Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de La Capelle-et-Masmolène a demandé au tribunal administratif de Nîmes :
- à titre principal, de déclarer illégal l'arrêté n° 2011.230.0005 du 18 août 2011 du préfet du Gard portant restructuration foncière et application du régime foncier à la forêt communale ;
- à titre subsidiaire, de déclarer illégal l'arrêté n° 2011.230.0005 du 18 août 2011 du préfet du Gard en tant qu'il porte sur les parcelles cadastrées section B n° 1384, 1386, 1388, 1392, 1393 et 1394 pour une contenance totale de 21 ha 35 a 47 ca, avec une date d'effet au 23 mars 2015.
Par un jugement n° 1803090 du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2021 sous le n° 21MA00032 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL00032 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et des mémoires enregistrés le 28 octobre 2021 et le 1er décembre 2022, la commune de La Capelle-et-Masmolène, représentée par Me Brunel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) à titre principal, de déclarer illégal l'arrêté n° 2011.230.0005 du 18 août 2011 du préfet du Gard portant restructuration foncière et application du régime foncier à la forêt communale et d'enjoindre au préfet du Gard de retirer cet arrêté, avec effet à la date de son entrée en vigueur initiale, dans le délai d'un mois suivant le présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne aux questions préjudicielles qui doivent être posées ;
4°) à titre subsidiaire, de déclarer illégal l'arrêté n° 2011.230.0005 du 18 août 2011 du préfet du Gard en tant qu'il porte sur les parcelles cadastrées section B n° 1384, 1386, 1388, 1392, 1393 et 1394 pour une contenance totale de 21 ha 35 a 47 ca, avec une date d'effet au 23 mars 2015 et d'enjoindre au préfet du Gard d'abroger les dispositions illégales de cet arrêté dans le délai d'un mois suivant le présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué oppose l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation du refus d'abrogation de la totalité de l'arrêté du 18 août 2011 au motif que sa demande préalable du 11 juillet 2018 a seulement pour objet de demander l'abrogation partielle de cet arrêté et le jugement est dès lors irrégulier car aucune fin de non-recevoir en ce sens n'avait été opposée et le tribunal administratif de Nîmes n'a pas informé les parties qu'il entendait soulever d'office une telle irrecevabilité ;
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation au regard des moyens tirés de la méconnaissance de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des directives européennes ;
- l'arrêté du 18 août 2011 est dépourvu de base légale, et devait donc être abrogé par le préfet du Gard, dès lors que les dispositions du code forestier instituant le régime forestier, qui portent atteinte au droit de propriété des communes au bénéfice de l'Etat et de l'Office national des forêts, méconnaissent les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 17 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que la règlementation de l'Union européenne en matière de marchés publics, notamment le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ;
- il convient de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne afin de l'interroger sur la conformité à l'article 17 de la charte des droits fondamentaux des dispositions du code forestier relatives au régime forestier, dispositions qui privent les communes propriétaires des forêts de la possibilité de gérer leur bien ;
- il convient également de l'interroger sur la conformité aux dispositions de la directive relative aux marchés publics des différents éléments du régime forestier, tels que le monopole de l'Office national des forêts et l'absence de mise en concurrence pour réaliser les prestations qu'il effectue en contrepartie de la rémunération qui doit lui être versée ;
- la décision du 6 août 2018 prise par le préfet du Gard rejetant sa demande préalable du 11 juillet 2018 a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est illégale dès lors qu'elle lui oppose une circulaire ;
- elle méconnaît la circulaire DGFAR/SCFB/C2003-5002 du 3 avril 2003 dès lors qu'elle prévoit que la distraction des parcelles du régime forestier doit intervenir préalablement à l'autorisation de défrichement ;
- elle méconnaît, en maintenant l'application du régime forestier pour les parcelles sur lesquelles est implantée une centrale photovoltaïque, les stipulations des engagements internationaux précédemment mentionnés qui ont autorité supérieure aux lois en application de l'article 55 de la Constitution ;
- elle méconnaît, en ce qu'elle maintient dans le régime forestier les parcelles sur lesquelles est implantée une centrale photovoltaïque, les dispositions du code forestier, notamment des articles L. 211-1 et R. 214-30, dès lors qu'il ne s'agit plus de bois et forêts susceptibles d'exploitation, que le droit de propriété est partagé entre elle-même et le preneur de la centrale, qui bénéficie d'un droit réel immobilier, et qu'une autorisation de défrichement, à présent définitive, est intervenue au mois d'octobre 2011 ;
- elle est entachée de détournement de pouvoir.
