Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2200669 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 juin 2022 et le 31 mars 2023, M. B..., représenté par Me Badji Ouali, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 6 octobre 2021 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " entrepreneur / profession libérale " sur le fondement de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou sur le fondement du troisième alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande de titre de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur / profession libérale " au regard de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont dénaturé les faits de l'espèce, se sont livrés à une appréciation erronée des faits de l'espèce et qu'ils ont commis des erreurs de droit, de fait ainsi que des erreurs manifestes d'appréciation ;
- l'arrêté critiqué est insuffisamment motivé ;
- le refus de séjour est entaché d'erreur de droit quant à l'exigence d'un visa de long séjour ;
- le refus de séjour porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ce refus méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ce refus est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est fondée sur une décision de refus de séjour illégale ;
- cette obligation porte atteinte à son droit au respect de la vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 15 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 26 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Restino a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 7 décembre 1993, relève appel du jugement du 17 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur la régularité du jugement :
2. M. B... soutient que les premiers juges se sont livrés à une appréciation erronée des faits de l'espèce, qu'ils ont jugé à tort que l'arrêté critiqué était suffisamment motivé, qu'il n'était pas en situation régulière, qu'il ne remplissait pas la condition de détention d'un visa de long séjour requise pour la délivrance d'un premier titre de séjour et que le refus de séjour ne portait pas atteinte à son droit au respect de la vie privée. Toutefois, ces moyens relèvent de la critique du bien-fondé du jugement et sont sans incidence sur sa régularité. Par ailleurs, si le requérant entend remettre en cause la régularité du jugement attaqué en se fondant sur ce que les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier, un tel moyen, qui ne relève pas de l'office du juge d'appel, tend en réalité à remettre en cause leur appréciation sur le fond du litige qui leur était soumis et ne peut être utilement soulevé à l'appui d'une contestation de la régularité du jugement. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
3. Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. L'arrêté du 6 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de titre de séjour de M. B... en qualité de travailleur non salarié vise l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, notamment son article 3, les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment l'article L. 421-1 dont le préfet a entendu faire application. Cet arrêté expose en outre les circonstances de l'entrée et du séjour en France de l'intéressé, notamment le classement sans suite par la préfecture de Seine-Saint-Denis de la demande de renouvellement du titre de séjour de M. B.... Cet arrêté justifie le refus de séjour du fait du défaut de visa de long séjour requis par les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'obtention d'un titre en qualité de travailleur non salarié. Enfin, cet arrêté mentionne les éléments considérés par l'autorité administrative pour conclure à l'absence d'atteinte disproportionnée au droit au respect à sa vie privée et familiale. Les circonstances que l'autorité administrative a fait application de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lieu et place du L. 421-5 du même code, et qu'elle ait omis de mentionner les difficultés du requérant à obtenir un rendez-vous pour renouveler son récépissé, à les supposer avérées, se rapportent à la base légale applicable et au bien-fondé des décisions en litige, et non à l'existence d'une motivation et à son caractère suffisant. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté.
En ce qui concerne le refus de séjour :
5. Aux termes de l'article L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité non salariée, économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants, dans le respect de la législation en vigueur, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur / profession libérale " d'une durée maximale d'un an ". D'autre part, en vertu du 1° de l'article L. 411-1, du 3° de l'article L. 412-1 et de l'article L. 426-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger qui n'est pas titulaire de la carte de résident de longue durée-UE et souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois et bénéficier d'une carte de séjour temporaire portant la mention " entrepreneur / profession libérale " doit en principe être titulaire d'un visa de long séjour. Dès lors, en rejetant la demande de titre de séjour en qualité d'autoentrepreneur, présentée par l'intéressé, au motif qu'il ne détenait pas de visa de long séjour, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur de droit.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
7. M. B... fait valoir, d'une part, son insertion professionnelle dans la société française, du fait de la création en octobre 2019 de son entreprise C..., qui exerce une activité de programmation et de développement dans le domaine de la digitalisation, et de son activité d'enseignement dans le domaine de l'informatique. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, entré en France en 2017, était célibataire, sans enfant et ne se prévaut d'aucun lien particulier sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué. La circonstance qu'il a épousé, en novembre 2022, postérieurement à la date de l'arrêté attaqué, une compatriote titulaire d'un titre de séjour délivré par les autorités espagnoles est sans incidence à cet égard. Par ailleurs, le préfet de l'Hérault indique, sans être contredit, que les parents et les deux sœurs du requérant résident en Tunisie. Par suite, la décision portant refus de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Eu égard à ces circonstances de fait, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé. Ces moyens doivent être écartés.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été exposé précédemment que le moyen, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté.
9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 ci-dessus, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation de M. B... doivent être écartés.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
11. Le présent arrêt ne nécessite aucune mesure d'exécution particulière. Il en résulte que les conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. B... sur ce fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.
La rapporteure,
V. Restino
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°22TL21272