Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Le Papier a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la délibération du 30 septembre 2019 par laquelle le conseil municipal de Cadenet a approuvé le plan local d'urbanisme, ainsi que de la décision implicite par laquelle le maire de cette commune a rejeté son recours gracieux du 30 novembre 2021.
Par un jugement n° 2001556 rendu le 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la société Le Papier et a mis à sa charge une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 février 2022 sous le n° 22MA00730 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00730 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire enregistré le 3 avril 2023, la société civile immobilière Le Papier, représentée par Me Loiseau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2021 ;
2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Cadenet du 30 septembre 2019 et la décision implicite par laquelle le maire a rejeté son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cadenet le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de Cadenet n'a pas mis en œuvre les modalités de concertation définies par les délibérations des 28 février 2011 et 21 mai 2012 ;
- le conseil municipal n'a pas véritablement tiré le bilan de la concertation ; le bilan présenté à l'assemblée communale n'indique notamment pas que son gérant s'était manifesté auprès du maire pendant la phase de concertation en 2015 ;
- le rapport et les conclusions de la commissaire enquêtrice méconnaissent l'article R. 123-19 du code de l'environnement ; la commissaire enquêtrice n'a notamment pas émis un avis personnel sur la situation de sa propriété ;
- le règlement écrit applicable à sa propriété classée en zone agricole est incohérent avec le rapport de présentation, le projet d'aménagement et de développement durables et le document graphique dès lors qu'il ne permet pas le changement de destination vers l'hôtellerie ;
- le règlement de la zone A opère une distinction injustifiée entre les habitations et l'hôtellerie s'agissant de la possibilité de construire des annexes et notamment des piscines ; il impose en outre une limitation excessive de la superficie cumulée des annexes ;
- la commune a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de créer un secteur de taille et de capacité d'accueil limités sur sa propriété ;
- le classement du bâtiment situé sur la parcelle AI n° 210 en zone agricole Ap est incohérent et procède d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2022, la commune de Cadenet, représentée par Me Légier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société appelante une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 31 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique ;
- et les observations de Me Légier, représentant la commune de Cadenet.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 28 février 2011, le conseil municipal de Cadenet (Vaucluse) a prescrit l'élaboration d'un plan local d'urbanisme pour remplacer le plan d'occupation des sols régissant alors le territoire communal. Par une délibération du 21 mai 2012, la même assemblée a modifié les modalités de concertation définies le 28 février 2011. Le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables s'est tenu le 19 février 2018, le projet de plan local d'urbanisme arrêté le 15 octobre 2018 a été soumis à enquête publique du 25 avril au 29 mai 2019 et, par une délibération du 30 septembre 2019, le conseil municipal a approuvé le plan local d'urbanisme. Par la présente requête, la société Le Papier relève appel du jugement du 30 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 30 septembre 2019 ainsi que de la décision implicite par laquelle le maire de Cadenet a rejeté son recours gracieux du 30 novembre 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur, dont les dispositions sont désormais reprises aux L. 103-2 et suivants du même code : " I - Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : / a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; / (...) / Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. / (...) ".
3. Il a été indiqué au point 1 du présent arrêt que, par la délibération du 21 mai 2012, le conseil municipal de Cadenet avait modifié les modalités de concertation initialement fixées par la délibération du 28 février 2011. La société appelante n'apporte devant la cour aucun argument nouveau au soutien de son moyen selon lequel les modalités de concertation ainsi redéfinies n'auraient pas été respectées. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif aux points 3 et 4 de son jugement.
4. En deuxième lieu, selon l'article L. 103-6 du code de l'urbanisme : " A l'issue de la concertation, l'autorité mentionnée à l'article L. 103-3 en arrête le bilan. / Lorsque le projet fait l'objet d'une enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le bilan de la concertation est joint au dossier de l'enquête. ".