Par des mémoires distincts, enregistrés le 28 octobre 2021 et le 7 décembre 2021, la commune de La Capelle-et-Masmolène, représentée par Me Brunel, a demandé à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 214-3 du code forestier rédigées comme suit : " par l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de " et " En cas de désaccord, la décision est prise par arrêté du ministre chargé des forêts ".
Par un mémoire enregistré le 27 octobre 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors, d'une part, qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de déclarer un acte administratif, en l'espèce l'arrêté du 18 août 2011, illégal et, d'autre part, que les conclusions à fin d'annulation de cet arrêté, qui a été régulièrement publié, sont tardives ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par la commune de La Capelle-et-Masmolène contre l'arrêté du 18 août 2011 ne sont pas fondés ;
- les moyens soulevés par la commune de La Capelle-et-Masmolène contre la décision du 6 août 2018 sont, à titre principal, inopérants et, à titre subsidiaire, infondés.
Par un mémoire enregistré le 2 décembre 2021, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a demandé à la cour de ne pas transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de La Capelle-et-Masmolène.
Par une ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la commune de La Capelle-et-Masmolène.
Par une ordonnance du 1er septembre 2022, le président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Toulouse a rejeté la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité.
Une ordonnance du 21 mars 2023 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la commune de La Capelle-et-Masmolène tendant à l'abrogation de l'arrêté du 18 août 2011 dans son ensemble, la décision du 6 août 2018 n'ayant pas porté sur l'abrogation de cet arrêté dans son ensemble dès lors que la demande formée le 11 juillet 2018 par le maire de La Capelle-et-Masmolène auprès du préfet du Gard avait pour objet l'abrogation de l'arrêté du 18 août 2011, ou son retrait à compter du 3 octobre 2011, en tant seulement que cet arrêté inclut dans le régime forestier les parcelles supportant un parc photovoltaïque.
Par un mémoire enregistré le 16 mai 2023, la commune de La Capelle-et-Masmolène, représentée par Me Brunel, a présenté des observations en réponse à cette mesure d'information.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole n° 1 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 ;
- le code forestier ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barthez,
- les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique,
- et les observations de Mme A..., représentant le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 10 décembre 2010, le conseil municipal de La Capelle-et-Masmolène a sollicité l'application du régime forestier à la forêt communale. Par arrêté du 18 août 2011, le préfet du Gard a prévu l'application de ce régime aux parcelles d'une surface totale de 679 ha 16 a 52 ca appartenant à la commune de La Capelle-et-Masmolène. A partir de 2014, un parc photovoltaïque a été implanté sur certaines de ces parcelles. Le maire de La Capelle-et-Masmolène a ensuite saisi le préfet du Gard par lettre du 11 juillet 2018 lui demandant de " modifier l'arrêté n° 2011.230.0005 du 18 août 2011 (...) en tant qu'à compter du 3 octobre 2011, les parcelles cadastrées section B n° 1384, 1386, 1388, 1392, 1393 et 1394, pour une contenance totale de 21 ha 35 a 47 ca ne figurent plus à la liste portée par " cet arrêté. Le préfet du Gard a rejeté la demande de la commune, par une lettre du 6 août 2018, au motif principal qu'étant incomplète, elle ne pouvait être traitée et il a précisé la procédure devant être selon lui respectée par la commune pour former une telle demande.
