Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel le préfet de l'Aude a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2205435 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2023, M. B..., représenté par la SCP Reche-Guille Meghabbar, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2022 par lequel le préfet de l'Aude a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la cour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sans délai et de saisir la commission du titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour, ce qui méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que, s'agissant de la demande en tant que salarié, elle est fondée sur les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- elles méconnaissent les lignes directrices posées par la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation ;
- le préfet de l'Aude a entaché ces décisions d'une erreur manifeste d'appréciation en n'usant pas de son pouvoir de régularisation.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, la base légale tirée du pouvoir discrétionnaire du préfet de régulariser ou non la situation d'un étranger devant être substituée à la base légale de l'arrêté du préfet de l'Aude selon laquelle M. B... ne remplit pas les conditions mentionnées par les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par ordonnance du 27 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barthez ;
- et les observations de Me Reche pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 4 février 1964 et qui indique être entré en France en 2002, a sollicité le 25 novembre 2021 la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 septembre 2022, le préfet de l'Aude a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du 22 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 septembre 2022.
2. Aux termes de l'article 9 de l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord dispose que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 5 (...) ".
3. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord.
4. En premier lieu, M. B... ne peut donc utilement se prévaloir des dispositions précédemment citées du second alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant la saisine de la commission du titre de séjour pour les étrangers résidant habituellement en France depuis plus de dix ans, ces dispositions n'étant pas applicables aux ressortissants marocains demandant la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié.
5. En deuxième lieu, ainsi que le soutient M. B..., le préfet de l'Aude ne pouvait légalement rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié qu'il avait présentée en se fondant sur la circonstance qu'il ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions du premier alinéa de l'article L. 435-1.
6. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
7. M. B... produit notamment des contrats de travail à durée indéterminée pour un emploi de boucher, des bulletins de salaires établissant qu'il a commencé à exercer d'un tel emploi dès l'année 2006 et des cartes professionnelles de la chambre de métiers et de l'artisanat du Gard pour les années 2006 à 2013. Toutefois, l'exercice effectif d'une telle activité pour les années postérieures n'est pas établi par les autres pièces du dossier, les autres bulletins de salaires produits ne concernant que la période à compter du 1er septembre 2020. Ainsi, eu égard au métier exercé et alors d'ailleurs que l'existence de difficultés de recrutement n'est ni établie ni alléguée, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet de l'Aude n'a pas fait usage de son pouvoir discrétionnaire en ne régularisant pas la situation de M. B... alors qu'il ne remplit pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
8. En troisième lieu, les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière constituent des orientations générales que le ministre a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation. Elles ne constituent donc pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces stipulations pour contester la légalité de la décision portant refus de titre de séjour contestée qui porte uniquement sur une demande en qualité de salarié.
10. S'agissant de la mesure d'éloignement, il ressort des pièces du dossier que M. B... réside sur le territoire français de manière habituelle depuis l'année 2004. Toutefois, il est constant qu'il est célibataire et sans enfant et que ses parents, ses trois frères et ses trois sœurs résident au Maroc où il a vécu, selon ses propres allégations, jusqu'à l'âge de trente-huit ans. M. B... se prévaut très brièvement d'une relation avec une compagne mais ni la nationalité ni le caractère régulier du séjour de celle-ci ne sont précisés et les pièces du dossier ne suffisent pas pour établir la réalité de la vie commune. Dans ces conditions, le préfet de l'Aude n'a pas porté au droit de M. B... au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision portant obligation de quitter le territoire français et, en tout état de cause, la décision portant refus de titre de séjour. Il n'a dès lors pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. En dernier lieu, eu égard aux circonstances de fait mentionnés aux points 7 et 10, l'arrêté contesté du préfet de l'Aude n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B.... Le moyen selon lequel le préfet de l'Aude aurait dû faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation doit donc être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président assesseur,
Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2023.
Le président-rapporteur,
A. Barthez
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
Le République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°23TL00209 2