5. Il ressort des termes mêmes de la délibération du 15 octobre 2018 que le conseil municipal de Cadenet a tiré le bilan de la concertation menée de 2012 à 2018 avant d'arrêter le projet de plan local d'urbanisme. La délibération en cause rappelle les modalités de concertation mises en œuvre et la nature des pièces mises à disposition de la population. Elle indique les principaux thèmes abordés par les observations du public et évoque notamment les remarques portant sur le secteur des Ferrages et les possibilités de construction en zone agricole. Elle précise en outre que les demandes personnelles présentées par les habitants ont été analysées au regard de leur cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables et avec le plan de prévention des risques naturels d'inondation du bassin versant de la Durance applicable sur le territoire communal. La circonstance que le bilan de la concertation ne mentionne pas de manière spécifique le projet présenté par la société requérante lors de la rencontre tenue entre le maire et son gérant le 20 février 2015 n'est pas de nature à affecter la régularité de ce bilan. Il en résulte que le moyen tiré de l'insuffisance du bilan de la concertation doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 123-15 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rend son rapport et ses conclusions motivées dans un délai de trente jours à compter de la fin de l'enquête. (...) / Le rapport doit faire état des observations et propositions qui ont été produites pendant la durée de l'enquête ainsi que des réponses éventuelles du maître d'ouvrage. / (...) ". Selon l'article R. 123-19 du même code : " Le commissaire enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies./ Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur (...) consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. / (...) ". Si le commissaire enquêteur n'est pas tenu de répondre à chacune des observations présentées au cours de l'enquête publique, il doit indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons déterminant le sens de cet avis.
7. Il ressort des pièces du dossier que la commissaire enquêtrice chargée de l'enquête publique relative au plan local d'urbanisme de la commune de Cadenet a rendu son rapport et ses conclusions le 28 juin 2019 en émettant un avis favorable sur le projet. Si la société Le Papier reproche à la commissaire enquêtrice de n'avoir pas pris en considération de manière appropriée les observations qu'elle a présentées lors de l'enquête publique, l'analyse du rapport d'enquête permet toutefois de constater que la commissaire enquêtrice a relaté la visite du gérant de la société requérante lors de la permanence organisée le 29 mai 2019 et qu'elle a synthétisé d'une manière adaptée et fidèle le contenu du courrier remis par l'intéressé, sollicitant la création d'un secteur de taille et de capacité d'accueil limités sur sa propriété située au lieu-dit " Le Papier " pour la mise en place d'un projet hôtelier. Il ressort de cette même analyse que la situation de la propriété de la société Le Papier a conduit la commissaire enquêtrice à poser une question au maire dans son procès-verbal de synthèse et que le maire a apporté une réponse à cette question par une lettre du 17 juin 2019, laquelle rappelle au demeurant la rencontre tenue avec la société pendant la phase de concertation. La commissaire enquêtrice n'était pas tenue de répondre de manière spécifique à la demande de la société requérante et s'est prononcée sur la catégorie de remarques à laquelle se rattachait cette demande en soulignant que le zonage déterminé par le projet de plan répondait à l'objectif de consommation modérée de l'espace agricole et qu'il n'était pas aisément modifiable pour satisfaire les demandes personnelles du public. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du rapport d'enquête doit être écarté et la société Le Papier n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée des garanties attachées à l'enquête publique.
En ce qui concerne la légalité interne :
8. En premier lieu, selon l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme, applicable lors de l'approbation du plan local d'urbanisme en litige, dont les dispositions reprennent celles de l'article R. 123-12 du même code antérieurement en vigueur : " I.-Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières, le règlement peut : / (...) / 2° Désigner, en dehors des secteurs mentionnés à l'article L. 151-13, les bâtiments qui peuvent faire l'objet d'un changement de destination, dès lors que ce changement de destination ne compromet pas l'activité agricole ou la qualité paysagère du site. (...) ". Selon l'article R. 123-7 du même code en vigueur jusqu'au 1er janvier 2016, lequel est resté applicable au plan local d'urbanisme en litige par application du VI de l'article 12 du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 susvisé : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". / Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. / (...) ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation ne peut être censurée par le juge qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
9. Il ressort des pièces du dossier que la société Le Papier est propriétaire de plusieurs parcelles situées au lieu-dit " Le Papier ", au nombre desquelles les parcelles cadastrées section AH nos 41 et 132 et section AI n° 210. Deux bâtiments anciens se situent sur la première de ces parcelles, laquelle a été classée par le plan local d'urbanisme en zone agricole A, tout comme la parcelle non bâtie AH n° 132. La troisième de ces parcelles supporte un autre bâtiment et a été rattachée au secteur agricole paysager Ap. Le règlement du plan local d'urbanisme a par ailleurs identifié le bâtiment principal implanté sur la parcelle AH n° 41 au titre des dispositions de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme en permettant son changement de destination vers l'usage d'habitation et/ou l'usage d'hôtellerie/restauration, sous réserve de ne compromettre ni l'activité agricole ni la qualité paysagère du site. La société requérante précise qu'elle souhaite rénover et valoriser sa propriété en la transformant en structure d'hébergement hôtelier.
