Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 25 octobre 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice lui a refusé l'octroi de la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er septembre 2018 et d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de lui verser la nouvelle bonification indiciaire ainsi que les sommes correspondantes, assorties des intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2018.
Par un jugement n°1907381 du 22 juin 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 août 2021 sous le n° 21BX03436 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL23436, et un mémoire en réplique, enregistré le 3 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Sulli, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 juin 2021 ;
2°) d'annuler la décision du 25 octobre 2019 du garde des sceaux, ministre de la justice, qui lui a refusé l'octroi de la nouvelle bonification indiciaire depuis le 1er septembre 2018 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser les nouvelles bonifications indiciaires lui étant dues rétroactivement depuis le 1er septembre 2018 assorties des intérêts au taux légal, et pour toute période postérieure au jugement à intervenir, au titre de son affectation en qualité d'éducatrice au sein de l'unité éducative d'hébergement diversifié renforcée Toulouse Mercadier et dire que la nouvelle bonification indiciaire attribuée à Mme B... ne sera pas inférieure à 20 points et sera revalorisée tel que de droit ;
4°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, dans un délai de deux mois à compter du prononcé de la décision à intervenir, et à compter du 3ème mois sous astreinte de 40 euros par jour de retard, de procéder au versement des nouvelles bonifications indiciaires ;
5°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête d'appel, qui comporte bien des moyens et conclusions, est recevable ;
- la décision du 25 octobre 2019 est entachée d'une erreur de droit en ce que l'unité éducative d'hébergement diversifié renforcée de Toulouse Mercadier accueille principalement des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville ce qui lui ouvre droit à la nouvelle bonification indiciaire ; ce n'était pas contesté en première instance et ce motif ne lui a pas été opposé dans la décision attaquée ; s'il est contesté en appel, elle peut se prévaloir du jugement n° 1705996 en date du 21 décembre 2018 comme élément de preuve ; contrairement à ce qui est soutenu en défense, ce jugement ne procède pas d'une erreur ;
- la décision du 25 octobre 2019 est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle entraîne une rupture d'égalité entre les agents exerçant au sein du même établissement de placement éducatif et entre les agents exerçant au sein de l'unité éducative d'hébergement diversifié renforcée de Toulouse Mercadier ; elle démontre bien être dans la même situation que l'agent ayant bénéficié de la nouvelle bonification indiciaire par l'effet de ce jugement devenu définitif ;
- la décision du 25 octobre 2019 est entachée d'une erreur de droit en ce que l'unité éducative d'hébergement diversifié renforcée de Toulouse Mercadier est couverte par un contrat local de sécurité ce qui lui ouvre droit à la nouvelle bonification indiciaire ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen soulevé dans son mémoire en réplique.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 février 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir, à titre principal, que la requête d'appel est irrecevable à défaut de comporter des moyens d'appel et, à titre subsidiaire, que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 mars 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 4 avril 2023.
Un mémoire en production de pièces présenté pour la requérante a été enregistré le 1er septembre 2023 et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°91-73 du 18 janvier 1991 ;
- le décret n°2001-1061 du 14 novembre 25001 ;
- l'arrêté du 14 novembre 2011 fixant les conditions d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret, présidente rapporteure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Santin substituant Me Sulli, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., a intégré la protection judiciaire de la jeunesse en tant qu'éducatrice stagiaire en septembre 2014. Elle a été titularisée en 2017 à l'unité éducative d'hébergement collectif (UEHC) de Collonges au Mont d'Or (Rhône). Elle a par la suite été mutée le 1er septembre 2018 à l'établissement de placement éducatif en tant qu'éducatrice titulaire. Elle exerce depuis lors à l'unité éducative d'hébergement diversifié renforcée (UEHDR) de Toulouse Mercadier. Mme B... a adressé à la direction interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse de Toulouse un courrier le 22 octobre 2019 demandant le versement rétroactif de la nouvelle bonification indiciaire, depuis le 1er septembre 2018. La directrice interrégionale sud de la protection judiciaire de la jeunesse a rejeté sa demande le 25 octobre 2019. Par un jugement du 22 juin 2021 dont la requérante relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :
2. La requête d'appel de Mme B... qui contient l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions, en critiquant la solution retenue par le tribunal, satisfait ainsi aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes du I de l'article 27 de la loi susvisée du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales : " La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires, instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulière dans des conditions fixées par décret ". Aux termes de l'article 1er du décret du 14 novembre 2001 relatif à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice : " Une nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville, prise en compte et soumise à cotisation pour le calcul de la pension de retraite, peut être versée mensuellement, dans la limite des crédits disponibles, aux fonctionnaires titulaires du ministère de la justice exerçant, dans le cadre de la politique de la ville, une des fonctions figurant en annexe au présent décret " parmi lesquelles figurent les " fonctions de catégories A, B ou C de la protection judiciaire de la jeunesse : / 1. En centre de placement immédiat, en centre éducatif renforcé ou en foyer accueillant principalement des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville ; / 2. En centre d'action éducative situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ; / 3. Intervenant dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité ".
