Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 juin 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2203613 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er novembre 2022, M. B..., représenté par Me Moura, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ou, à défaut, de réformer ce jugement du 3 octobre 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;
3°) d'annuler l'arrêté du 24 juin 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne, d'une part, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, d'autre part, de procéder au retrait de son inscription sur le système d'information Schengen dès la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut, à lui verser directement, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans l'hypothèse où sa demande d'aide juridictionnelle serait rejetée.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;
- les décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français sont intervenues en méconnaissance du droit d'être entendu et du principe du contradictoire ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'inexactitude matérielle dès lors qu'il justifie être entré régulièrement en France et qu'il dispose de liens personnels en France ;
- elle méconnaît le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'inexactitude matérielle quant au risque de fuite dès lors, d'une part, qu'il est entré régulièrement en France muni d'un visa délivré par les autorités grecques et a déclaré son entrée en France et, d'autre part, qu'il présente des garanties de représentation propres à prévenir le risque de fuite à travers la possession d'un document de voyage en cours de validité et d'une adresse effective et permanente ;
- elle méconnaît les 1° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est disproportionnée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en se référant aux pièces et écritures produites en première instance, que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
M. B... a présenté une demande d'aide juridictionnelle, le 11 novembre 2022, sur laquelle il n'a pas encore été statué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) 2018/1806 du parlement européen et du conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté interministériel du 9 mars 1995 relatif à la déclaration d'entrée sur le territoire ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,
- et les observations de Me Moura, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant camerounais, né le 7 mars 1979, déclare être entré en France au mois de juillet 2021. Interpellé par les services de police le 24 juin 2022, à Toulouse, à l'occasion d'un contrôle d'identité diligenté sur réquisition du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Toulouse, l'intéressé a fait l'objet, le même jour, d'une procédure de retenue aux fins de vérification de son droit au séjour. M. B... relève appel du jugement du 3 octobre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Sur l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". Eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur la requête de M. B... et dès lors qu'il n'a pas encore été définitivement statué sur la demande d'aide juridictionnelle qu'il a présentée, le 1er novembre 2022, il y a lieu d'admettre l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions en litige :
3. L'arrêté en litige vise les dispositions applicables à la situation de M. B..., notamment les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'article L. 612-2 et des 1° et 8° de l'article L. 612-3 du même code et mentionne l'ensemble des éléments relatifs à sa situation administrative et personnelle en rappelant les conditions de son entrée et de son séjour sur le territoire français. En outre, il rappelle le principe posé à l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lequel l'obligation de quitter le territoire français est assortie d'une interdiction de retour d'une durée maximale de trois ans dès lors qu'aucun délai de départ volontaire n'est accordé à l'étranger éloigné et mentionne que le requérant ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une telle mesure. En outre, il mentionne que M. B... déclare être entré en France en juillet 2021 et que ses liens personnels et familiaux en France ne sont pas anciens, intenses et stables sans que l'autorité préfectorale soit tenue de reprendre l'ensemble des éléments déclarés par l'intéressé dans le cadre de sa retenue administrative pour vérification du droit au séjour. Enfin, l'arrêté en litige mentionne la nationalité de M. B... en précisant qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté en litige, qui contient l'ensemble des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement des décisions qu'il comporte est, par suite, suffisamment motivé.
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français :
4. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
5. Il ressort des pièces du dossier que les décisions en litige ont été édictées à la suite de l'interpellation de M. B..., le 24 juin 2022, dans le cadre d'une procédure de vérification du droit de circulation ou de séjour. Au cours de son audition administrative par les services de police le même jour, l'intéressé a été mis en mesure de présenter des observations au sujet de sa situation administrative, personnelle et médicale et des risques encourus en cas de renvoi dans son pays d'origine tandis qu'il n'établit ni même n'allègue qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement, d'une décision portant refus de départ volontaire, d'une décision fixant le pays de renvoi et d'une interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, qu'en dépit de son entrée en 2021, M. B... n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour de sorte qu'il ne pouvait ignorer, du fait même de l'absence d'accomplissement de cette démarche qui lui aurait permis de régulariser son droit au séjour, qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement assortie, le cas échéant, de décisions portant refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et du droit d'être entendu doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de la motivation exhaustive de l'arrêté en litige, que l'autorité préfectorale se serait abstenue de procéder à un examen particulier de la situation de M. B....
7. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
8. D'autre part, aux termes de l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 : " 1. Les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans les conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités compétentes de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Cette déclaration peut être souscrite au choix de chaque Partie contractante, soit à l'entrée, soit, dans un délai de trois jours ouvrables à partir de l'entrée, à l'intérieur du territoire de la Partie contractante sur lequel ils pénètrent. (...) ". Aux termes de l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut se voir appliquer les dispositions de l'article L. 621-2 lorsqu'il est entré ou a séjourné sur le territoire français sans se conformer aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20, et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21, de cette convention, relatifs aux conditions de circulation des étrangers sur les territoires des parties contractantes, ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité ". L'article R. 621-2 du même code dispose que : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 621-4, l'étranger souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français mentionnée à l'article L. 621-3 auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. À cette occasion, il lui est remis un récépissé qui peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. / Les modalités d'application du présent article, et notamment les mentions de la déclaration et son lieu de souscription, sont fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'immigration ". L'article R. 621-3 de ce code dispose que : " La production du récépissé mentionné au premier alinéa de l'article R. 621-2 permet à l'étranger soumis à l'obligation de déclaration de justifier, à toute réquisition d'une autorité compétente, qu'il a satisfait à cette obligation ". L'article R. 621-4 du même code précise que : " N'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français l'étranger qui se trouve dans l'une des situations suivantes : / 1° N'est pas soumis à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois ; / 2° Est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; toutefois un arrêté du ministre chargé de l'immigration peut désigner les étrangers titulaires d'un tel titre qui demeurent astreints à la déclaration d'entrée ".
9. Enfin, en vertu des articles 1er et 2 de l'arrêté interministériel du 9 mars 1995 relatif à la déclaration d'entrée sur le territoire, la déclaration d'entrée sur le territoire français est établie conformément à un modèle annexé comportant les éléments suivants : le poste de police, de gendarmerie ou de douane auprès duquel elle est effectuée, l'identité de l'étranger concerné (nom, prénom et sexe), ses date et lieu de naissance, sa nationalité, l'État partie à la convention d'application de l'accord de Schengen du territoire duquel il provient directement, la nature et le numéro du document de voyage.
10. En application de ces dispositions, la souscription de la déclaration prévue par l'article 22 de la convention d'application de l'accord de Schengen et dont l'obligation figure à l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une condition de la régularité de l'entrée en France de l'étranger soumis à l'obligation de visa et en provenance directe d'un État partie à cette convention qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire.
11. En sa qualité de ressortissant camerounais, M. B... est soumis à l'obligation de visa Schengen pour franchir les frontières extérieures des États membres, conformément à l'annexe I du règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des États membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France, le 12 juillet 2021, en possession d'un passeport délivré par les autorités camerounaises revêtu d'un visa de type C délivré par les autorités grecques valable du 18 juin au 18 septembre 2021 et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration de son visa sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour. En se bornant à produire la page de son titre de voyage supportant son identité, le visa précité ainsi que les tampons des autorités chargées de contrôler les points de passage frontaliers traversés indiquant la date de son passage, M. B... ne justifie pas disposer du récépissé de la déclaration d'entrée sur le territoire français prévu par les dispositions citées aux points 9 et 10, lequel peut prendre la forme de l'apposition d'une mention sur son document de voyage et permet seul de régulariser les conditions de son entrée en France.