10. Selon l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone agricole, seules sont autorisées au sein de cette zone, outre les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole et les constructions et installations nécessaires aux services publics, d'une part, " l'extension en contiguïté limitée à 30 % de la surface de plancher des bâtiments d'habitation dont la surface de plancher initiale est d'au moins 70 m2, sans création de logement, dès lors que cette extension ne compromet pas l'activité agricole environnante ou la qualité paysagère du site et qu'elle n'a pas pour effet de porter la surface de plancher à plus de 150 m2 " et, d'autre part, " les annexes (garages, abris de jardin, pool house, piscine, etc) des constructions à usage d'habitation sont autorisées et peuvent représenter jusqu'à deux unités (hors piscine) sur une même propriété d'une superficie maximum de 20 m2 chacune. Dans le cas des piscines, l'emprise au sol ne devra pas excéder 80 m2, plage comprise. ".
11. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles de la société Le Papier se situent au pied du village historique de Cadenet et au sein de la plaine agricole de la Durance et qu'elles sont entourées par de vastes étendues cultivées. Il ressort en outre des objectifs 4.1 et 6.2 du projet d'aménagement et de développement durables que les auteurs du plan local d'urbanisme souhaitent accompagner les évolutions de l'activité agricole en évitant notamment le mitage de l'espace agricole et assurer la protection des terres revêtant un potentiel pour l'agriculture, en particulier la plaine de la Durance. Ils entendent par ailleurs, aux termes de l'objectif 5.1 de ce même projet, préserver la silhouette du village en protégeant les paysages et les vues les plus remarquables sur le château et sur la plaine. La commune de Cadenet souhaite également promouvoir, aux termes des objectifs 4.3 et 5.3 du même projet, le développement de l'activité touristique et la mise en valeur du patrimoine bâti et naturel de son territoire, ce qui se traduit notamment, au titre de l'objectif 5.3, par la possibilité de permettre l'évolution de certains bâtiments situés en zone agricole et présentant un intérêt architectural ou patrimonial.
12. En identifiant au titre de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme le bâtiment principal de la société Le Papier ainsi qu'un autre bâtiment implanté au lieu-dit " Malconseil " sur les coteaux du Luberon et en autorisant le changement de destination de ces constructions pour un usage d'hôtellerie/restauration, la commune de Cadenet a adopté des dispositions de nature à contribuer à la réalisation des objectifs mentionnés au point précédent en matière de promotion du tourisme et du patrimoine. Il résulte toutefois des prescriptions de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme, telles qu'énoncées au point 10 du présent arrêt, que seules les constructions à destination d'habitation ouvrent la possibilité de réaliser des annexes et en particulier des piscines, alors que cette possibilité n'est pas prévue pour les bâtiments relevant de la destination " hébergement hôtelier ". La distinction ainsi opérée par le règlement applicable à la zone agricole entre les habitations et les constructions à vocation hôtelière n'est pas justifiée par les objectifs de protection de l'agriculture et du paysage poursuivis par les auteurs du plan local d'urbanisme et n'apparaît pas cohérente avec les objectifs de promotion du tourisme et du patrimoine ayant motivé l'identification des bâtiments au titre de l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que le règlement régissant la zone A est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il n'autorise pas, sous conditions, la réalisation d'annexes aux bâtiments à usage d'hébergement hôtelier.
