N. Lafon Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21324