Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... et M. E... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation des arrêtés du 16 septembre 2022 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a refusé implicitement à M. D... la délivrance du titre de séjour sollicité, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement nos 2206024 et 2206025 du 20 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 16 septembre 2022 du préfet de la Haute-Garonne, a enjoint au préfet d'une part, de délivrer à M. D... un titre de séjour portant la mention " accompagnant d'enfant malade " et d'autre part, de réexaminer la situation de Mme C... dans un délai d'un mois, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en cas de non admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
I - Sous le n° 23TL00042, par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 janvier 2023 et 20 avril 2023, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler le jugement du 20 décembre 2022 du tribunal administratif de Toulouse.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a retenu la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que Mme C... et M. D... se sont abstenus de produire le rapport médical soumis au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- par les éléments qu'ils produisent en première instance, à défaut de production du rapport médical soumis au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, Mme C... et M. D... ne remettent pas sérieusement en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ni son appréciation ;
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 mars et le 10 mai 2023, Mme C... et M. D..., représentés par Me Amari de Beaufort, concluent d'une part, avant dire droit, à ce que soit sollicitée de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la preuve du respect des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'arrêté du 27 décembre 2016, d'autre part, au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne et enfin, à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 18 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mai 2023.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023. Mme Mme C... a fait l'objet d'une décision de rejet de la demande d'aide juridictionnelle par décision en date du 7 juin 2023.
II - Sous le n° 23TL00043, par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 janvier et le 20 avril 2023, le préfet de la Haute-Garonne demande le sursis à exécution du jugement nos 2206024 et 2206025 rendu le 20 décembre 2022 par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il annule les arrêtés du 16 septembre 2022 portant refus implicite de titre de séjour à M. D..., obligation à Mme C... et M.D... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Il soutient que :
- il existe des moyens sérieux exposés dans sa requête au fond de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ;
- le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation en annulant les arrêtés du 16 septembre 2022.
Par un mémoire, enregistré le 17 mars 2023, Mme C... et M. D..., représentés par Me Amari de Beaufort, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne paraissent pas sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué ni le rejet de leurs conclusions de première instance.
Par une ordonnance en date du 18 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mai 2023.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 juin 2023. Mme Mme C... a fait l'objet d'une décision de rejet de la demande d'aide juridictionnelle par décision en date du 7 juin 2023.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique le rapport de M. Chabert, président.
Une note en délibéré a été produite le 1er juin 2023 par Mme C... et M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... et M. D..., de nationalité géorgienne nés respectivement le 4 août 1988 et le 1er mars 1989, sont entrés selon leurs déclarations en France le 20 octobre 2021 et ont formé une demande d'asile le 25 octobre 2021. Leur demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 avril 2022 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 26 juillet 2022. M. D... a également sollicité le 15 décembre 2021 auprès des services de la préfecture de la Haute-Garonne la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade, concernant sa fille B.... Par deux arrêtés du 16 septembre 2022, le préfet de la Haute-Garonne a refusé implicitement d'admettre au séjour M. D..., les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par la requête enregistrée sous le n° 23TL00042, le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement nos 2206024 et 2206025 du 20 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé ces décisions, a enjoint au préfet de délivrer à M. D... un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade et de réexaminer la situation de Mme C..., a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à défaut de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes. Par la requête n° 23TL00043, le préfet demande qu'il soit sursis à exécution de ce même jugement. Les requêtes susvisées nos 23TL00042 et 23TL00043 étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". L'article L. 425-10 du même code dispose que : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ".
3. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de ces dispositions, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès.
4. Par son avis du 2 mars 2022, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que l'état de santé de la fille de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, celle-ci peut y bénéficier d'un traitement approprié et y voyager sans risque.
