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25/07/2023 | FRANCE | N°22TL21425

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 25 juillet 2023, 22TL21425


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme B... A... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 mars 2020 par lequel le maire de Perpignan a délivré un permis de construire à la société Evolution Immobilier pour la réalisation d'un immeuble de dix logements et, d'autre part, l'arrêté du 5 juillet 2021 par lequel la même autorité a délivré un permis de construire modificatif à cette société.

Par un jugement n° 2002697 du 22 avril 2022, le tribunal admin

istratif de Montpellier a rejeté la demande de M. et Mme D... et a mis à leur charge le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... et Mme B... A... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 mars 2020 par lequel le maire de Perpignan a délivré un permis de construire à la société Evolution Immobilier pour la réalisation d'un immeuble de dix logements et, d'autre part, l'arrêté du 5 juillet 2021 par lequel la même autorité a délivré un permis de construire modificatif à cette société.

Par un jugement n° 2002697 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. et Mme D... et a mis à leur charge le versement d'une somme de 1 000 euros à la commune de Perpignan et d'une somme de 1 000 euros à la société Evolution Immobilier en application de l'article L. 761 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 juin 2022, le 2 décembre 2022, le 5 janvier 2023 et le 7 février 2023, M. D... et Mme A... épouse D..., représentés par Me Caudrelier, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 avril 2022 ;

2°) d'annuler les arrêtés du maire de Perpignan des 16 mars 2020 et 5 juillet 2021 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Perpignan une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise tendant à déterminer si le projet litigieux est ou non implanté en partie sur la servitude 11 grevant la parcelle AC 224 sur le document graphique du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Perpignan.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal administratif de Montpellier n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 du règlement de voirie de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole ;

- le projet méconnaît l'article 2.1.7 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Perpignan en ce qu'il doit s'implanter en partie sur une zone inconstructible identifiée sur le document graphique de ce plan ;

- il méconnaît l'article 6 du même règlement dès lors, d'une part, qu'il s'implante sur la limite séparative avec le domaine public en contradiction avec le document graphique et, d'autre part, qu'il prévoit des saillies non autorisées surplombant le domaine public ;

- la réalisation des saillies méconnaît l'article 12 et l'annexe 3 du règlement de voirie de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole ; le dossier de permis est en outre insuffisant au regard de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme ;

- le projet méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et l'article 11.3 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Perpignan dès lors que le bâtiment ne s'intègre pas dans le paysage urbain et constitue un pastiche architectural ;

- il méconnaît l'article 11.3.2.4 de ce même règlement dès lors, d'une part, qu'il ne présente pas une toiture en croupe à l'angle des deux rues et, d'autre part, qu'il prévoit la réalisation d'émergences non autorisées sur la toiture terrasse ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-25 du code de l'urbanisme compte tenu de l'insuffisance du nombre de places de stationnement ;

- il méconnaît l'article 13.2 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Perpignan en ce qu'il ne respecte pas le ratio de 50 % de plantations.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 novembre 2022, le 20 décembre 2022 et le 20 janvier 2023, la commune de Perpignan, représentée par Me Pierson, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mise à la charge de tout succombant une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 et de l'annexe 3 du règlement de voirie est inopérant à l'encontre du permis de construire ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme est irrecevable dès lors qu'il repose sur une cause juridique distincte des moyens soulevés par les requérants dans le délai d'appel ; à le supposer recevable et fondé, le vice serait régularisable sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 décembre 2022 et le 20 janvier 2023, la société à responsabilité limitée Evolution Immobilier, représentée par Me Vigo, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme en vue de la régularisation du permis de construire.

Elle soutient que :

- les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, les règles graphiques auxquelles renvoient les articles 2.1.7 et 6 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur doivent être écartées en ce qu'elles procèdent d'erreurs de fait ; à supposer que les moyens soulevés sur le fondement de ces règles soient fondés, les vices seraient régularisables en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme après que la cour ait précisé les modalités d'application des règles en cause.

Par une ordonnance du 20 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 février 2023.

Les parties ont été informées le 4 juillet 2023, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, que la cour était susceptible de surseoir à statuer dans l'attente de l'intervention d'une éventuelle mesure de régularisation susceptible de remédier aux illégalités entachant les permis de construire en litige tirées, d'une part, de la méconnaissance de l'article 2 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur du site patrimonial remarquable de Perpignan, d'autre part, de la méconnaissance de l'article 6 du même règlement, s'agissant tant du respect du " front bâti imposé " que des éléments de construction prévus en saillie et, enfin, de la méconnaissance de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Caudrelier, représentant M. et Mme D..., E..., représentant la commune de Béziers, et de Me Vigo, représentant la société pétitionnaire.

