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17/09/2024 | FRANCE | N°23TL01728

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 17 septembre 2024, 23TL01728


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 juin 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2204685 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
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Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2023 et le 5 avril 2024, M. A..., représenté p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 juin 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2204685 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 13 juillet 2023 et le 5 avril 2024, M. A..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 décembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 juin 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dès la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur le moyen commun aux décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

-elles sont entachées d'incompétence de leur auteur en ce que la délégation du signataire est trop générale ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle n'a pas été précédée de la saisine de la commission du titre de séjour alors qu'il réside en France depuis plus de dix ans ;

- elle méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juillet 2024, à 12 heures.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 7 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian né le 25 mai 1980, déclare être entré en France le 29 novembre 2008. Sa demande d'asile ayant été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 décembre 2009, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 novembre 2010, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement édictée par le préfet de l'Hérault le 20 décembre 2010. À la suite du rejet de la demande de réexamen de sa demande d'asile par une décision de l'Office du 24 septembre 2013, le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français par un nouvel arrêté du 25 octobre 2013, le recours en annulation formé contre cette décision ayant été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 14MA02785 du 8 octobre 2015. Par la suite, M. A... a séjourné sous couvert de titres de séjour délivrés pour raisons de santé valables du 13 juin 2018 au 12 juin 2019, et du 13 juin 2019 au 12 juin 2021, dont il a sollicité le renouvellement le 15 avril 2021. Par un arrêté du 28 juin 2022, le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 2 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :

2. Les décisions en litige ont été signées par M. Thierry Laurent, secrétaire général de la préfecture, lequel disposait, en vertu d'un arrêté du 9 mars 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 10 mars 2022, d'une délégation de signature du préfet de l'Hérault à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de l'État dans le département de l'Hérault ", cette délégation comprenant " la signature de tous les actes administratifs et correspondances relatifs au séjour et à la police des étrangers ". Les décisions prises en matière de police des étrangers étant explicitement incluses dans cette délégation de signature laquelle, compte tenu des exceptions qu'elle prévoit, n'est pas d'une portée trop générale, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions en litige manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ".

4. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

5. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

6. Par son avis du 8 novembre 2021, dont l'autorité préfectorale pouvait s'approprier les termes pour fonder sa propre appréciation sans s'estimer pour autant en situation de compétence liée, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour remettre en cause cet avis, l'appelant a versé au dossier les éléments relatifs à son état de santé, en particulier des certificats médicaux, qui permettent à la cour d'apprécier sa situation, sans qu'il soit besoin de solliciter la communication de l'intégralité du rapport médical au vu duquel s'est prononcé ce collège.

7. Sur ce point, il ressort des pièces du dossier, sur lesquelles l'intéressé a accepté de lever le secret médical, que M. A... souffre de troubles psychotiques de type psycho-affectif, dans un contexte de consommation de toxiques pour lesquels il a bénéficié d'une prise en charge spécialisée à partir de l'année 2012. Si l'appelant soutient qu'un défaut de prise en charge médicale l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier de l'expertise psychiatrique établie le 16 août 2022, que ses troubles sont actuellement stabilisés, l'auteur du rapport se bornant à mentionner qu'un retour est contre-indiqué au regard de l'état de santé du patient, sans préciser toutefois les conséquences qui pourraient s'attacher à l'absence de prise en charge médicale. Si le certificat médical établi le 22 août 2022 indique que M. A... bénéficie d'un traitement antipsychotique régulier et qu'un éloignement l'exposerait à des complications psychiatriques suicidaires, ce certificat, rédigé en des termes généraux, ne comporte aucun élément circonstancié de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel l'absence de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault, qui n'était pas tenu d'examiner l'existence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé, ce qui rend l'argumentation de l'appelant sur l'absence de disponibilité d'un traitement au Nigeria inopérante, n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer le titre de séjour sollicité.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423- 22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

9. M. A..., qui se présente comme célibataire et sans charges de famille, vit en France de manière précaire et isolée. S'il se prévaut de sa présence en France depuis l'année 2008, de son insertion socio-professionnelle au cours des seules années 2019 et 2020 et de l'impossibilité de mener une vie privée normale au Nigéria en raison de son orientation sexuelle, ces éléments ne sont pas de nature à établir l'intensité et l'ancienneté de ses liens en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine qu'il a quitté à l'âge de 28 ans et dans lequel il conserve de fortes attaches familiales dès lors que sa mère et ses sept frères et sœurs y séjournent. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé en France, le préfet de l'Hérault n'a pas, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 7 et 9, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelant.

11. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1 ° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-23 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Selon l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État ".

12. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels ces dispositions renvoient.

13. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Il est toutefois loisible au préfet d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre de séjour sur le fondement d'une autre disposition du code. Il lui est aussi possible, exerçant le pouvoir discrétionnaire qui lui appartient dès lors qu'aucune disposition expresse ne le lui interdit, de régulariser la situation d'un étranger en lui délivrant un titre de séjour, compte tenu de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle.

14. Il ne ressort des pièces du dossier ni que M. A... aurait sollicité son admission exceptionnelle au séjour, l'intéressé s'étant seulement vu remettre une attestation de demande de titre de séjour pour soins datée du 15 juillet 2021 ni que l'autorité préfectorale aurait d'office examiné son droit au séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, par leur manque de diversité, en ce qu'elles sont majoritairement en lien avec son suivi médical, et dès lors qu'elles ne comportent notamment pas de quittances de loyer ou de factures d'énergie, les pièces produites par M. A... ne sont pas de nature à attester de manière probante sa présence continue en France depuis plus de dix ans, à supposer l'autorité préfectorale saisie d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par suite, dès lors que M. A... ne justifie pas d'une résidence habituelle de dix ans en France et qu'il ne remplissait pas, ainsi qu'il a été dit au point 9, les conditions de délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le vice de procédure allégué doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

15. En premier lieu, si ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, en vertu du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger " résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ", il résulte de ce qui a été dit au point 7 que l'état de santé de M. A..., qui nécessite une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine, ne fait pas obstacle au prononcé d'une obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit ainsi être écarté.

16. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation qu'emporte la décision en litige sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 9 et 10.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

17. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français de s'assurer, sous le contrôle du juge, en application de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si elle est en droit de prendre en considération, à cet effet, les décisions qu'ont prises, le cas échéant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile saisis par l'étranger de demandes de titre de réfugié politique, l'examen par ces dernières instances, au regard des conditions mises à la reconnaissance du statut de réfugié par la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967, des faits allégués par le demandeur d'un tel statut et des craintes qu'il énonce, et l'appréciation portée sur eux, en vue de l'application de ces conventions, ne lient pas l'autorité administrative et sont sans incidence sur l'obligation qui est la sienne de vérifier, au vu du dossier dont elle dispose, que les mesures qu'elle prend ne méconnaissent pas les dispositions précitées de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

18. M. A... soutient qu'il serait exposé à des risques de violences et d'incarcération en cas de retour au Nigéria en raison de son orientation sexuelle. Il produit, à l'appui de ses allégations, une attestation de l'association Lesbian and Gay Pride Montpellier Languedoc Roussillon du 26 juin 2013 faisant état de la répression dont font l'objet les personnes LGBT au Nigéria, d'un rapport de police du 10 janvier 2013 et d'un courrier établi par un cabinet d'avocats basé à Benin City mentionnant qu'il est recherché dans son pays pour avoir commis, le 6 janvier 2005, des " faits d'offense " en raison d'une relation homosexuelle et, enfin, un article issu du site " TV5 Monde " relatif à la situation des homosexuels en Afrique. Ces éléments anciens, qui présentent un caractère général et préexistaient pour la plupart à la demande d'asile présentée par M. A..., ne sont toutefois de nature à établir de manière précise et circonstanciée ni les risques personnellement encourus par l'intéressé en cas d'éloignement vers le Nigéria ni leur actualité à la date de la décision en litige. Au demeurant, tant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, à deux reprises, que la Cour nationale du droit d'asile ont estimé que l'appelant ne pouvait obtenir la qualité de réfugié. Dans ces conditions, en fixant le Nigéria comme pays à destination duquel M. A... est susceptible d'être éloigné, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. En second lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'emporte la décision en litige sur la situation personnelle de l'appelant doit être écarté pour les motifs précédemment exposés.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2024.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01728


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01728
Date de la décision : 17/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-17;23tl01728 ?
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