Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... D... et M. G... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation des arrêtés du 13 juillet 2022 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. C..., les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement nos 2204478 et 2204479 du 3 octobre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 13 juillet 2022 du préfet de la Haute-Garonne, a enjoint au préfet, d'une part, de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant mention " vie privée et familiale " et, d'autre part, de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de deux mois, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en cas de non admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
I - Sous le n° 22TL22137, par une requête, enregistrée le 25 octobre 2022, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du 3 octobre 2022 du tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a retenu la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que Mme D... et M. C... se sont abstenus de produire le rapport médical soumis au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- par les éléments qu'ils produisent en première instance, Mme D... et M. C... ne contredisent pas sérieusement l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ni son appréciation, ni n'établissent ne pas être en mesure de supporter en Géorgie le coût des soins de M. C....
Par un mémoire, enregistré le 2 mars 2023, Mme D... et M. C..., représentés par Me Galinon, concluent au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à leur conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.
Mme D... et M. C... ont bénéficié du maintien de plein droit de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 10 mai 2023.
II - Sous le n° 22TL22138, par une requête, enregistrée le 25 octobre 2022, le préfet de la Haute-Garonne demande le sursis à exécution du jugement nos 2204478 et 2204479 rendu le 3 octobre 2022 par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il annule les arrêtés du 13 juillet 2022 portant refus de titre de séjour à M. C..., obligation à M. C... et Mme D... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Il soutient que :
- il existe des moyens sérieux exposés dans sa requête au fond de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ;
- le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation en annulant les arrêtés du 13 juillet 2022.
Par un mémoire, enregistré le 2 mars 2023, Mme D... et M. C..., représentés par Me Galinon, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2000 euros à verser à leur conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne paraissent pas sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ni le rejet de leurs conclusions de première instance.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chabert, président-rapporteur,
- et les observations de Me Galinon, représentant Mme D... et M. C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... et M. C..., de nationalité géorgienne nés respectivement le 30 août 1989 et le 2 décembre 1976, ont formé une demande d'asile le 28 janvier 2022. Leur demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 avril 2022. M. C... a également sollicité le 16 mars 2022 auprès des services de la préfecture de la Haute-Garonne la délivrance d'un titre de séjour mention " vie privée et familiale " en raison de son état de santé. Par deux arrêtés du 13 juillet 2022, le préfet de la Haute-Garonne a refusé d'admettre au séjour M. C..., les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la requête enregistrée sous le n° 22TL22137, le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement nos 2204478 et 2204479 du 3 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet de délivrer à M. C... une carte de séjour temporaire portant mention " vie privée et familiale " et de réexaminer la situation de Mme D..., a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à défaut de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes. Par la requête n° 22TL22138, le préfet demande qu'il soit sursis à exécution de ce même jugement. Les requêtes susvisées nos 22TL22137 et 22TL22138 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur la requête n° 22TL22137 :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".
3. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de ces dispositions, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès.
4. Il ressort des termes de l'arrêté n° 2022-31-1120 du 13 juillet 2022 pris à l'encontre de M. C... que le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur l'avis émis le 22 juin 2022 par lequel le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, celui-ci peut y bénéficier d'un traitement approprié et y voyager sans risque.