Considérant ce qui suit :

1. La société Evolution Immobilier a présenté, le 3 février 2020, une demande de permis de construire portant sur la réalisation d'un immeuble de niveau R + 5 composé de dix logements, sur la parcelle cadastrée section AC n° 224, située à l'angle des rues Jeanne d'Arc et Edmond Bartissol, sur le territoire de la commune de Perpignan (Pyrénées-Orientales). Par un arrêté du 16 mars 2020, le maire de Perpignan lui a délivré ce permis. M. et Mme D..., voisins immédiats du terrain d'assiette du projet, ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le permis de construire ainsi accordé. La société Evolution Immobilier a présenté, le 21 avril 2021, une demande de permis de construire modificatif portant sur la façade arrière de l'immeuble. Le maire de Perpignan lui a délivré ce permis modificatif par un arrêté du 5 juillet 2021 dont M. et Mme D... ont également demandé l'annulation devant le tribunal administratif de Montpellier. Par la présente requête, les intéressés relèvent appel du jugement du 22 avril 2022 par lequel ledit tribunal a rejeté leur demande et mis à leur charge une somme de 1 000 euros à verser la commune de Perpignan et une somme de 1 000 euros à verser à la société Evolution Immobilier au titre de l'article L. 761 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. et Mme D... ont notamment soulevé devant le tribunal administratif de Montpellier un moyen tiré de ce que le permis de construire du 16 mars 2020 méconnaissait l'article 12 et l'annexe 3 du règlement de voirie de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole. Il ressort des termes du jugement attaqué que, si le tribunal administratif a bien visé le moyen ainsi invoqué, il n'y a pas répondu dans les motifs de son jugement. Toutefois, les dispositions d'un règlement de voirie ne sont pas au nombre de celles dont l'autorité compétente pour se prononcer sur une demande de permis de construire doit assurer le respect. Il s'ensuit que les requérants ne pouvaient utilement se prévaloir de la méconnaissance du règlement de voirie de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole au soutien de leurs conclusions en annulation. Dès lors que le moyen soulevé en ce sens était inopérant, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une irrégularité en s'abstenant d'y répondre.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. L'article L. 313-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Un plan de sauvegarde et de mise en valeur peut être établi sur tout ou partie du site patrimonial remarquable créé en application du titre III du livre VI du code du patrimoine. Sur le périmètre qu'il recouvre, il tient lieu de plan local d'urbanisme. / (...) ". L'article R. 313-2 de ce code précise que : " Le plan de sauvegarde et de mise en valeur comprend un rapport de présentation et un règlement et peut comporter des orientations d'aménagement et de programmation relatives à des immeubles bâtis ou non bâtis ou ensembles d'immeubles (...). / Le règlement comprend des règles écrites et des documents graphiques qui sont définis à l'article R. 313-5. / Il est accompagné d'annexes. ".

4. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur du site patrimonial remarquable de la commune de Perpignan, dans lequel est situé le terrain d'assiette du projet de construction en litige : " Légende du site patrimonial remarquable / 2.1 : Répartition des immeubles en catégories et légendes / (...) / 2.1.7 : Les immeubles ou parties d'immeubles non bâtis à dominante minérale (légende 11) / Ces espaces sont représentés par des hachures quadrillées de couleur orange qui impliquent la conservation, la restauration ou la restitution des sols. / Toute construction est interdite sur ces espaces à l'exception des constructions temporaires liées à des manifestations ponctuelles. / (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le document graphique du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Perpignan institue à l'angle sud-ouest de la parcelle AC 224, sur laquelle le projet doit s'implanter, un espace inconstructible classé en légende 11, représenté par un trait noir. La notice produite par la société pétitionnaire à l'appui de sa demande de permis de construire initial mentionnait que l'implantation de l'immeuble respectait cet espace inconstructible en s'alignant sur les façades arrière des bâtiments mitoyens respectivement situés sur la parcelle AC 15 au sud et la parcelle AC 223 à l'ouest. La société pétitionnaire a cependant modifié l'implantation de son projet dans le cadre de sa demande de permis de construire modificatif en procédant à un retrait de la façade arrière sur la limite séparative ouest pour l'aligner désormais avec le chéneau du dernier étage du bâtiment situé sur la parcelle AC 223. Le rapprochement des plans de masse et de coupe du projet ainsi modifié avec le document graphique du plan de sauvegarde et de mise en valeur permet néanmoins de constater que, malgré le retrait ainsi opéré de la façade arrière, l'immeuble projeté empiète encore sur l'espace inconstructible tel que matérialisé sur le document graphique, ce que confirme au demeurant l'expertise réalisée par le cabinet de géomètres Gasquez, produite par les appelants.

