Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2206921 du 6 février 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne en tant qu'il fixe le pays de renvoi, a mis à la charge de l'État une somme de 1 250 euros, à verser à Me Zennou, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 2 mars 2023, sous le n° 23TL00523, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 février 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il annule la décision fixant le pays de renvoi contenue dans l'arrêté du 18 novembre 2022 et met à la charge de l'État une somme de 1 250 euros à verser à Me Zennou, conseil de M. A..., sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 novembre 2022en tant qu'il fixe le pays à destination duquel l'intéressé est susceptible d'être éloigné.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le tribunal ne pouvait se fonder sur les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler la décision fixant le pays à destination duquel M. A... est susceptible d'être éloigné alors que les éléments produits par l'intéressé, qui ne présentent pas de caractère nouveau, n'ont pas convaincu l'Office français de protection des réfugiés apatrides, qui a rejeté sa demande d'asile par une décision d'irrecevabilité du 31 août 2022, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 10 janvier 2023.
Par deux courriers des 3 avril et 31 mai 2023, adressés par lettres recommandées avec accusé de réception, la requête a été communiquée aux deux adresses postales connues de M. A....
Le premier pli est revenu à la cour avec la mention " défaut d'accès ou d'adressage " et le second n'a pas été retiré par l'intéressé dans le délai d'instance qui n'a, dès lors, produit aucune observation.
Par un courrier du 3 avril 2023, la requête a également été communiquée à Me Zennou, conseil de M. A... dans le cadre de l'instance devant le tribunal administratif de Toulouse laquelle a, par un courrier électronique du 31 mai 2023, indiqué ne pas se constituer en l'absence de nouvelles de l'intéressé.
II. Par une requête, enregistrée le 2 mars 2023, sous le n° 23TL00524, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2206921 rendu par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse le 6 février 2023.
Il soutient que la requête par laquelle il a saisi la cour comporte un moyen sérieux de nature à justifier, en l'état de l'instruction, outre l'annulation du jugement litigieux, le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées à l'appui de la demande soumise au tribunal.
Par deux courriers, adressés par lettres recommandées avec accusé de réception, des 3 avril et 31 mai 2023, la requête a été communiquée aux deux adresses postales connues de M. A....
Le premier pli est revenu à la cour avec la mention " défaut d'accès ou d'adressage " et le second n'a pas été retiré par l'intéressé dans le délai d'instance qui n'a, dès lors, produit aucune observation.
Par un courrier du 3 avril 2023, la requête a également été communiquée à Me Zennou, conseil de M. A... dans le cadre de l'instance devant le tribunal administratif de Toulouse laquelle a, par un courrier électronique du 31 mai 2023, a indiqué ne pas se constituer en l'absence de nouvelles de l'intéressé.
Vu les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 1er janvier 1998, déclare être entré en France le 17 février 2021. Le 22 février 2021, il a présenté une demande d'asile. Par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 novembre 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 8 juillet 2022, cette demande a été rejetée. Le 19 août 2022, l'intéressé a sollicité le réexamen de sa demande d'asile. Par une décision du 31 août 2022, confirmée par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile du 10 janvier 2023, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté cette demande de réexamen comme irrecevable. Par un arrêté du 18 novembre 2022, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Sous le n° 23TL00523, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 6 février 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision en tant qu'elle fixe la Guinée comme pays à destination duquel l'intéressé est susceptible d'être éloigné et met à la charge de l'État une somme de 1 250 euros, à verser à Me Zennou, conseil de M. A..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Sous le n° 23TL00524, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes précitées n° 23TL00523 et n° 23TL00524 sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 23TL00523 :
3. Pour annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 du préfet de la Haute-Garonne en tant qu'il désigne la Guinée comme pays à destination duquel l'intimé est susceptible d'être éloigné, le magistrat désigné par la présidente du tribunal s'est fondé sur la circonstance qu'en dépit du rejet de sa demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 novembre 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 8 juillet 2022, M. A... a produit de nouveaux éléments devant le tribunal, notamment l'ordonnance d'un juge d'instruction du 24 novembre 2020 le plaçant sous contrôle judiciaire pour des faits de troubles à l'ordre public et d'attroupement délictuel ainsi qu'une convocation du commandant de l'escadron de gendarmerie de Samatran du 19 mai 2022 pour des faits de troubles à l'ordre public. Selon le jugement attaqué, si ces éléments n'ont pas permis de réserver une suite favorable à la demande de réexamen de sa demande d'asile, laquelle a donné lieu à une décision d'irrecevabilité de l'Office du 31 août 2022, ces éléments personnalisés ainsi que le récit crédible présenté à l'audience sont de nature à corroborer les allégations de M. A... selon lesquelles il fait l'objet d'un ciblage de la part des autorités politiques de son pays et, par suite, à le faire regarder comme encourant des risques personnels et actuels de persécutions en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son engagement politique.
4. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispositions dont M. A... doit être regardé comme se prévalant de la méconnaissance en lieu et place de celles de l'article L. 513-2 du même code : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français de s'assurer, sous le contrôle du juge, en application de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si elle est en droit de prendre en considération, à cet effet, les décisions qu'ont prises, le cas échéant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile saisis par l'étranger de demandes de titre de réfugié politique, l'examen par ces dernières instances, au regard des conditions mises à la reconnaissance du statut de réfugié par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967, des faits allégués par le demandeur d'un tel statut et des craintes qu'il énonce, et l'appréciation portée sur eux, en vue de l'application de ces conventions, ne lient pas l'autorité administrative et sont sans incidence sur l'obligation qui est la sienne de vérifier, au vu du dossier dont elle dispose, que les mesures qu'elle prend ne méconnaissent pas les dispositions précitées de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. À l'appui de ses allégations selon lesquelles il serait exposé à des risques en cas de retour en Guinée en raison de son appartenance à l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), M. A... produit une convocation du commandant de l'escadron de gendarmerie de Samatran du 20 septembre 2020 pour des faits de troubles à l'ordre public ainsi que l'ordonnance d'un juge d'instruction près le tribunal de première instance de Dubréka du 24 novembre 2020 le plaçant sous contrôle judiciaire pour des faits de troubles à l'ordre public et d'attroupement délictuel. Ces éléments, qui présentent un caractère ancien et général et n'ont été, au demeurant, portés à la connaissance des autorités en charge de l'asile que dans le cadre du réexamen de sa demande d'asile, bien qu'ils préexistaient à celle-ci, ne sont toutefois pas de nature à établir de manière précise et circonstanciée ni la nature des risques personnellement encourus par l'intéressé cas d'éloignement vers la Guinée ni leur actualité à la date de la décision en litige alors, d'une part, que la provenance de ces documents et les circonstances dans lesquelles l'intéressé en a été rendu destinataire ne sont pas établies et, d'autre part, que ce dernier n'apporte aucune explication solide permettant de justifier les raisons pour lesquelles il n'était pas en mesure d'en faire état auprès des autorités en charge de l'asile et des services préfectoraux. Dès lors, en fixant la Guinée comme pays à destination duquel M. A... est susceptible d'être éloigné, le préfet de la Haute-Garonne n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, contrairement à ce qu'a estimé le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse.
7. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, il y a lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 18 novembre 2022 en tant qu'il fixe la Guinée comme pays de destination et mis à la charge de l'État une somme de 1 250 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dès lors, la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse doit être rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision du 18 novembre 2022 fixant la Guinée comme pays de renvoi. Il en est de même, par voie de conséquence, des conclusions présentées par l'intéressé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur la requête n° 23TL00524 :
9. Dès lors qu'il est statué, par le présent arrêt, sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 2206921 du 6 février 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions du préfet de la Haute-Garonne tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet.
DÉCIDE:
Article 1 : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2206921 du 6 février 2023 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision fixant la Guinée comme pays de renvoi contenue dans l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 18 novembre 2022 et au versement d'une somme de 2 000 euros à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée dans le cadre de la requête n° 23TL00524.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Zennou.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 23TL00523 - 23TL00524