2. Par un jugement du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Nîmes a estimé que la demande de la commune de La Capelle-et-Masmolène dont il était saisi était dirigée tant contre l'arrêté du 18 août 2011 dans son ensemble que contre cet arrêté en tant qu'il a prévu l'application du régime forestier aux parcelles cadastrées section B n° 1384, 1386, 1388, 1392, 1393 et 1394 et il a rejeté la requête. La commune de La Capelle-et-Masmolène fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
3. En premier lieu, le tribunal administratif de Nîmes a estimé, d'une part, que la demande dirigée contre l'arrêté du 18 août 2011 dans son ensemble, que cette demande soit regardée comme une demande d'abrogation de l'arrêté ou comme une demande d'annulation, était irrecevable, dès lors que la demande formée le 11 juillet 2018 par le maire de La Capelle-et-Masmolène auprès du préfet du Gard avait pour objet l'abrogation partielle de l'arrêté du 18 août 2011 en tant seulement que cet arrêté inclut dans le régime forestier les parcelles supportant un parc photovoltaïque, cette irrecevabilité n'étant d'ailleurs pas contestée par la commune de La Capelle-et-Masmolène en appel. Par suite, le tribunal ne devait pas examiner le bien-fondé des moyens soulevés contre cet arrêté, qu'il avait d'ailleurs visés, et qui sont notamment tirés de la méconnaissance du protocole n°1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de directives européennes.
4. D'autre part, s'agissant de la demande dirigée contre l'arrêté du 18 août 2011 en tant qu'il prévoit l'application du régime forestier pour les six parcelles précédemment mentionnées et contre la décision du 6 août 2018, le tribunal administratif a estimé que le préfet du Gard, qui s'est borné à constater dans sa décision du 6 août 2018 le non-respect par la commune de La Capelle-et-Masmolène de la procédure à suivre pour l'instruction de sa demande du 11 juillet 2018, avait agi en situation de compétence liée et qu'ainsi, l'ensemble des moyens soulevés, notamment l'absence de base légale de l'arrêté du 18 août 2011, étaient inopérants. Le caractère inopérant des moyens étant ainsi motivé conformément aux dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Nîmes a donc suffisamment répondu aux moyens, qu'il avait visés, et qui étaient soulevés par la commune de La Capelle-et-Masmolène, notamment ceux tirés de la méconnaissance des engagements internationaux de la France.
5. En second lieu, toutefois, le tribunal administratif de Nîmes a jugé qu'en l'absence de décision prise par l'administration sur une demande d'abrogation de l'arrêté du 18 août 2011 dans son ensemble, la demande en ce sens présentée par la commune de La Capelle-et-Masmolène était irrecevable. Or, le préfet du Gard n'opposait pas une telle fin de non-recevoir à cette demande et le tribunal administratif n'a pas informé les parties, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'il était susceptible de relever d'office un tel moyen. En rejetant pour ce motif la demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 18 août 2011 dans son ensemble sans avoir informé les parties de son intention de relever d'office ce moyen, le tribunal administratif de Nîmes a entaché son jugement d'irrégularité.
6. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur ces conclusions tendant à l'abrogation de l'arrêté du 18 août 2011 dans son ensemble par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.
Sur les conclusions à fin d'abrogation de l'arrêté du 18 août 2011 dans son ensemble :
7. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la demande formée le 11 juillet 2018 par le maire de La Capelle-et-Masmolène auprès du préfet du Gard avait pour objet l'abrogation de l'arrêté du 18 août 2011, ou son retrait à compter du 3 octobre 2011, en tant seulement que cet arrêté inclut dans le régime forestier les parcelles supportant un parc photovoltaïque. En l'absence de décision prise par l'administration sur une demande d'abrogation de cet arrêté dans son ensemble, les conclusions de la commune de La Capelle-et-Masmolène sont donc sur ce point irrecevables.
Sur le surplus des conclusions :
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2011 :
9. La commune de La Capelle-et-Masmolène ne conteste pas l'irrecevabilité opposée par le tribunal administratif de Nîmes à sa demande regardée comme tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 août 2011 dans son ensemble. L'absence de contestation en appel de l'irrecevabilité opposée en première instance rend inopérants, s'agissant de ces conclusions, les moyens d'annulation soulevés, au fond, contre le jugement attaqué.