6. La commune de Perpignan et la société Evolution Immobilier ne contestent pas la persistance d'un tel empiètement, mais soutiennent que la règle graphique en cause devrait être interprétée à la lumière de l'objectif qu'elle poursuit, à savoir, selon elles, la recherche de l'alignement des façades arrière des immeubles le long de la rue Jeanne d'Arc. Toutefois, d'une part, alors que les limites de l'espace inconstructible en litige sont représentées d'une manière suffisamment précise sur le document graphique du plan de sauvegarde et de mise en valeur, il ne ressort d'aucune disposition du règlement de ce plan, ni d'aucune indication de son rapport de présentation, que les servitudes instituées sous la légende 11 auraient pour objectif de rechercher l'alignement des façades arrière. L'article 2 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur, rappelé au point 4 du présent arrêt, précise au contraire que les espaces inconstructibles identifiés à ce titre ont pour but " la conservation, la restauration ou la restitution des sols ", tandis que l'article 7 de ce même règlement, relatif à l'implantation des projets par rapport aux limites séparatives, se borne à fixer un objectif général de cohérence sans imposer l'alignement invoqué par les intimées. D'autre part et en tout état de cause, il ressort de l'expertise réalisée par le cabinet de géomètres Geopole, produite par la société pétitionnaire, que les façades sud des immeubles situés sur les parcelles AC 11, 12 et 223 le long de la rue Jeanne d'Arc ne sont en réalité pas alignées et que les limites de l'espace inconstructible tracées sur la parcelle AC 224 ne correspondent d'ailleurs à aucun des alignements existants sur ces trois parcelles.

7. Il résulte de ce qui a été exposé au point précédent qu'il n'y a pas lieu d'apprécier la conformité de l'implantation du projet de construction en litige au regard d'un autre tracé de l'espace inconstructible que celui matérialisé par les auteurs du plan de sauvegarde et de mise en valeur au moyen d'un trait noir sur le document graphique. Dès lors qu'il résulte de ce qui a été indiqué au point 5 ci-dessus que le projet de construction en litige est en partie implanté sur l'espace ainsi délimité et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, les requérants sont fondés à soutenir que le projet en cause méconnaît les dispositions précitées de l'article 2 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur du centre-ville de Perpignan.

8. En vertu d'un principe général, il incombe à l'administration de ne pas appliquer un règlement illégal. Ce principe trouve à s'appliquer, même en l'absence de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l'annulation ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d'un document d'urbanisme, ou certaines d'entre elles si elles en sont divisibles, sont entachées d'illégalité. En l'espèce, si la société pétitionnaire fait valoir à juste titre que l'implantation de la construction existante sur la parcelle AC 223 est matériellement erronée, l'erreur ainsi relevée est sans incidence sur la légalité du tracé de l'espace inconstructible sur la parcelle AC 224, dès lors que les auteurs du plan de sauvegarde et de mise en valeur n'étaient pas tenus de prévoir un alignement entre les façades arrière sur ces deux parcelles. Par suite, la société Evolution Immobilier n'établit pas l'illégalité des dispositions de l'article 2 précité dont la violation par les permis de construire en litige a été constatée au point précédent.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Perpignan : " Implantation des constructions neuves par rapport aux voies ou emprises publiques / La limite du domaine public-privé doit être assurée par une continuité bâtie constituée par la construction elle-même ou par une clôture. Elle est représentée sur le document graphique par un trait rouge continu. / Les constructions doivent être implantées à l'alignement figurant sur le document graphique. / Dispositions particulières : / Des saillies peuvent être autorisées pour : / - balcons et balconnets, / - soubassements et corniches et autres éléments de décor, / - bandeaux, pilastres, / - devantures commerciales, / - dispositif particulier d'accès... / (...) / Des implantations en retrait peuvent être imposées : / - Lorsque ces retraits sont portés sur le document graphique, / - Lorsque l'autorité compétente jugera utile d'assurer une continuité volumétrique avec des immeubles voisins. / Dans les cas où la limite de l'emprise bâtie est en retrait par rapport au domaine public, la matérialisation de ce dernier sera assurée par une clôture. / En l'absence de ligne d'implantation, il n'est pas fixé de règles. ".

