Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de la délibération du 11 janvier 2021 par laquelle le conseil municipal de Saint-Amans-des-Côts a décidé d'exercer son droit de préemption sur un bien situé place de la Croix, cadastré AB247, ensemble la décision du maire de Saint-Amans-des-Côts du 13 janvier 2021 portant le même objet.
Par un jugement n° 2100733 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibération du conseil municipal de Saint-Amans-des-Côts du 11 janvier 2021 et la décision du maire de Saint-Amans-des-Côts du 13 janvier 2021 et mis à la charge de la commune la somme de 1 500 euros à verser au demandeur en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février 2023 et 25 avril 2023, la commune de Saint-Amans-des-Côts, représentée par la SCP CGCB et Associés, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 16 décembre 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle justifie de l'habilitation du maire à ester en justice ;
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal a accueilli deux moyens dont un moyen de légalité interne, tiré de l'absence de définition de projet d'action ou d'opération d'aménagement, qui n'était pas soulevé par le requérant et qui n'était pas d'ordre public ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- le moyen unique d'annulation, qui a été retenu par les premiers juges, tiré de l'insuffisante motivation au regard de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, est mal fondé ;
- à titre subsidiaire sur l'effet dévolutif, le moyen de légalité interne tiré de l'absence de définition d'un projet d'aménagement réel à la date de la décision de préemption n'est pas fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2023, M. C..., représenté par Me Savignat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Amans-des-Côts la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable en l'absence de délibération préalable du conseil municipal de la commune et en tout état de cause en l'absence de délégation reçue par le maire pour introduire cette action ;
- les moyens invoqués par la commune ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 avril 2023.
Par un courrier du 14 septembre 2023, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour est susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de première instance aux fins d'annulation dirigées contre la lettre du 13 janvier 2021 par laquelle le maire a informé le greffe du tribunal judiciaire de Rodez de la décision de la commune de se substituer à l'adjudicataire en tant que cette décision à visée informative est dépourvue de caractère décisoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Aldigier représentant la commune appelante.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été déclaré adjudicataire des droits immobiliers d'un immeuble à usage commercial et d'habitation situé à Saint-Amans-des-Côts (Aveyron) par jugement du tribunal judiciaire de Rodez du 18 décembre 2020. Par une délibération du 11 janvier 2021, le conseil municipal de cette commune a décidé d'exercer son droit de préemption sur ce bien. Par un courrier du 13 janvier 2021, la décision de la commune de Saint-Amans-des-Côts, représentée par son maire en exercice, de se substituer à M. C... a été notifiée au tribunal judiciaire de Rodez. Par un jugement n° 2100733 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibération du conseil municipal de Saint-Amans-des-Côts du 11 janvier 2021 ainsi que la décision du maire du 13 janvier 2021. Par la présente requête, la commune de Saint-Amans-des-Côts relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort de la demande introductive d'instance de M. C... devant le tribunal administratif, ainsi que du mémoire en réplique ultérieurement produit, qu'il y a invoqué le moyen tiré de l'absence de projet réel et préexistant à la décision attaquée. D'ailleurs, il ressort du mémoire en défense de la commune que cette dernière a répondu à ce moyen en faisant état des justifications de la réalité du projet. Ainsi et contrairement à ce que soutient la commune appelante, les premiers juges ont régulièrement fondé leur jugement sur un moyen qui était invoqué par M. C.... Dès lors, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier pour avoir accueilli un moyen qui n'était pas soulevé en première instance et qui n'était pas d'ordre public.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions de première instance tendant à l'annulation de la lettre du maire en date du 13 janvier 2021 :
3. Il ressort des pièces du dossier que la lettre du 13 janvier 2021 par laquelle le maire a informé, en application de l'article R. 213-15 du code de l'urbanisme, le greffe du tribunal judiciaire de Rodez de la décision de la commune de se substituer à l'adjudicataire n'a qu'une portée informative et ne revêt pas le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, ainsi que la cour en a informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre ce courrier sont irrecevables. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont fait droit, à l'article 1er du jugement attaqué, aux conclusions présentées par M. C... à fin d'annulation pour excès de pouvoir de ladite lettre du maire.
