Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... et C... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2012 et des années 2013 à 2015.
Par un jugement n° 1400224, 1605735 du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a réduit de 65 598,66 euros le revenu net foncier de M. et Mme B... pour l'année 2008, réduit à due concurrence les cotisations d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre des années 2010 à 2015 ainsi que les cotisations de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2013 à 2015 et rejeté le surplus de leurs demandes.
Procédure initiale devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 janvier 2018 et le 30 août 2018, M. et Mme B..., représentés par Me Orsini, ont demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de leur demande ;
2°) de prononcer la réduction complémentaire des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2015, à hauteur respectivement de 42 325 euros et de 14 896 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les travaux qu'ils ont réalisés en 2008 sur un bâtiment situé à Revel sont déductibles de leurs revenus fonciers en application de l'article 31 du code général des impôts ;
- ces travaux, qui concernent des appartements différents, sont dissociables les uns des autres.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 2 août 2018 et le 15 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un arrêt n° 18BX00381 du 30 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a réduit les cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre des années 2010 à 2015, respectivement de 42 325 euros et de 14 896 euros, et réformé en conséquence le jugement du tribunal administratif de Toulouse.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par une décision n° 439145 du 28 septembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 décembre 2019 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.
Procédure devant la cour après le renvoi du Conseil d'Etat
Par deux mémoires, enregistrés le 26 octobre 2021 et le 19 mai 2022 sous le n° 21BX03802 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux et ensuite sous le n° 21TL23802 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. et Mme B..., représentés par Me Orsini, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 4 décembre 2017 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de leur demande ;
2°) de prononcer la réduction complémentaire des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 à 2015, à hauteur respectivement de 42 325 euros et de 14 896 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les combles du bâtiment en cause étaient habitables au moment du dépôt du permis de construire ;
- les travaux n'ont entraîné aucune modification importante du gros œuvre ;
- à titre subsidiaire, les travaux, qui concernent des appartements différents, sont dissociables les uns des autres ;
- ce caractère dissociable correspond à la définition qui en est donnée par la doctrine référencée BOI-RFPI-BASE-20-30-20 du 30 mai 2016, n° 230 et n° 240.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 18 mars 2022 et le 2 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 20 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- et les conclusions de Mme Cherrier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B... ont demandé à l'administration fiscale que le montant des travaux qu'ils ont réalisés, en 2008, sur un ensemble immobilier situé à Revel (Haute-Garonne), composé d'un bâtiment sur rue de deux étages avec combles et d'un bâtiment d'un étage sur cour, soit pris en compte en déduction de leurs revenus fonciers. Après rejet de leurs réclamations, ils ont saisi le tribunal administratif de Toulouse qui, par un jugement du 4 décembre 2017, a accueilli leur demande en tant qu'elle portait sur le bâtiment sur cour et rejeté le surplus de leurs conclusions. Par un arrêt du 30 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a fait droit à l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement en tant qu'il avait rejeté le surplus de leur demande. Par une décision n° 439145 du 28 septembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par le ministre de l'action et des comptes publics, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux et renvoyé l'affaire devant la même cour.
Sur les conclusions en réduction :
2. D'une part, aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : a) Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire (...) b) Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ". Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et, comme des travaux d'agrandissement, ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement ".
4. Il résulte de l'instruction que les travaux effectués par M. et Mme B... sur le bâtiment sur rue ont notamment porté sur l'aménagement des combles, ainsi que sur une surélévation de 60 centimètres de la toiture et sa réfection. En admettant même que les combles aient été antérieurement habitables, de tels travaux ont nécessairement eu pour effet d'accroître le volume des locaux existants et doivent être regardés en totalité, y compris ceux qui correspondent à l'aménagement des deux appartements en duplex donnant sur cet étage, comme des travaux d'agrandissement au sens du b du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts. La circonstance que la surélévation avait été recommandée par l'architecte des Bâtiments de France pour obtenir une proportion de façade cohérente avec les immeubles voisins n'a pas modifié la nature des travaux exécutés.
5. Le surplus des travaux engagés par M. et Mme B... a consisté en la destruction de cheminées et de leur conduit, le remplacement d'un escalier, la pose de velux et l'ouverture de fenêtres, le remplacement des planchers et des plafonds, le changement des menuiseries, la redistribution des cloisons intérieures, la réfection de la plomberie et de l'électricité, l'installation de nouveaux équipements sanitaires, de chauffage et de climatisation et enfin le rafraichissement des peintures et des revêtements muraux intérieurs. Ces travaux n'ont pas affecté de manière importante le gros œuvre et ne sont pas d'une ampleur suffisante pour être qualifiés de travaux de reconstruction. Ils présentent donc le caractère de travaux d'amélioration au sens du b du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts.
