Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " et lui a fait obligation de quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2200881 du 3 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2022, M. A..., représenté par Me Jarraya, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 24 heures à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du 1°) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; il a produit un nombre important de documents suffisamment diversifiés et probants pour établir la réalité de sa présence en France depuis pendant plus de dix ans ;
- il méconnaît les stipulations du 1°) de l'article 6 du l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il remplit les conditions pour obtenir la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1967 ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Par une ordonnance du 13 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée le 13 juillet 2023 à 12 heures.
Par une décision du 7 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, est entré en France le 30 mai 2002 muni d'un visa Schengen de court séjour à entrées multiples, valable du 20 mars au 19 septembre 2002. Il a sollicité son admission au séjour le 1er mars 2013. Par jugement du 23 septembre 2016, le tribunal a annulé la décision implicite de rejet née sur sa demande et enjoint un réexamen de sa situation au terme duquel, par décision du 9 décembre 2016, le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Ces décisions ont été confirmées par le tribunal administratif de Montpellier le 12 mai 2017 et par la cour administrative d'appel de Marseille, le 19 juin 2018. M. A... a présenté une nouvelle demande de certificat de résidence algérien le 7 novembre 2019. Une décision implicite de rejet est née le 7 mars 2020, et le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision par jugement du 25 mai 2021, en enjoignant le réexamen de la situation de l'intéressé. Par arrêté du 20 janvier 2022 pris sur réexamen, le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté la demande d'admission au séjour et a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 3 juin 2022 dont M. A... relève appel, rejeté sa demande.
Sur les conclusions en annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".
3. M. A... soutient qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. Il se borne toutefois à produire pour la période de 2011 à 2022, date de l'arrêté litigieux, des ordonnances qui ne permettent pas d'attester de sa présence continue sur le territoire français, un bulletin de salaire en tant qu'ouvrier agricole pour 30 heures en août 2018 et une attestation de travail de 34 heures en 2017. Par ailleurs, pour les années 2011 et 2012, les pièces fournies se limitent, pour la première de ces années, à trois ordonnances, et, pour la seconde, à une ordonnance, une attestation médicale faisant état de deux consultations au centre médico-social en janvier et février 2012 et une lettre manuscrite d'un membre de l'association de solidarité avec les travailleurs immigrés dont le destinataire n'est pas indiqué, sollicitant une domiciliation de l'appelant afin qu'il bénéficie de l'aide médicale d'État. Par ces seuls éléments, M. A... n'apporte pas de justifications suffisantes à l'appui de ses allégations. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les stipulations du 1° de l'article 6 précitées ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations du 1° de l'article 6 précitées.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. A..., qui a vécu jusqu'à l'âge de 52 ans dans son pays d'origine, soutient être installé en France depuis plus de 20 ans. Toutefois, la durée et la continuité de sa présence en France n'est pas établie par les pièces qu'il produit, De plus, M. A... a fait l'objet d'une mesure d'éloignement du 9 décembre 2016 dont la légalité a été confirmée tant par le tribunal administratif de Montpellier que la cour administrative d'appel de Marseille. En outre, il est constant qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine puisque son épouse et leurs sept enfants y résident. S'il allègue être séparé de son épouse depuis plus de 20 ans et ne pouvoir, en conséquence, rejoindre le domicile conjugal, il n'apporte cependant aucun élément de nature à établir cette assertion. Il ne démontre pas davantage l'intensité et la stabilité de ses attaches personnelles en France et ne justifie pas de son insertion professionnelle ou sociale. Dès lors, compte tenu en particulier de ses attaches familiales en Algérie, l'arrêté attaqué n'a pas porté à son droit au respect d'une vie familiale normale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde et des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. L'appelant, qui se borne à alléguer qu'il fera l'objet d'un isolement presque complet en cas de retour dans son pays d'origine, n'établit cependant pas qu'il encourrait un risque réel et actuel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en Algérie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 janvier 2022. Dès lors, sa requête doit être rejetée et il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2023.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21493