Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que de l'amende pour non déclaration d'un compte bancaire ouvert à l'étranger qui lui a été appliquée au titre de chacune de ces mêmes années.
Par un jugement n° 1900475 du 19 février 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2021 sous le n° 21MA01491 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL01491 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme C..., représentée par Me Goguelat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016, ainsi que de l'amende pour non déclaration d'un compte bancaire ouvert à l'étranger qui lui a été appliquée au titre de chacune de ces mêmes années ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée ;
- l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence de revenus distribués par personne interposée et de l'appréhension effective des sommes imposées ;
- les conditions prévues par l'instruction BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20 n° 60 ne sont pas remplies ;
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit en faisant peser sur elle la charge de la preuve ;
- l'administration ne pouvait faire application de l'article 1649 A et du IV de l'article 1736 code général des impôts dès lors qu'elle n'est plus domiciliée ou établie en France depuis le 3 janvier 2016 ;
- la doctrine référencée BOI-CF-CPF-30-20 n° 90 précise que ces dispositions sont réservées aux personnes fiscalement domiciliées ou établies en France ;
- le critère de séjour principal est retenu par la doctrine BOI-IR-CHAMP-10 n° 130 lorsque le contribuable séjourne en France plus de six mois au cours d'une année ;
- l'administration n'apporte pas la preuve d'un manquement délibéré ;
- la doctrine référencée BOI-CF-INF-10-20-20 n° 30 prévoit qu'il incombe à l'administration d'apporter la preuve du manquement délibéré du contribuable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Drevet-Lapassade, substituant Me Goguelat, pour Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... fait appel du jugement du 19 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016. Ces suppléments procèdent de l'imposition de revenus distribués par les sociétés Cocody et S Plus, dont Mme C... était associée et respectivement cogérante et gérante, et par l'association Synergie France Asie, dont elle est la secrétaire. Elle conteste également l'amende pour non déclaration d'un compte bancaire ouvert à l'étranger qui lui a été appliquée au titre de chacune de ces mêmes années.
Sur les conclusions en décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.
3. La proposition de rectification qui a été adressée le 21 décembre 2017 à Mme C... précisait, en premier lieu, que les distributions visées au a de l'article 111 du code général des impôts s'appliquaient aux sommes d'argent versées par la société S Plus sur le compte personnel de l'intéressée. Elle reproduisait la liste de ces versements à partir des copies des ordres de transfert transmis à la suite d'un droit de communication exercé auprès de l'établissement bancaire de la société. Elle mentionnait que l'examen de ces ordres de transfert révélait que Mme C... avait appréhendé une partie des sommes figurant sur le compte courant d'associé de M. C... et en déduisait que le compte courant d'associée de Mme C... s'en trouvait débiteur à hauteur du montant de ces versements. La proposition de rectification indiquait, en second lieu, que les recettes dues à la société Cocody avaient été encaissées en 2016 par la société S Plus et l'association Synergie France Asie. Elle en concluait que les sommes versées par ces dernières à Mme C..., apparaissant sur les copies des ordres de transfert communiqués par le même établissement bancaire et dont le détail était fourni, devaient être regardées comme ayant été mises à sa disposition au sens du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Cette motivation, qui fait référence aux vérifications de comptabilité des deux sociétés et de l'association, alors même que les sommes distribuées ne proviennent pas d'un rehaussement préalable des bénéfices sociaux, reproduit les éléments pertinents des propositions de rectification qui ont été adressées aux sociétés Cocody et S Plus et à l'association Synergie France Asie, au regard de la situation de Mme C.... La proposition de rectification du 21 décembre 2017 indiquait également le calcul des rectifications envisagées pour les années 2014, 2015 et 2016 en cause, la catégorie de revenus retenue et l'imposition concernée. Dans ces circonstances, Mme C..., à supposer même qu'elle n'aurait pas reçu les propositions de rectification adressées aux sociétés et à l'association, doit être regardée comme ayant été informée des motifs fondant les rectifications envisagées de manière suffisante pour lui permettre de présenter utilement ses observations. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration est fondée à intégrer dans le revenu imposable d'un associé au titre d'une année donnée les sommes pour lesquelles elle apporte la preuve qu'elles ont été mises à sa disposition au cours de cette année et, si elles n'ont pas été prélevées par l'intéressé avant la clôture de l'exercice concerné, qu'elles étaient encore à sa disposition à cette date. Pour que ces sommes ne soient pas prises en compte dans le revenu imposable de l'associé, il appartient à celui-ci d'établir qu'il aurait été dans l'impossibilité, s'il l'avait souhaité, de les prélever effectivement.
5. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment des ordres de transfert transmis par l'établissement bancaire de la société S Plus, que cette dernière a procédé à des virements sur le compte personnel de Mme C..., pour un montant total de 21 400 euros en 2014 et de 13 700 euros en 2015. La circonstance que la proposition de rectification du 21 décembre 2017 mentionne par ailleurs que, par ces virements, l'intéressée " a appréhendé une partie des sommes qui figurent sur le compte 455 intitulé " M. C... " ", qui ne saurait révéler un versement par personne interposée, n'est pas de nature à remettre en cause leur mise à disposition de Mme C..., leur appréhension effective par cette dernière et leur qualification de revenus distribués.