5. Il ressort des pièces du dossier que la fille des intimés, B..., née le 29 septembre 2017 et qui s'est vu reconnaître un taux d'invalidité supérieur à 80 %, souffre d'un trouble du neurodéveloppement caractérisé par de l'épilepsie et un retard du développement et des acquisitions (langage, démarche ataxique). Le certificat médical établi le 10 août 2022 par le neurologue responsable de ce service au pôle enfants des hôpitaux de Toulouse indique que sa pathologie nécessite une prise en charge pluridisciplinaire et un traitement quotidien à base d'Epitomax 45 mg matin et soir, et que ce traitement est maintenu pour une durée de deux ans avant réévaluation au vu d'un électroencéphalogramme de contrôle. Le préfet de la Haute-Garonne, qui ne conteste pas que le médicament Epitomax n'est pas disponible en Géorgie, soutient notamment que les intimés ne produisent pas les éléments permettant, d'une part, de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ni son appréciation, d'autre part, de démontrer l'inexistence d'un traitement analogue à celui prescrit en France dans leur pays d'origine. Le préfet fait valoir enfin que la circonstance que le traitement prescrit en France soit plus efficace n'est pas suffisante pour que la situation de la fille des intimés soit regardée comme entrant dans le champ de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. Toutefois, il ressort des termes du compte-rendu d'hospitalisation produit pour la première fois en appel par les intimés et établi le 29 novembre 2021 par un pédiatre du centre hospitalier de Rodez spécialisé en neurologie, que l'enfant B... D... a fait l'objet d'un suivi en Géorgie avec la mise en place de plusieurs " tentatives thérapeutiques " composées de " sept lignes de traitements différents " jusqu'à la dernière composée de " zarontin + régime cétogène sans efficacité et arrêt du zarontin en septembre 2021 ". A la date de cette hospitalisation, le médecin constate qu'" il n'y a plus de traitement en place " et préconise un traitement de sortie composé " d'Epitomax 15 mg pendant 15 jours 1 fois par jour puis 15 mg matin et soir pendant quinze jours ". Le certificat médical établi le 15 décembre 2021 par un autre pédiatre du centre hospitalier de Rodez fait état d'une " épilepsie semblant pharmaco résistante " compte tenu de l'" échec de nombreux traitements essayés en Géorgie ", précise que " depuis l'introduction de l'Epitomax (...) la fréquence des crises a largement diminué " et prescrit une augmentation du dosage de ce traitement. Enfin, il ressort du rapport médical soumis au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, produit pour la première fois en appel par Mme C... et M. D..., que leur fille est atteinte d'un trouble du neurodéveloppement caractérisé par une " épilepsie pharmaco-résistante dans le pays d'origine ". Ce rapport indique que l'état de santé de l'enfant nécessite un traitement " au long cours ", et que le traitement prescrit est l'" Epitomax 15-0-30 , débuté en novembre 2021 , posologie augmentée en décembre 2021 ". Par ailleurs, les intimés versent au dossier un échange de courriels avec le laboratoire médical Jansen en charge de la production de l'Epitomax, attestant de l'indisponibilité de ce traitement en Géorgie faute de commercialisation. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne, qui n'établit pas par les pièces qu'il produit que la fille des intimés pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Géorgie, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 16 septembre 2022.
Sur les conclusions tendant au sursis à exécution :
7. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 20 décembre 2022, les conclusions de la requête n° 23TL00043 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement deviennent sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
8. Sous réserve de la renonciation de Me Amari de Beaufort à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros à Me Amari de Beaufort en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E:
Article 1er : La requête n° 23TL00042 du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 23TL00043 du préfet de la Haute-Garonne.
Article 3 : L'Etat versera à Me Amari de Beaufort une somme de 1 200 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 11 juillet 1991 sous réserve de la renonciation de cette dernière à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à Mme A... C... et M. E... D... et à Me Claude Amari de Beaufort.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 juin 2023.
Le président-rapporteur,
D. Chabert
Le président-assesseur,
X. Haïli
Le greffier,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 23TL00042, 23TL00043