10. D'une part, le document graphique du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Perpignan instaure une servitude de " front bâti imposé ", matérialisée par un trait rouge, en léger retrait par rapport aux limites séparant la parcelle AC 224 de la voie publique sur ses côtés nord et est. Il ressort des plans de masse et de coupe du projet et il n'est d'ailleurs plus contesté par la société pétitionnaire que l'immeuble projeté doit s'implanter à l'alignement de la voie publique sur ces deux côtés, de sorte qu'il ne respecte pas la règle de retrait ainsi représentée sur le document graphique. Le projet en litige méconnaît dès lors les dispositions précitées de l'article 6 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur sur ce premier point. Si la société intimée soutient que la servitude graphique en cause devrait être écartée au motif qu'elle procèderait d'une erreur de fait en ce qu'elle aurait été tracée à l'emplacement d'une ancienne palissade, l'existence d'une telle erreur n'est pas caractérisée dès lors que la matérialisation des limites parcellaires est conforme à l'arrêté d'alignement du 3 janvier 2017 et que les auteurs du plan de sauvegarde et de mise en valeur n'étaient pas tenus de faire coïncider les servitudes de retrait avec les limites parcellaires. Dès lors, la société Evolution Immobilier n'est pas fondée à soutenir que la règle ainsi méconnue par le projet devrait être écartée comme illégale.

11. D'autre part, il ressort des plans de coupe produits par la société pétitionnaire que le projet prévoit sur trois étages des volumes en saillie surplombant les voies publiques, nommés improprement " loggias " sur lesdits plans et qualifiés plus justement de " bow-windows " par la notice. Les dispositions précitées de l'article 6 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur énumèrent de manière limitative les éléments de construction pouvant être autorisés en saillie des façades dans le périmètre du site patrimonial remarquable de Perpignan. Il ressort des plans de coupe que les " bow-windows " prévus par le projet constituent des prolongements des logements, auxquels ils sont totalement intégrés, sans que des cloisons ou des baies ne les séparent des pièces principales habitables. De tels volumes construits en saillie ne sauraient être regardés comme des " éléments de décor " et ne sont pas non plus assimilables à des " balcons ", même " fermés ". Ils ne sont donc pas au nombre des saillies dont les dispositions précitées permettent la réalisation, la circonstance que des immeubles voisins comportent également des " bow-windows " étant sans incidence à cet égard. Par suite, le projet viole les dispositions de l'article 6 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur sur ce second point.

12. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le projet méconnaîtrait les dispositions de l'article 12 et de l'annexe 3 du règlement de voirie de Perpignan Méditerranée Métropole ne peut qu'être écarté comme inopérant pour les motifs exposés au point 2 du présent arrêt.

13. En quatrième lieu, selon l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet de construction porte sur une dépendance du domaine public, le dossier joint à la demande de permis de construire comporte une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. ". Il résulte en particulier de ces dispositions que, lorsqu'un projet de construction comprend des éléments en surplomb du domaine public, le dossier de demande de permis de construire doit comporter une pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine public pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire de ce domaine.

14. D'une part, s'il est vrai que les requérants n'ont soulevé que des moyens de légalité interne à l'encontre des arrêtés litigieux dans le délai d'appel, la contestation de la régularité de la composition du dossier de demande de permis de construire se rattache également à la légalité interne et non à la légalité externe. Le moyen soulevé par les appelants sur le fondement de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme ne repose donc pas sur une cause juridique nouvelle et la fin de non-recevoir opposée par la commune en ce sens doit dès lors être écartée.