En ce qui concerne les conclusions relatives à la distraction de six parcelles du régime forestier :
10. Il ressort de la décision du 6 août 2018 que le préfet du Gard a rejeté à titre principal la demande de la commune de La Capelle-et-Masmolène tendant à ce que les parcelles cadastrées section B n° 1384, 1386, 1388, 1392, 1393 et 1394 soient distraites du régime forestier au motif que le dossier de demande n'était pas complet. Il s'est fondé sur la circulaire DGFAR/SDFB/C2003-5002 du 3 avril 2003 en indiquant qu'elle fait obligation à la collectivité territoriale souhaitant obtenir la distraction du régime forestier de certaines parcelles de déposer préalablement un dossier de demande de distraction auprès du directeur de l'agence de l'Office national des forêts dont relèvent les parcelles forestières, l'Office remettant ensuite son avis à l'autorité décisionnelle concernée. Le préfet du Gard s'est ensuite prévalu, pour justifier cette obligation, de l'absence de dispositions dans le code forestier relatives à la procédure pour mettre fin à ce régime et a indiqué qu'en cette absence, il fallait se référer aux règles de compétence pour l'application de ce régime prévues aux articles L. 214-3 et R. 214-2 du code forestier, ces dispositions prévoyant que le préfet se prononce après avis de l'Office et de la collectivité sauf s'il y a un désaccord entre elles, la compétence revenant alors au ministre.
11. A titre subsidiaire, le préfet du Gard a indiqué dans la décision du 6 août 2018 que l'existence d'une autorisation de défrichement pour les parcelles en cause ne faisait pas obligation de les distraire du régime forestier et qu'ainsi, l'avis préalable de l'Office national des forêts demeurait nécessaire.
12. En premier lieu, s'agissant du motif principal mentionné au point 10, il ressort de cette décision du 6 août 2018 que le préfet du Gard s'est fondé, afin de justifier les mentions de la circulaire, sur des dispositions législatives et réglementaires pour opposer à la commune de La Capelle-et-Masmolène l'obligation de saisir préalablement l'Office national des forêts avant que sa demande puisse être examinée par ses services s'ils sont compétents. Par voie de conséquence, le moyen soulevé par la commune de La Capelle-et-Masmolène, qui se borne à soutenir que la circulaire du 3 avril 2003 ne lui serait pas opposable, sans critiquer l'analyse des dispositions législatives et réglementaires faite par le préfet pour justifier l'obligation de saisir préalablement l'Office national des forêts, ne conteste pas le motif de la décision du 6 août 2018 et doit être écarté.
13. En deuxième lieu, s'agissant de l'indication complémentaire rappelée au point 11 contenue dans la décision du 6 août 2018, aux termes de l'article L. 211-1 du code forestier : " I. - Relèvent du régime forestier, constitué des dispositions du présent livre, et sont administrés conformément à celui-ci : / 1° Les bois et forêts qui appartiennent à l'Etat, ou sur lesquels l'Etat a des droits de propriété indivis ; / 2° Les bois et forêts susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution qui appartiennent aux collectivités et personnes morales suivantes, ou sur lesquels elles ont des droits de propriété indivis, et auxquels ce régime a été rendu applicable dans les conditions prévues à l'article L. 214-3 : / a) Les régions, la collectivité territoriale de Corse, les départements, les communes ou leurs groupements, les sections de communes ; / b) Les établissements publics ; / c) Les établissements d'utilité publique ; / d) Les sociétés mutualistes et les caisses d'épargne. / II. - Cessent de relever du régime forestier les bois et forêts de l'Etat mis à disposition d'une administration de l'Etat ou d'un établissement public national pour l'exercice de leurs missions ". L'article R. 214-30 du code forestier, relatif au défrichement, dispose que : " Lorsque la demande est présentée sur le fondement de l'article L. 214-13 et dans les formes mentionnées aux articles R. 341-1 et R. 341-4, l'autorisation est accordée par le préfet et, si cette demande porte sur des bois et forêts relevant du régime forestier, après avis de l'Office national des forêts. Elle ne prend effet qu'après l'intervention, lorsqu'elle est nécessaire du fait des conséquences définitives du défrichement, d'une décision mettant fin à l'application du régime forestier aux terrains en cause ". Il est constant que les parcelles cadastrées section B n° 1384, 1386, 1388, 1392, 1393 et 1394 ont fait l'objet d'une autorisation de défrichement et qu'une centrale photovoltaïque y a été implantée. Toutefois, il ne ressort pas des dispositions du code forestier, notamment de ces dispositions, ni d'ailleurs de la circulaire DGFAR/SCFB/C2003-5002 du 3 avril 2003, que les terrains ayant fait l'objet d'une autorisation de défrichement devraient nécessairement être distraits du régime forestier. Le moyen ainsi soulevé par la commune de La Capelle-et-Masmolène doit être écarté.