12. En s'abstenant de souscrire une déclaration d'entrée sur le territoire français dans les conditions rappelées aux points 9 et 10 et en se maintenant sur le territoire français sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour, M. B... doit, dès lors, être regardé comme étant entré irrégulièrement en France. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui faisant obligation de quitter le territoire français pour ce motif.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
14. M. B... se prévaut de son concubinage avec une compatriote, rencontrée en 2018 au Cameroun, qui réside en France de manière régulière et occupe un emploi, de la possession d'une adresse stable et permanente en France et des liens noués en France. Il indique, en outre, être notablement investi dans une paroisse au sein de laquelle il dispense des cours de français ainsi qu'au sein de deux associations où il réalise des tests de dépistage des virus du SIDA et de l'hépatite, des permanences d'accueil et participe à la distribution de colis alimentaires, dans l'attente de pouvoir exercer son métier d'épidémiologiste. Il indique, en outre, que sa compagne a un fils âgé de quatorze ans, né d'une précédente union, avec lequel il a noué des liens. Toutefois, par ces seuls éléments, l'appelant n'atteste pas de la nature, de l'ancienneté et de la stabilité des liens qu'il a développés en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine alors qu'il est entré en France de manière récente, au mois de juillet 2021, à l'âge de 42 ans, et s'y maintient irrégulièrement sans avoir sollicité son admission au séjour tandis qu'il dispose de liens privés et familiaux au Cameroun, attestés par la présence de ses enfants, de ses trois sœurs et de sa mère selon les déclarations recueillies dans le cadre de son audition administrative. Par ailleurs, par leur nombre et par leur nature, les justificatifs produits ne permettent pas de démontrer l'ancienneté et la stabilité de sa communauté de vie avec une compatriote titulaire d'un droit au séjour. Dans ces conditions, compte tenu des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé sur le territoire français, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas, en faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 12 et 14, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'inexactitude matérielle quant aux modalités de son entrée en France et à l'étendue de ses liens personnels.
16. En cinquième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelant doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 15.
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
17. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie ainsi qu'il a été dit aux points 6 à 16, le moyen tiré de ce que la décision refusant à M. B... un délai départ volontaire serait, par voie de conséquence, illégale doit être écarté.
18. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". L'article L. 612-3 du même code précise que : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".
19. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 12, M. B... est entré irrégulièrement en France au mois de juillet 2021 et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, l'autorité préfectorale pouvait, pour ce seul motif, valablement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire, indépendamment de l'étendue des garanties de représentation de l'intéressé propres à prévenir le risque de fuite au sens des dispositions précitées du 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a ni fait une inexacte application des dispositions du 1° de l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni entaché sa décision d'inexactitude matérielle ni d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressé en refusant d'accorder un délai de départ volontaire à M. B....
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
20. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, ainsi qu'il a été dit aux points 6 à 16, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel M. B... est susceptible d'être éloigné serait, par voie de conséquence, illégale doit être écarté.
21. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". D'une part, si M. B... indique souffrir d'asthme chronique, pathologie pour laquelle il bénéficie d'une prise en charge en France, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait présenté une demande de titre de séjour pour raisons de santé pas plus qu'il n'est établi que le défaut de prise en charge médicale devrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou qu'il ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié en cas de renvoi vers son pays d'origine. D'autre part, en se bornant à soutenir de manière vague et peu circonstanciée qu'il exerçait des fonctions d'épidémiologiste au Cameroun et qu'il était, plus particulièrement, chargé du " point focal " du programme de lutte contre la tuberculose au sein de l'hôpital de Douala, ce qui l'a amené à dénoncer des détournements de fonds destinés à la prévention et à la prophylaxie de la tuberculose commis par son supérieur hiérarchique, M. B... ne produit aucun élément probant de nature à établir qu'il serait personnellement exposé, en cas de retour au Cameroun, à des traitements contraires à ces stipulations tandis qu'il ne démontre pas avoir été privé de la possibilité de présenter une demande d'asile en France. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a ni méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelant en fixant le pays de renvoi.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
22. En premier lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie ainsi qu'il a été dit aux points 6 à 16, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a fait interdiction de retour à M. B... sur le territoire français pendant une durée d'un an serait, par voie de conséquence, illégale ne peut qu'être écarté.
23. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 du même code dispose que : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
24. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
25. M. B... soutient qu'il est entré en France en 2021 pour y rejoindre sa compagne rencontrée en 2018 et qu'il y a lieu de tenir compte de sa vie privée et familiale. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 14, ces éléments ne permettent pas de regarder l'intéressé comme justifiant de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour alors qu'il vit en France de manière précaire et irrégulière sans avoir sollicité de titre de séjour après l'expiration de son visa tandis que sa communauté de vie présente un caractère récent et peu stable à la date de l'arrêté en litige. Dès lors que M. B... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et que sa situation ne fait pas apparaître de motifs humanitaires particuliers, et alors même que son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public, le préfet de la Haute-Garonne n'a ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 612-10 du même code en édictant une interdiction de retour d'une durée d'un an à son endroit. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'intéressé.
26. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2022 du préfet de la Haute-Garonne. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE:
Article 1 : M. B... est admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 6 juillet 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juillet 2023.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL22175