13. En revanche, les limitations imposées par le même article A2 du règlement pour la réalisation des annexes dans la zone agricole, à savoir un maximum de deux annexes hors piscines d'une surface de 20 m2 chacune, auxquelles peut s'ajouter une piscine d'une emprise au sol de 80 m2 plage comprise, ne présentent pas un caractère manifestement excessif au regard notamment des enjeux liés à la protection de l'activité agricole et à la préservation du paysage retenus dans le projet d'aménagement et de développement durables. Par conséquent, le moyen invoqué par la société appelante à l'encontre du règlement sur ce point doit être écarté.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut, à titre exceptionnel, délimiter dans les zones naturelles, agricoles ou forestières des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels peuvent être autorisés : / 1° Des constructions ; / 2° Des aires d'accueil et des terrains familiaux locatifs destinés à l'habitat des gens du voyage au sens de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ; / 3° Des résidences démontables constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs. / (...) / Leur caractère exceptionnel s'apprécie, entre autres critères, en fonction des caractéristiques du territoire, du type d'urbanisation du secteur, de la distance entre les constructions ou de la desserte par les réseaux ou par les équipements collectifs. ".
15. Il ressort des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme en litige a créé deux secteurs de taille et de capacité d'accueil limités dans la zone agricole, recouvrant des périmètres restreints autour de structures d'hébergement ou de restauration existantes dont les activités justifient des évolutions immobilières. Si la société Le Papier aurait souhaité qu'un tel secteur soit également mis en place sur sa propriété conformément au projet présenté lors de l'enquête publique, il est constant que ses parcelles ne supportent aucune activité existante et qu'elles ne sont dès lors pas dans une situation comparable à celles ayant bénéficié d'un tel zonage. Il n'est par ailleurs pas établi que le changement de destination de la propriété vers la destination hôtelière ne serait pas réalisable dans le cadre posé par le règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone agricole. Par suite et en tout état de cause, le conseil municipal de Cadenet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de mettre en place un secteur de taille et de capacité d'accueil limités sur les terrains appartenant à la société requérante.
16. En troisième lieu, les auteurs du plan local d'urbanisme ont créé un secteur agricole paysager Ap sur la partie de la plaine agricole située entre la route départementale n° 973 et le village historique de Cadenet. Le rapport de présentation mentionne que l'instauration de ce secteur au sein de la zone agricole est justifiée par la volonté de préserver les vues remarquables sur et depuis le village et son château en cohérence avec les objectifs paysagers contenus dans le projet d'aménagement et de développement durables, tels qu'ils ont été rappelés au point 11 du présent arrêt, ainsi qu'avec la charte du Parc naturel régional du Luberon, laquelle a identifié un point de vue panoramique et un point d'appel visuel majeur à cet endroit. Il ressort des photographies incluses dans le rapport de présentation que la propriété de la société Le Papier, implantée dans la plaine agricole au pied du village historique de Cadenet, se trouve dans les cônes de vue identifiés par les auteurs du plan et de la charte précitée, sans que les bâtiments ne soient significativement masqués par la végétation existante. Dès lors et sans qu'importe le fait que la propriété n'est pas située dans le rayon de protection de 500 mètres autour d'un monument historique, le classement de la parcelle AI n° 210 au sein du secteur Ap ne peut être regardé comme procédant d'une erreur manifeste d'appréciation. La circonstance que les autres parcelles de la société Le Papier ont été maintenues en zone agricole A sans être intégrées à ce secteur Ap n'est pas de nature à révéler par elle-même une telle erreur, alors au surplus que le bâtiment implanté sur la parcelle AI n° 210 ne constitue pas une entité immobilière unique avec les deux autres bâtiments dont il est séparé par un chemin. Enfin, la société requérante n'établit pas que le zonage Ap retenu pour ce terrain y empêcherait toute évolution du bâti, alors que la règlementation applicable dans ce secteur ne diffère d'ailleurs de celle régissant le reste de la zone A que par l'interdiction d'y implanter un nouveau siège d'exploitation agricole.
17. Il résulte de tout ce qui précède que la société Le Papier est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 30 décembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande en tant que le règlement du plan local d'urbanisme n'autorise pas la réalisation d'annexes aux bâtiments d'hébergement hôtelier dans la zone agricole.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cadenet, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme réclamée par la société appelante au titre des frais non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par la commune sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La délibération du conseil municipal de Cadenet du 30 septembre 2019, ainsi que la décision du maire de cette commune rejetant implicitement le recours gracieux de la société Le Papier, sont annulées en tant que le règlement du plan local d'urbanisme n'autorise pas la réalisation d'annexes aux bâtiments d'hébergement hôtelier dans la zone agricole.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 2001556 du 30 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société requérante est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Cadenet sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Le Papier et à la commune de Cadenet.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse et à la commissaire enquêtrice.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22TL00730