14. En dernier lieu, l'article L. 214-3 du même code dispose que : " Dans les bois et forêts des collectivités territoriales et des autres personnes morales mentionnées au 2° de l'article L. 211-1 susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution, l'application du régime forestier est prononcée par l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la collectivité ou de la personne morale intéressée. En cas de désaccord, la décision est prise par arrêté du ministre chargé des forêts ". Aux termes de l'article R. 214-2 du même code : " Pour l'application de l'article L. 214-3, le préfet prononce l'application du régime forestier sur la proposition de l'Office national des forêts, après avis de la collectivité ou personne morale propriétaire. / En cas de désaccord entre la collectivité ou personne morale intéressée et l'Office national des forêts, l'application du régime forestier est prononcée par arrêté du ministre chargé des forêts après avis, selon le cas, des autres ministres concernés ".
15. En principe, l'autorité administrative compétente pour modifier, abroger ou retirer un acte administratif est celle qui, à la date de la modification, de l'abrogation ou du retrait, est compétente pour prendre cet acte. La distraction de parcelles boisées du régime forestier s'analyse comme l'abrogation de l'acte par lequel ces parcelles avaient été soumises à ce régime. Dans le silence du code forestier sur l'autorité compétente pour prononcer la distraction, il résulte des dispositions citées au point 13 que cet acte entre dans les attributions du préfet lorsqu'il recueille l'accord tant de l'Office national des forêts que de la collectivité ou personne morale intéressée, et dans celles du ministre chargé des forêts si cette condition n'est pas remplie.
16. Il est constant que l'Office national des forêts, qui n'a pas été consulté, n'a pas émis d'avis sur la demande de la commune de La Capelle-et-Masmolène tendant à ce que certaines parcelles soient distraites du régime forestier. Or, il ressort des dispositions précédemment citées et des principes rappelés au point 15 qu'un tel avis est nécessaire et qu'en l'absence d'un tel avis, le préfet ne peut déterminer s'il est ou non compétent pour prendre la décision de distraction du régime forestier. C'est donc à bon droit que le préfet du Gard a estimé qu'il ne pouvait se prononcer sur la demande de distraction dont il était saisi en l'absence d'un tel avis et devait la rejeter pour ce motif. Ainsi que l'a retenu le tribunal administratif, il était donc en situation de compétence liée. Par voie de conséquence, les autres moyens soulevés par la commune de La Capelle-et-Masmolène sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.
17. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles qui ne sont pas utiles à la solution du présent litige, que la commune de La Capelle-et-Masmolène, d'une part, n'est pas recevable à demander l'abrogation de l'arrêté du 18 août 2011 dans son ensemble et, d'autre part, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte de la commune de La Capelle-et-Masmolène doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la commune de La Capelle-et-Masmolène au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1803090 du 10 novembre 2020 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a statué sur la demande tendant à l'abrogation de l'arrêté du 18 août 2011.
Article 2 : La demande présentée par la commune de La Capelle-et-Masmolène tendant à l'abrogation de l'arrêté du 18 août 2011 et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Capelle-et-Masmolène et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
Le président-rapporteur,
A. BarthezL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21TL00032 2