6. Il résulte de l'instruction que les travaux restant en litige et mentionnés au point 5, en ce qu'ils correspondent à l'aménagement du rez-de-chaussée et du premier étage de l'immeuble en cause et ont permis la réalisation de deux des appartements le composant, sont dissociables des travaux visés au point 4. Les factures produites par les requérants, qui ont la charge de la preuve en vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales dès lors que les impositions contestées ont été établies d'après les bases indiquées dans leurs déclarations, permettent d'établir l'engagement de dépenses se rapportant à ces deux appartements. Celles-ci correspondent à des travaux de démolition et d'aménagements intérieurs de ces logements. Les travaux de démolition sont justifiés à hauteur de 3 717,78 euros hors taxes (facture du 18 décembre 2008). Les travaux d'aménagements intérieurs comprennent la fourniture et la pose de portes (pour 1 560 euros hors taxes selon une facture du 29 juin 2008), de meubles de salle-de-bains (pour 3 254 euros hors taxes selon la facture du 28 septembre 2008), de placards (pour 876,44 euros hors taxes selon la facture du 24 décembre 2008) et de menuiseries (pour un montant de 3 566 euros hors taxes mentionné sur une facture du 29 juin 2008), l'aménagement de sol (pour 1 428 euros hors taxes selon la facture du 27 décembre 2008), l'isolation et les plâtreries (pour un montant total de 10 049,90 euros hors taxes selon la facture du 5 août 2008), l'électricité et la climatisation (pour un montant total de 12 185,38 euros hors taxes selon la facture du 22 octobre 2008). Il en résulte que le montant des travaux spécifiques aux deux appartements en cause est justifié à hauteur d'un total de 38 652,56 euros toutes taxes comprises. Il ressort également des factures produites l'existence de dépenses communes portant sur la mise en place du chantier (pour 2 339,22 euros hors taxes selon la facture du 18 décembre 2008), les murs (à hauteur de 12 410,49 euros toutes taxes comprises selon la facture du 14 août 2008), les plâtreries et le nettoyage (pour 3 399 euros hors taxes selon la facture du 5 août 2008), l'électricité et la climatisation (pour un total de 11 502,06 euros hors taxes selon la facture du 22 octobre 2008), les menuiseries (pour 3 500,02 euros hors taxes selon la facture du 24 décembre 2008), les portes (pour un montant total de 980 euros hors taxes mentionné dans les factures du 29 juin 2008 et du 28 septembre 2008), la peinture intérieure et les sols (pour 35 283,34 euros hors taxes selon la facture du 27 décembre 2008) et la plomberie (pour 10 296 euros hors taxes selon la facture du 30 septembre 2008). Ces dépenses représentent un montant total de 83 411,61 euros toutes taxes comprises. Ce dernier doit être pris en compte à concurrence de la proportion de surface représentée par les appartements du rez-de-chaussée et du premier étage, soit 105,62 mètres carrés, par rapport à celle de l'ensemble des appartements, qui s'élève à 372,28 mètres carrés. Cette proportion, qui s'établit à 28,37 %, permet donc de retenir des dépenses déductibles pour 23 663,87 euros. Il convient enfin d'admettre les frais correspondant au renforcement du plancher du premier étage pour 4 009 euros, soit la moitié du montant facturé pour les deux étages du bâtiment, et à la mise en place d'un interphone et d'une antenne collectifs, s'élevant à 1 914,40 euros pour cinq appartements, à hauteur des deux cinquièmes. En revanche, les autres factures versées au dossier ne permettent pas de distinguer les travaux concernant les combles des travaux ayant porté sur le reste du bâtiment. Il découle de ce qui précède que les dépenses d'amélioration relatives au bâtiment sur rue de M. et Mme B... représentent un total de charges déductibles de 67 091,19 euros. Ces derniers sont donc fondés à en demander la prise en compte.
7. Enfin, M. et Mme B... ne sont pas fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes n° 230 et n° 240 de la doctrine administrative référencée BOI-RFPI-BASE-20-30-20 du 30 mai 2016, qui permet la déductibilité de dépenses dissociables de celles qui correspondent à des travaux de reconstruction ou d'agrandissement et qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas admis un total de charges déductibles supplémentaires de 67 091,19 euros.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le revenu foncier de M. et Mme B... est diminué de la somme supplémentaire de 67 091,19 euros au titre de l'année 2008.
Article 2 : Les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 seront établies après imputation du déficit foncier sur le revenu global de M. et Mme B... résultant de la détermination du revenu net foncier définie à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 4 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. et Mme B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21TL23802 2