En ce qui concerne les motifs d'annulation retenus par les premiers juges :
4. Par le jugement contesté, le tribunal a annulé la délibération en litige en retenant deux moyens tirés, d'une part, de l'insuffisante motivation au regard des exigences de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme et, d'autre part, de ce qu'à la date de la décision de préemption contestée, la réalité du projet d'action ou d'opération d'aménagement l'ayant justifiée ne peut être regardée comme établie. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient à la cour de se prononcer sur ces motifs d'annulation contestés devant elle.
5. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Aux termes de l'article L. 300-1 de ce code dans sa rédaction applicable : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
7. En premier lieu, la préemption décidée par la délibération en litige du 11 janvier 2021 du conseil municipal de Saint-Amans-des-Côts, portant sur le bien situé Place de la Croix sur la parcelle cadastrée AB 247 d'une superficie totale de 185 m², abritant quatre logements et deux commerces, appartenant à M. B... A... et cédé par voie d'adjudication judiciaire à M. C..., a été motivée par le fait, aux termes de cette délibération, que " la commune a lancé différentes actions en vue de la revitalisation du centre bourg de Saint-Amans : adhésion au programme Bourgs Centres de la Région, adhésion au programme Petites Villes de Demain de l'Etat, projet d'adhésion au programme Centre Bourgs du Département, -l'emplacement stratégique de ce bâtiment, en plein milieu du bourg et au centre des places de l'Eglise et de la Croix, -la nécessité de préserver et sauvegarder les commerces du centre bourg, -l'intérêt général de ce projet dans son ensemble ". Aussi, la motivation de la commune qui ne précise pas la nature de l'opération pour la réalisation de laquelle le droit de préemption était exercé ne peut être regardée comme suffisante et ne répond pas aux exigences de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme. Par suite, la commune appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a retenu ce premier motif d'annulation.
8. En second lieu, si la délibération en litige mentionne la volonté communale de préserver et de sauvegarder les commerces du centre bourg, la commune appelante se borne à faire référence à des acquisitions foncières passées pour le maintien de commerces de la commune sans faire état d'un projet déterminé, ainsi qu'à des courriers auprès de l'Etat et de collectivités territoriales, dans le cadre de candidatures à différents programmes financiers et à des appels à projet, pour le renforcement du rôle centralisateur du bourg et de son attractivité. De telles considérations demeurent vagues et sont, en particulier, dépourvues de toute référence à un projet, même non précisément défini, concrétisant les ambitions de ladite commune en matière de maintien et de développement des activités commerciales dans ce secteur précis de la ville. La circonstance que la commune ait ponctuellement fait usage de son droit de préemption en 2021 dans le but de redynamiser certains commerces du centre-ville ne permet pas non plus de caractériser la nature du projet à la réalisation duquel la délibération en litige est censée contribuer. Par ailleurs, la commune ne peut utilement produire d'éléments postérieurs à la date de préemption en litige et notamment une convention d'opération de revitalisation de territoire conclue seulement le 18 août 2021, et un plan d'action afférent " Axe 1 : Affirmer le cœur du bourg comme la polarité majeure " qui énonce le projet au titre de l'année 2023 de " se saisir du potentiel de l'immeuble A... " pour " requalifier les espaces publics et le bâti ". Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune appelante justifie, à la date de la préemption contestée, d'un projet réel d'action relatif à l'immeuble en cause répondant aux exigences des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme. Dès lors, la commune de Saint-Amans-des-Côts n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a retenu ce second motif d'annulation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Amans-des-Côts n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la délibération du 11 janvier 2021 du conseil municipal portant exercice du droit de préemption urbain.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance la partie essentiellement perdante, la somme de 2 000 euros demandée par la commune appelante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la partie intimée.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100733 du 16 décembre 2022 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il annule le courrier du 13 janvier 2021 par lequel le maire de Saint-Amans-des-Côts a informé le tribunal judiciaire de Rodez de sa décision de se substituer à M. C..., adjudicataire.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation du courrier du 13 janvier 2021 du maire de Saint-Amans-des-Côts sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la commune de Saint-Amans-des-Côts et les conclusions présentées par M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Amans-des-Côts et à M. D... C....
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président de chambre,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.
Le président-assesseur,
X. HaïliLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de l'Aveyron, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 23TL00392