Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler le certificat d'urbanisme du 12 juin 2018 par lequel le maire de Caragoudes a déclaré non constructible la parcelle cadastrée section ... lui appartenant sise hameau de la Paillasse, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux du 10 août 2018.
Par un jugement n°1805443 du 13 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 janvier 2021 sous le n°21BX00164 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, et ensuite sous le n°21TL20164 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis par un mémoire en réplique enregistré le 28 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Lapuelle, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler le certificat d'urbanisme du 12 juin 2018 et la décision rejetant le recours gracieux formé à son encontre ;
3°) d'enjoindre au maire de Caragoudes de lui délivrer un certificat d'urbanisme opérationnel déclarant constructible sa parcelle après avoir procédé aux modifications de la carte communale, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Caragoudes une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- par la voie de l'exception d'illégalité du classement de la parcelle par la carte communale en zone naturelle, qui est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, le certificat d'urbanisme en litige est lui-même illégal ;
- ce classement de la parcelle est incohérent avec les objectifs fixés par le schéma de cohérence territoriale du Pays du Lauragais ;
- la parcelle, par sa situation géographique et ses caractéristiques, aurait dû être incluse dans la zone constructible de la carte communale ce qui aurait permis une meilleure prise en compte des objectifs de la carte communale.
Par un mémoire en défense enregistré 20 octobre 2022 la commune de Caragoudes, représentée par la SELARL Cabinet VFT, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
La clôture d'instruction a été fixée au 19 décembre 2022 par une ordonnance du 28 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Foucard, représentant l'appelante ;
- et les observations de Me Faure-Tronche représentant la commune intimée.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a déposé auprès des services de la commune de Caragoudes (Haute-Garonne) une demande de certificat d'urbanisme opérationnel le 23 avril 2018 afin de s'assurer de la possibilité de vendre en terrain à bâtir la parcelle cadastrée section ..., située au hameau de la Paillasse. Par un certificat d'urbanisme du 12 juin 2018, le maire de Caragoudes a certifié à Mme A... que la parcelle n'était pas constructible, celle-ci étant située en zone N de la carte communale. Mme A... a formé un recours gracieux à l'encontre du certificat d'urbanisme par courrier du 10 août 2018, sollicitant le retrait du certificat d'urbanisme et la modification du classement de la parcelle dont elle est propriétaire afin de l'inclure dans la zone constructible du hameau de la Paillasse. Mme A... relève appel du jugement n°1805443 du 13 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de ce certificat d'urbanisme, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que pour délivrer le certificat déclarant non réalisable l'opération projetée par Mme A..., qui concerne un projet de vente de terrain à bâtir, le maire de Caragoudes s'est fondé sur la circonstance que la parcelle de l'intéressée est située en zone non constructible N de la carte communale. Pour contester la légalité du certificat d'urbanisme du 12 juin 2018 en litige, Mme A... invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité de ce classement.
3. Aux termes de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : / 1° L'équilibre entre : / a) Les populations résidant dans les zones urbaines et rurales ; / b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; / c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; / d) La sauvegarde des ensembles urbains et la protection, la conservation et la restauration du patrimoine culturel ; / (...) 3° La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs de l'ensemble des modes d'habitat, d'activités économiques (...) ". Aux termes de l'article L. 161-3 du même code : " La carte communale respecte les principes énoncés aux articles L. 101-1 et L. 101-2. / Elle est compatible avec les documents énumérés à l'article L. 131-4 ". Enfin, l'article L. 161-4 de ce code dispose que : " La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension des constructions existantes ou des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à l'exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles ".
4. Il appartient aux auteurs d'une carte communale de déterminer le parti d'aménagement à retenir en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des divers secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme. Leur appréciation peut être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
5. Il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de présentation de la carte communale de Caragoudes approuvée le 15 janvier 2010 que le parti d'aménagement retenu par l'autorité communale vise à préserver la qualité du cadre de vie qui provient à la fois de son caractère rural et de la présence d'un patrimoine architectural et naturel de qualité, dont fait partie notamment un moulin à vent situé sur une parcelle cadastrée section ... à proximité de celle de Mme A.... Ce parti d'aménagement, qui repose sur une extension très limitée des urbanisations existantes et le maintien d'un paysage agricole dominant, doit permettre de préserver ce cadre typique de la plaine lauragaise et la volonté de " freiner le développement linéaire du village (...), urbaniser le village de manière plus compacte, combler les " dents creuses " dans le secteur de la Paillasse qui n'est pas le secteur prioritaire de développement du village ". Il ressort, en outre, de la partie explicative relative au plan de zonage du hameau de la Paillasse que deux parcelles parmi lesquelles figure celle de Mme A... sont maintenues en dehors du périmètre constructible, à la fois pour limiter le nombre de constructions et pour préserver l'environnement immédiat du moulin inscrit à l'inventaire des monuments historiques.
6. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier des photographies versées aux débats, que la parcelle de Mme A... est située à l'extrémité du hameau de la Paillasse, composant un secteur d'habitat peu dense et éloigné de plus de 550 mètres du bourg et qu'elle n'est pas desservie par les réseaux d'eau potable et d'assainissement. Contrairement à ce que soutient l'appelante, ce terrain, qui est bordé par un terrain bâti uniquement sur sa limite nord-est, étant délimité par ailleurs par la route départementale n°11 et au sud-est par un terrain non construit, ne constitue pas une dent creuse. Les parcelles situées face au terrain en litige, de l'autre côté de la route départementale, sont cultivées, partiellement boisées et ouvertes sur un vaste secteur agricole, à l'exception d'une unique parcelle bâtie au sud-ouest. Si l'appelante fait valoir que ce classement serait incohérent au regard du classement en zone constructible des parcelles cadastrées section ..., il ne ressort pas des pièces du dossier que lesdites parcelles présenteraient les mêmes caractéristiques, notamment en termes de positionnement par rapport au hameau alors que la parcelle en cause figure dans un espace de perspective visuelle à préserver selon le parti d'aménagement pris par l'autorité communale et permet ainsi une ouverture de cet espace sur la campagne avoisinante. Ainsi, eu égard à ce parti d'aménagement, le classement en zone non constructible de la parcelle litigieuse ne peut être regardé comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
7. En vertu des dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur, les cartes communales doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale. Aux termes de l'article L. 121-1 du même code : " Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d'assurer, dans le respect des objectifs du développement durable : / 1° L'équilibre entre : / a) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux ; / b) L'utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières, et la protection des sites, des milieux et paysages naturels ; / c) La sauvegarde des ensembles urbains et du patrimoine bâti remarquables ; / 1° bis La qualité urbaine, architecturale et paysagère des entrées de ville ; / 2° La diversité des fonctions urbaines et rurales et la mixité sociale dans l'habitat, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat, d'activités économiques, touristiques, sportives, culturelles et d'intérêt général ainsi que d'équipements publics et d'équipement commercial, en tenant compte en particulier des objectifs de répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, d'amélioration des performances énergétiques, de développement des communications électroniques, de diminution des obligations de déplacements et de développement des transports collectifs ; / 3° La réduction des émissions de gaz à effet de serre, la maîtrise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables, la préservation de la qualité de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, et la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature. ". L'article L. 122-1-4 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, dispose que, dans le respect des orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables, le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale " détermine les orientations générales de l'organisation de l'espace et les grands équilibres entre les espaces urbains et à urbaniser et les espaces ruraux, naturels, agricoles et forestiers. Il définit les conditions d'un développement urbain maîtrisé et les principes de restructuration des espaces urbanisés, de revitalisation des centres urbains et ruraux, de mise en valeur des entrées de ville, de valorisation des paysages et de prévention des risques. ".
8. Il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les schémas de cohérence territoriale peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. Les cartes communales sont soumises à une simple obligation de comptabilité avec ces orientations et objectifs. Si ces derniers peuvent être en partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux auteurs des cartes communales, qui déterminent les partis d'aménagement à retenir en prenant en compte la situation existante et les perspectives d'avenir, d'assurer, ainsi qu'il a été dit, non leur conformité aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais leur compatibilité avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent. Pour apprécier la compatibilité d'une carte communale avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si la carte ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation de la carte à chaque disposition ou objectif particulier.
9. Le document d'orientations et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du Pays du Lauragais, approuvé par arrêté du 26 novembre 2012 et rendu opposable le 5 février 2013, qui précise que les objectifs de production de logements affichés dans le document d'orientation générale sont un maximum envisageable, indique que cette production de logements est à rechercher prioritairement dans les zones urbaines existantes par la réhabilitation et le comblement des dents creuses en priorité, et dans les zones dotées d'assainissement collectif, chaque commune devant veiller, dans son document d'urbanisme, à privilégier une urbanisation recentrée autour du bourg et évitant les développements linéaires et diffus. Par ailleurs, le document d'orientations et d'objectifs envisage le cas particulier des hameaux avec comme objectif de freiner les extensions diffuses. Dans cette hypothèse, le document prévoit expressément d'éviter les développements linéaires, de limiter les constructions nouvelles autour des hameaux afin de privilégier le développement du bourg, précise que l'extension des hameaux doit être limitée lors de toute nouvelle élaboration ou révision d'un document de planification urbaine locale et n'autorise que le comblement des dents creuses ou la construction de nouveaux logements en densification de la zone. Aux termes de ce document, les documents d'urbanisme veillent à limiter les extensions urbaines le long des principales voies routières et à réduire le nombre d'accès direct depuis les propriétés privées, notamment afin de valoriser les secteurs urbains et naturels situés à proximité pouvant être identifiés comme vitrine du territoire tels que les entrées de ville, les cœurs de village et les paysages. Enfin, le document d'orientations générales prévoit, pour valoriser le patrimoine et la typologie du paysage rural lauragais, d'identifier les monuments inscrits et classés, les moulins étant précisément mentionnés comme faisant partie des traits identitaires du territoire.
10. Si l'appelante se prévaut de l'incohérence du classement de sa parcelle incluse dans le hameau de la Paillasse, avec les objectifs fixés par le schéma de cohérence territoriale du Pays du Lauragais et rappelés au point précédent, la parcelle en litige, qui ne peut recevoir la qualification de dent creuse, est située en bordure de la route départementale, à l'entrée du hameau de la Paillasse, dans un secteur principalement agricole, dans le champ de visibilité d'un moulin inscrit à l'inventaire des monuments historiques. Dans ces conditions, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la carte communale, en tant qu'elle classe sa parcelle en zone N, serait incompatible avec les orientations et les objectifs du schéma de cohérence territoriale du Pays Lauragais.
11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Caragoudes, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme A... le versement à la commune de Caragoudes de la somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera la somme de 1 500 euros à la commune de Caragoudes au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Caragoudes.
Copie en sera adressé au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023.
Le président-assesseur,
X. Haïli
Le président,
D. Chabert
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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