6. D'autre part, Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-20-20 n° 60, qui précise l'état de la jurisprudence concernant l'application de la présomption du a de l'article 111 du code général des impôts aux avances ou prêts consentis aux associés par personnes interposées et qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Les sommes mises à la disposition des associés non prélevées sur les bénéfices ont, sauf preuve contraire apportée par les associés, le caractère de revenus distribués, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
8. D'une part, il appartient au juge d'appel de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme C... ne peut donc utilement se prévaloir, pour contester le jugement attaqué, de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une erreur de droit en faisant peser sur elle la charge de la preuve s'agissant de l'appréhension effective des sommes imposées sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts.
9. D'autre part, il résulte de l'instruction que le compte bancaire détenu par Mme C... a reçu plusieurs virements provenant, en 2016, de la société S Plus et de l'association Synergie France Asie, pour un montant total de 11 800 euros. La requérante ne conteste pas qu'en sa qualité de membre et de secrétaire de cette association, qui exerçait en réalité une activité lucrative la rendant passible de l'impôt sur les sociétés et qui était présidée par son père, elle devait en être regardée comme une associée au sens des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Dans ces conditions, en se bornant à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve de l'appréhension effective des sommes en cause, Mme C... ne présente aucun élément permettant de remettre en cause l'imposition de ces distributions dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
En ce qui concerne les pénalités :
S'agissant de la majoration pour manquement délibéré :
10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
11. En relevant que les virements effectués en 2014, 2015 et 2016 au crédit du compte bancaire détenu par Mme C... n'avaient pas été déclarés, qu'ils correspondaient pour partie à des recettes dues à la société Cocody par la société S Plus et l'association Synergie France Asie et que l'intéressée, en sa qualité d'associée et ancienne gérante de la société S Plus, d'associée de la société Cocody et de membre de l'association Synergie France Asie, ne pouvait ignorer que les sommes correspondantes constituaient un produit imposable, l'administration établit le manquement délibéré de la contribuable, alors même qu'elle était âgée seulement de 20 ans au moment des faits. Par suite, le moyen tiré de ce que l'application de ces majorations n'est pas fondée doit être écarté.
12. Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-CF-INF-10-20-20 n° 30, qui prévoit que l'administration a la charge de la preuve du manquement délibéré du contribuable, dès lors qu'elle ne peut être regardée comme comportant une interprétation différente de la loi fiscale dont il a été fait application.
S'agissant de l'amende pour non déclaration d'un compte bancaire ouvert ou utilisé à l'étranger :
13. D'une part, aux termes du deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les personnes physiques (...), domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus (...), les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (...) ". L'article 1736 du même code dispose que : " (...) IV. - (...) 2. Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 1649 A (...) sont passibles d'une amende de 1 500 € par compte ou avance non déclaré (...) ".
14. D'autre part, aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus (...) ". L'article 4 B du même code dispose que : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal (...) ". Pour l'application de ces dispositions, le foyer s'entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles, et le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer.
15. Il est constant que Mme C... était domiciliée ou établie en France en 2014 et 2015. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressée, qui se borne à produire un billet d'avion mentionnant son arrivée à Auckland le 1er mars 2016 et un document établi par les services fiscaux néo-zélandais faisant état de son statut de non-résidente pour la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017, en raison de son arrivée postérieure au 30 septembre 2015, ait quitté la France le 3 janvier 2016, comme elle l'affirme, pour s'installer définitivement en Nouvelle-Zélande. Elle doit, en conséquence, être regardée comme ayant, au titre de l'année 2016, son foyer ou le lieu de son séjour principal en France et, par suite, son domicile fiscal en application du a. de l'article 4 B du code général des impôts. Elle était donc, en 2016, domiciliée ou établie en France au sens de l'article 1649 A du code général des impôts.
16. Il est constant que Mme C... n'a pas déclaré le compte qu'elle avait ouvert auprès d'un organisme bancaire en Thaïlande et dont elle disposait au cours des années 2014, 2015 et 2016. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale lui a appliqué, au titre de chacune de ces années, l'amende de 1 500 euros prévue par le 2 du IV de l'article 1736 du code général des impôts pour méconnaissance des obligations déclaratives prévues au deuxième alinéa de l'article 1649 A du même code.
17. Mme C... n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative référencée BOI-CF-CPF-30-20 n° 90, qui précise que l'obligation de déclaration prévue au deuxième alinéa de l'article 1649 A du code général des impôts concerne les personnes considérées comme fiscalement domiciliées ou établies en France et qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application. Tel est également le cas de la doctrine référencée BOI-IR-CHAMP-10 n° 130, qui indique que les contribuables qui séjournent en France pendant plus de six mois au cours d'une année donnée doivent être, en règle générale, considérés comme ayant en France le lieu de leur séjour principal.
18. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mai 2023.
Le rapporteur,
N. A...
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21TL01491 2