Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013.
Par un jugement n° 2001809 du 4 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2021 sous le n° 21MA04617 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL04617 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire enregistré le 13 juin 2022, M. B..., représenté par Me Frances, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure de vérification de comptabilité n'était pas applicable dès lors qu'il n'exerçait pas, à la date des ventes litigieuses et du début des opérations de contrôle, une activité pour laquelle la tenue d'une comptabilité était exigée ;
- il a été privé de débat oral et contradictoire ;
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- la procédure d'imposition est donc entachée d'irrégularités substantielles au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;
- le prix de revient des immeubles cédés doit prendre en compte deux factures de 49 000 euros et de 49 800 euros, écartées à tort par le service et le tribunal ;
- la doctrine référencée BOI-BIC-CHAMP-20-10-40 n° 100 prévoit que le prix de revient correspond au prix d'acquisition majoré éventuellement de toutes les charges et frais engagés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 3 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,
- et les observations de Me Guignard, substituant Me Frances, pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... fait appel du jugement du 4 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013, à l'issue de la vérification de son activité de marchand de biens.
Sur les conclusions en décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt (...) ". L'article L. 13 du même livre dispose que : " I. - Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que M. B... a exercé, en qualité d'entrepreneur individuel, une activité de marchand de biens qui avait été déclarée auprès des services fiscaux et immatriculée au registre du commerce et des sociétés à compter du 29 mars 2011. L'intéressé ne conteste pas que les ventes réalisées le 16 mai 2013 et le 16 juillet 2013, qui sont à l'origine des impositions contestées, relevaient de cette activité, pour laquelle il était astreint à la tenue d'une comptabilité. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration, alors même que la radiation de l'activité avait été prononcée le 30 octobre 2013 avec effet au 31 décembre 2012, antérieurement à l'intervention de ces ventes et à l'engagement des opérations de contrôle, le 15 avril 2016, a procédé à une vérification de comptabilité en application de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales.
4. En deuxième lieu, si les dispositions précitées de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux. Il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée. Ce débat oral et contradictoire ne peut en principe être conduit qu'avec le contribuable ou son représentant dûment mandaté. Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, conformément au I de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat.
5. Il résulte de l'instruction, notamment des mentions de la proposition de rectification du 6 juin 2016, que M. B... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui s'est déroulée du 14 au 28 avril 2016. Une première intervention a eu lieu le 14 avril 2016 au siège du cabinet comptable de M. B.... Par lettre du 15 avril 2016, ce dernier a expressément demandé que les opérations se déroulent dans les locaux de son comptable et une réunion de synthèse s'y est tenue, en sa présence, le 28 avril 2016. La proposition de rectification précise en outre que les raisons du refus de prise en compte des factures de charges présentées au cours des opérations de contrôle ont été évoquées lors de cette réunion. Dès lors que le contribuable ne démontre pas qu'à ces occasions le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues, le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.
7. La proposition de rectification adressée à M. B... le 6 juin 2016 comportait les mentions exigées par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Elle précisait notamment que les factures de charges présentées n'avaient pas été retenues au titre de l'année 2013 dès lors qu'il s'agissait de " factures adressées à un tiers, factures sans dates, factures de 2012 avec des travaux réalisés sur l'année 2012 uniquement ". Dans ces conditions, alors même que la proposition de rectification n'identifiait pas, pour chacun de ces motifs, les factures concernées et les prétendues considérations de droit correspondantes, distinctes du 1 de l'article 39 du code général des impôts visé, M. B... doit être regardé comme ayant été informé des motifs fondant les rectifications envisagées de manière suffisante pour lui permettre de présenter utilement ses observations. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ". Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'aucune erreur n'a été commise dans la procédure d'imposition, justifiant l'application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
9. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient (...) ". L'article 39 du même code dispose que : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...) ".
10. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.
11. Pour déterminer les résultats réalisés en 2013 par M. B... dans le cadre de son activité de marchand de biens, l'administration a retenu la différence entre, d'une part, les montants toutes taxes comprises des ventes d'immeubles opérées le 16 mai 2013 et le 16 juillet 2013, qu'elle a rapportés aux quotes-parts détenues par l'intéressé sur ces biens, d'autre part, le prix d'achat de ces immeubles, acquis respectivement le 24 mai 2012 et le 18 août 2010, majoré des frais de notaire correspondants et de deux factures de charges, admises à hauteur de 3 149 euros et de 3 024 euros. Si M. B... se prévaut de deux factures de 49 000 euros et de 49 800 euros, la première est dépourvue de date et la seconde est datée du 31 juillet 2012. Ces seules factures ne permettent donc pas d'établir que M. B... aurait réellement supporté, au cours de l'année d'imposition, des dépenses relatives à des travaux d'aménagement des deux immeubles revendus au cours de la même année et qui ne figuraient plus dans ses stocks le 31 décembre 2013. Il en est de même de la facture de 2 906,53 euros, qui est datée du 2 mars 2011, qui a été libellée au nom d'un tiers et qui ne comporte aucune référence aux immeubles revendus en 2013. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé de déduire des résultats imposables de M. B... les sommes correspondantes, qui ne sauraient être prises en compte, dans le cadre de la détermination d'un bénéfice industriel et commercial, au titre du coût de revient des immeubles en cause.
12. M. B... n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 100 de l'instruction référencée BOI-BIC-CHAMP-20-10-40, qui est relatif à la notion de prix de revient et qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21TL04617 2