4. En application de ces dispositions, un arrêté interministériel du même jour a fixé, pour chacune des fonctions susceptibles d'ouvrir droit à la nouvelle bonification indiciaire, le nombre d'emplois éligibles. Enfin, l'arrêté du 4 décembre 2001, fixant par département les emplois éligibles à la nouvelle bonification indiciaire, vise, pour le département de la Haute-Garonne, l'emploi d'éducateur. Il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire n'est pas lié au corps d'appartenance ou au grade des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, mais aux emplois qu'ils occupent, compte tenu de la nature des fonctions attachées à ces emplois.
5. Mme B... produit, pour la première fois en appel, plusieurs documents, notamment, un article de presse circonstancié, publié le 15 décembre 2001, indiquant que la commune de Toulouse a signé, le 14 octobre 1999, un contrat local de sécurité. Elle produit également un article de presse circonstancié sur la signature par la ville de Toulouse d'un contrat de sécurité intégrée dont l'objet est notamment, ainsi que le prévoit d'ailleurs la circulaire n° 6238-SG du 23 décembre 2020 relative à la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie nationale de prévention de la délinquance 2020-2024, d'actualiser et de compléter le contrat local de sécurité existant. Le ministre ne conteste pas en défense, le caractère probant de ces documents. Il ne ressort pas des pièces du dossier que " le ressort territorial d'un contrat local de sécurité " au sens du 3 de l'article 1er du décret du 14 novembre 2001 précité doive être restreint aux seuls quartiers prioritaires de la politique de la ville prévus au 1 dudit article.
6. Dans ces conditions, Mme B..., qui exerce à Toulouse, doit être regardée comme établissant qu'elle intervient dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité en cours d'exécution et qu'elle remplissait par conséquent l'une des conditions alternatives auxquelles les dispositions précitées du décret du 14 novembre 2001 et de son annexe subordonnent le versement de la nouvelle bonification indiciaire.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, la décision du 25 octobre 2019 par laquelle la directrice interrégionale Sud de la protection judiciaire de la jeunesse a rejeté, à compter du 1er septembre 2018, sa demande d'attribution d'une nouvelle bonification indiciaire doit être annulée.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
8. Eu égard au motif de cette annulation, il y a lieu d'enjoindre au ministre de la justice, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui attribuer la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er septembre 2018, et de lui verser, en conséquence, les sommes correspondantes assorties des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ni de statuer sur la période postérieure à la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
9. Enfin, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés pour l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1907381 du tribunal administratif de Toulouse en date du 22 juin 2021 est annulé.
Article 2 : La décision du 25 octobre 2019, par laquelle la directrice interrégionale Sud de la protection judiciaire de la jeunesse a rejeté la demande de Mme B... d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, d'attribuer à Mme B... la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er septembre 2018, et de lui verser, en conséquence, les sommes correspondantes assorties des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
M. Teulière, premier conseiller,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.
La présidente rapporteure,
A. Geslan-Demaret
Le premier conseiller le plus ancien,
T. Teulière
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°21TL23436 2