5. Pour annuler cet arrêté, le premier juge s'est fondé sur l'impossibilité pour M. C... d'avoir accès en Géorgie aux soins que requiert son état de santé en raison de son impécuniosité et des caractéristiques du système de santé de son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui a levé le secret médical, souffre d'une insuffisance rénale terminale sur uropathie malformative diagnostiquée en Géorgie au mois de janvier 2021 et pour laquelle il a bénéficié d'une prise en charge médicale par la mise en place de dialyses avant son arrivée sur le territoire national ainsi que l'indique le rapport médical confidentiel produit en défense dans la présente instance. S'il est constant que l'interruption d'un tel traitement peut avoir des conséquences d'une gravité exceptionnelle pour l'intéressé, il ressort également des pièces du dossier que la pathologie dont souffre M. C... est prise en charge en Géorgie. M. C... se prévaut d'un rapport relatif à l'accès aux soins médicaux en Géorgie du 30 juin 2020 par l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) selon lequel le système d'assurance-maladie géorgien n'offre qu'une couverture incomplète des soins de santé comprenant notamment les consultations avec les médecins de famille et sept spécialistes. Toutefois, ce seul rapport, compte tenu de son caractère général, ne suffit pas à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reprise par le préfet de la Haute-Garonne s'agissant de la disponibilité effective du traitement médical dont M. C... doit bénéficier. Si l'intéressé a produit également une attestation délivrée par l'agence des services sociaux du district de Sighnaghi en Géorgie selon laquelle sa famille a perçu l'allocation de subsistance destinée aux familles socialement vulnérables sur la période allant de mai 2021 à mars 2022, ce seul élément ne permet pas d'établir une impossibilité d'accéder en Géorgie aux soins dont il a besoin alors qu'il a bénéficié dans ce pays d'un début de dialyse ainsi qu'il a été exposé plus avant. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 13 juillet 2022 portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. C... au motif de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des termes du jugement attaqué qu'après avoir relevé la méconnaissance par le préfet de la Haute-Garonne des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile s'agissant de la demande d'admission au séjour de M. C... en qualité d'étranger malade, le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur l'atteinte disproportionnée portée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme D... en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté obligeant l'intéressée à quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Toutefois, ainsi qu'il vient d'être exposé au point 5 du présent arrêt, M. C... ne bénéficiant pas d'un droit au séjour en France en raison de son état de santé et son épouse étant en situation irrégulière, la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme D... ne peut être regardée comme ayant été prise en violation de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le préfet de la Haute-Garonne a annulé les arrêtés du 13 juillet 2022 pris à l'encontre de M. C... et Mme D..., lui a ordonné de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. C... dans un délai de deux mois et de procéder dans le même délai à un nouvel examen de la situation de Mme D....
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... et Mme D.... tant en première instance qu'en appel, au soutien de leur demande d'annulation des arrêtés pris le 13 juillet 2022 à leur encontre par le préfet de la Haute-Garonne.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. C... et Mme D... :
S'agissant de l'arrêté n° 2022-31-1120 du 13 juillet 2022 pris à l'encontre de M. C... :
Quant à la décision portant refus de séjour :
10. En premier lieu, en se bornant à indiquer qu'il n'est nullement justifié que l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 22 juin 2022 ait été régulièrement émis et que le rapport médical du 10 mars 2022 ait été régulièrement dressé conformément aux dispositions des articles R. 425-12 et R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. C... n'assortit pas ce moyen des précisions et justifications permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé alors que tant l'avis en cause que le rapport médical confidentiel ont été versés aux débats.
11. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 5 du présent arrêt, M. C... ne justifie pas être en situation d'obtenir la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
Quant à la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, à défaut d'avoir établi l'illégalité de la décision portant refus de séjour au bénéficie de M. C..., l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ne peut être regardée comme étant privée de base légale.
13. En deuxième lieu, il ressort des termes de l'arrêté n° 2022-31-1120 du 13 juillet 2022 pris à l'encontre de M. C... que le préfet de la Haute-Garonne a visé les textes dont il a été fait application, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le représentant de l'Etat a précisé les éléments de fait propres à la situation administrative, personnelle et familiale de l'intéressé, notamment le rejet de sa demande d'asile et sa demande d'admission au séjour en raison de son état de santé sur laquelle le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a rendu un avis défavorable. Le préfet a également fait état de son mariage avec Mme D.... Cet arrêté est ainsi suffisamment motivé et démontre qu'il a été procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. C....
14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; (...) ".
15. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. C... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 avril 2022 et le préfet de la Haute-Garonne a pu, à bon droit, rejeter sa demande d'admission au séjour en qualité d'étranger malade ainsi qu'il a été exposé au point 5 du présent arrêt. Il ne ressort en revanche d'aucune des pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour obliger l'intéressé à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché l'arrêté en litige sur ce point ne peut qu'être écarté.
16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de M. C... ne peut être regardée comme étant prise en violation des dispositions citées au point précédent.
18.
19. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que le séjour en France de M. C..., à la date de l'arrêté en litige, est inférieur à un an et que son épouse ne possède pas de titre de séjour après le rejet de sa demande d'asile. Si les enfants mineurs du couple sont scolarisés, la faible durée et les conditions du séjour en France de l'intéressé, alors même qu'il a bénéficié d'une prise en charge médicale, ne permettent pas de faire regarder la mesure d'éloignement en litige comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Quant à la décision fixant le pays de destination :
20. En premier lieu, M. C... n'ayant pas établi l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.
21. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable au présent litige dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
22. M. C... fait état des risques et menaces auxquels il se trouverait exposé en cas de retour dans son pays d'origine et précise qu'il occupait un poste d'associé dans une entreprise de matériaux de construction et qu'il a constaté des détournements de fonds commis par son associé. S'il précise que la découverte de ces malversations a entraîné pour lui des violences et que leurs filles ont fait l'objet d'une tentative d'enlèvement, l'intéressé n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
S'agissant de l'arrêté n° 2022-31-1121 du 13 juillet 2022 pris à l'encontre de Mme D... :
Quant au moyen commun à l'ensemble des décisions :
23. Par un arrêté du 20 septembre 2021 publié le lendemain au recueil administratif spécial n° 31-2021-325, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme B... A..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions de refus de séjour à quelque titre que ce soit. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté pris le 13 juillet 2022 à l'encontre de Mme D... doit être écarté.
Quant à la décision portant obligation de quitter le territoire français :
24. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté par lequel le préfet de la Haute-Garonne a obligé Mme D... à quitter le territoire français que la situation administrative, personnelle et familiale de l'intéressée a été précisée par le représentant de l'Etat. Il est ainsi fait état du rejet de sa demande d'asile et du refus de séjour opposé à la demande de son conjoint et de la circonstance qu'elle a vécu habituellement dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 33 ans. Par suite et contrairement à ce que soutient l'intéressée, sa situation a fait l'objet d'un examen réel et sérieux ainsi que le démontrent les motifs de l'arrêté en litige.
25. En deuxième lieu, la demande d'asile de Mme D... a fait l'objet d'un rejet par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 avril 2022 et se trouvait ainsi dans le cas où le préfet peut prononcer une décision portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile cité au point 14 du présent arrêt. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour prononcer à son encontre une mesure d'éloignement et le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché cette décision ne peut qu'être écarté.
26. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 19 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de Mme D... ne peut être regardée, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France avec son époux et leurs enfants mineurs, comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Quant à la décision fixant le pays de destination :
27. En premier lieu, Mme D... n'ayant pas établi l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination ne peut qu'être écarté.
28. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable au présent litige dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
29. Mme D... fait état des risques auxquels elle serait exposée en raison des violences subies par son époux ayant constaté des détournements de fonds dans l'entreprise de matériaux de construction au sein de laquelle il était associé, ces malversations étant le fait de l'autre associé. S'il est fait état d'une situation de racket et d'une tentative d'enlèvement de leurs filles, l'intéressée n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations et dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les conclusions de M. C... et Mme D... présentées sur le fondement de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
30. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ". L'article L. 752-11 du même code dispose que : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné, saisi en application des articles L. 752-6 ou L. 752-7, fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile ".
31. Ainsi qu'il a été exposé aux points 22 et 29 du présent arrêt, M. C... et Mme D... n'ont apporté ni en première instance ni en appel des éléments sérieux de nature à laisser présumer de la réalité des risques allégués et à susciter ainsi un doute sur le bien-fondé des décisions de rejet opposées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Il n'apparaît donc pas nécessaire de leur permettre de se maintenir sur le territoire jusqu'à l'examen de leur recours par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, ils ne sont pas fondés à demander la suspension de l'exécution des mesures d'éloignement.
32. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la requête n° 22TL22138 :
33. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 octobre 2022, les conclusions de la requête n° 22TL22138 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement deviennent sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme à verser au conseil de M. C... et Mme D... contre renonciation à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement nos 2204478, 2204479 du 3 octobre 2022 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. C... et Mme D... devant le tribunal administratif de Toulouse et les conclusions présentées devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 22TL22138 du préfet de la Haute-Garonne.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme E... et M. G... C... et à Me Laure Galinon.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023.
Le président-rapporteur,
D. Chabert
Le président assesseur,
X. Haïli
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
Nos 22TL22137, 22TL22138