15. D'autre part, il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire, notamment des plans de coupe et de façades, que le projet présenté par la société Evolution Immobilier comporte des éléments de construction en saillie prévus en surplomb des voies publiques constituées par les rues Jeanne d'Arc et Edmond Bartissol. En application des principes rappelés au point 13 ci-dessus, auxquels ne s'opposent pas les dispositions du code de la voirie routière invoquées par la commune, la société pétitionnaire devait donc produire à l'appui de sa demande de permis un document exprimant l'accord du gestionnaire de ces voies pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public. La société intimée n'ayant pas satisfait à cette obligation, les appelants sont fondés à soutenir que les arrêtés litigieux ont été pris en méconnaissance de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". L'article 11 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Perpignan mentionne que : " Dispositions architecturales / (...) / 11.3 : Immeubles ou parties d'immeubles neufs / Les constructions neuves doivent s'intégrer au paysage urbain, se conformer au rythme du parcellaire s'il est avéré et respecter des règles de construction et des choix de matériaux adaptés à la démarche de développement durable. / Une construction contemporaine intégrée au paysage urbain est préférable à toute solution pastiche ou d'accompagnement. / Afin de garantir l'insertion du projet dans le site, le dossier de demande d'autorisation montrera l'adaptation au terrain et présentera l'insertion du projet dans son contexte urbain. / (...) / 11.3.1 : Matériaux en élévation / Les matériaux de construction seront choisis pour leur qualité d'insertion dans le site et la palette de couleur du paysage urbain. (...) / 11.3.2 : Façades / 11.3.2.2 : Baies / Les percements doivent s'inscrire : / - ou bien dans une logique traditionnelle avec des baies ordonnancées à proportions rectangulaires dans le sens de la hauteur (...), / - ou bien dans un esprit contemporain de confrontation stylistique dûment justifié dans le document d'insertion paysagère. (...) ".

17. Les dispositions précitées de l'article 11 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Perpignan ont le même objet que celles, également invoquées, de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et prévoient des exigences qui ne sont pas moindres. Il en résulte que c'est par rapport aux dispositions du plan de sauvegarde et de mise en valeur que doit s'apprécier la légalité des arrêtés en litige. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que, si le terrain d'assiette du projet est situé au sein du périmètre du site patrimonial remarquable de Perpignan, non loin de la Cathédrale Saint-Jean et du Castillet, il n'existe cependant pas de visibilité directe avec ces deux monuments historiques. Le quartier des anciens remparts dans lequel s'insère le projet se caractérise par une architecture variée et comprend notamment des immeubles de style " arts décoratifs " inspirés par l'architecture traditionnelle catalane. La notice produite par la société pétitionnaire avec la demande de permis de construire décrit les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans le paysage urbain environnant. Il ressort de cette notice, ainsi que des plans et des simulations photographiques joints au dossier, que l'immeuble présentera un aspect essentiellement contemporain, avec notamment une toiture-terrasse et un mur-rideau constitué en verre et en métal, tout en reprenant certains éléments architecturaux plus traditionnels présents sur les constructions voisines, tels que l'usage de la brique, sans pour autant imiter les immeubles anciens voisins. Dans ces conditions et alors au demeurant que l'architecte des bâtiments de France a donné son accord à ce projet, l'opération envisagée par la société pétitionnaire satisfait aux exigences de l'article 11 citées au point précédent.

18. En sixième lieu, aux termes des dispositions du point 11.3.2.4 de l'article 11 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur du site patrimonial remarquable de Perpignan : " Toitures et couvertures / Matériaux : / Les couvertures seront : / - soit en tuiles canal de terre cuite, / - soit en tout autre matériau adapté à une écriture contemporaine de l'immeuble. Le principe sera alors dument justifié dans le volet paysager du dossier de demande d'autorisation. / Sens des pentes : / Pour les immeubles couverts en tuile canal, sauf cas particulier d'une façade en pignon, les égouts et faîtages seront parallèles à la façade sur espace public. Les toitures des immeubles d'angle seront obligatoirement traitées en croupe. / (...) / Emergences techniques : / Les seules émergences autorisées en toiture seront les souches de cheminées. (...) Leur hauteur sera limitée à 1,20 mètre pour ne pas créer de saillie caricaturale. (...) / Tous les ouvrages techniques doivent être intégrés à la construction. ".

19. D'une part, les dispositions du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur mentionnées ci-dessus n'interdisent pas la réalisation des toitures-terrasses sur les immeubles neufs pouvant être implantés dans le périmètre du site patrimonial remarquable. Dès lors que le paragraphe du point 11.3.2.4 précité relatif au " sens des pentes " ne saurait par nature régir que les constructions dotées d'une toiture en pente, ledit paragraphe n'est pas opposable au projet litigieux dont la couverture est envisagée avec une toiture plate. Par conséquent, les requérants ne peuvent utilement reprocher à la société intimée de n'avoir pas prévu un traitement en croupe pour la partie de toiture située à l'angle des rues Jeanne d'Arc et Edmond Bartissol.

20. D'autre part, si le projet de construction inclut la réalisation d'une cuisine d'été sur la toiture terrasse, un tel local, maçonné et pourvu d'une couverture en acier, ne saurait être regardé comme constituant une émergence technique au sens des dispositions mentionnées au point 18. En outre, si la toiture doit supporter la machinerie de l'installation de ventilation mécanique contrôlée, il ressort des plans produits par la société pétitionnaire que les ouvrages techniques en cause seront intégralement recouverts d'un habillage métallique de sorte qu'ils seront intégrés à la construction et n'émergeront pas de la toiture. Dès lors, les dispositions du point 11.3.2.4 précité n'ont pas été méconnues par les permis de construire en litige.

21. En septième lieu, aux termes de l'article R. 111-25 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable peut imposer la réalisation d'installations propres à assurer le stationnement hors des voies publiques des véhicules correspondant aux caractéristiques du projet. (...) ". L'article 12 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Perpignan mentionne que : " Stationnement des véhicules / Aucune obligation de créer des places de stationnement n'est requise à l'intérieur du secteur sauvegardé. / Cette disposition est valable pour tous les types d'occupation. ".

22. Il ressort des pièces du dossier qu'alors même que le règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur n'impose aucune obligation en la matière, la société Evolution Immobilier a prévu l'aménagement de sept places de stationnement au rez-de-chaussée de l'immeuble projeté. Le nombre d'emplacements ainsi envisagé n'apparaît pas manifestement insuffisant, alors que la parcelle est proche d'un important parc de stationnement public et que le centre-ville de Perpignan est desservi par un réseau de transports urbains consistant. Par suite, le maire n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en n'exigeant pas du pétitionnaire la réalisation de places de stationnement supplémentaires dans le cadre de ce projet.

23. En dernier lieu, aux termes de l'article 13 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur de Perpignan : " Espaces libres et plantations / (...) / 13.2 : Espace libre privé / Plantations : / La part réservée aux plantations ne sera pas inférieure à 50 % de la surface non construite d'un terrain. Les plantations seront réalisées en pleine terre. ".

24. Il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire que la surface non construite de la parcelle AC 224 sera traitée pour partie en dalles alvéolaires engazonnées permettant la circulation de véhicules et, pour l'autre partie, en espace vert planté d'arbres. En l'absence de toute prescription contraire dans le document d'urbanisme, les dalles engazonnées peuvent être valablement comptabilisées au titre des espaces libres plantés pour l'application du ratio de 50 % imposé par l'article 13 précité, lequel n'a dès lors pas été méconnu.

25. Il résulte de tout ce qui précède que seuls sont fondés les moyens examinés aux points 7, 10, 11 et 15 du présent arrêt, tirés, d'une part, de la méconnaissance de l'article 2 du règlement du plan de sauvegarde et de mise en valeur du site patrimonial remarquable de Perpignan, d'autre part, de la méconnaissance de l'article 6 de ce même règlement, s'agissant tant du respect du " front bâti imposé " que des éléments de construction en saillie et, enfin, de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme.

Sur la possibilité d'une régularisation :

26. L'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. (...). ".

27. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Un vice relatif au bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si la régularisation implique de revoir l'économie générale du projet, dès lors que les règles en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

28. Les illégalités entachant les permis de construire des 16 mars 2020 et 5 juillet 2021, telles que relevées au point 25 ci-dessus, sont susceptibles d'être régularisées par l'octroi d'un permis de construire modificatif sans qu'une telle régularisation implique de changer la nature même du projet. Il y a donc lieu de surseoir à statuer sur les conclusions relatives à ces permis, pendant une durée de quatre mois suivant la notification du présent arrêt, dans l'attente de l'intervention d'un permis de construire modificatif susceptible de remédier à ces illégalités, en prenant notamment en compte, pour l'application des règles d'implantation mentionnées aux points 4 et 9 du présent arrêt, la médiane des traits matérialisés sur le document graphique du plan de sauvegarde et de mise en valeur du site patrimonial remarquable de Perpignan.

D É C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme D... pendant une durée de quatre mois à compter la notification du présent arrêt dans l'attente de l'intervention d'un permis de construire modificatif susceptible de remédier aux vices relevés par cet arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., à Mme B... D..., à la commune de Perpignan et à la société Evolution Immobilier.

Délibéré après l'audience du 11 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Lafon, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

P. Calendini

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21425
Date de la décision : 25/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS EMERIC VIGO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-07-25;22tl21425 ?
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