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03/10/2024 | FRANCE | N°23TL00866

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 03 octobre 2024, 23TL00866


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 mars 2020 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande d'admission au séjour en qualité de parent d'un enfant malade.



Par un jugement n° 2100904 rendu le 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 14 avril 2023, M. B... D...

, représenté par Me Mazas, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du 15 décembre 2022 ;



2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 mars 2020 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande d'admission au séjour en qualité de parent d'un enfant malade.

Par un jugement n° 2100904 rendu le 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 avril 2023, M. B... D..., représenté par Me Mazas, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 5 mars 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour " parent d'enfant malade " ou, au moins, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation dans le délai de huit jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant des réponses apportées aux moyens de sa demande tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté préfectoral et de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de la pathologie génétique dont est atteinte sa fille mineure C... ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et sur la situation de sa fille C... ;

- il porte atteinte à l'intérêt supérieur de celle-ci en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 5 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 février 2024.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 8 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jazeron, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant géorgien, né le 15 avril 1991 à Senak (Géorgie), est entré sur le territoire français le 5 novembre 2018 avec sa compagne et leurs deux filles mineures A..., née le 24 avril 2013, et C..., née le 18 juillet 2014. Les parents ont sollicité l'asile le 3 décembre 2018, mais leurs demandes ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 16 mai 2019. Par deux arrêtés pris le 25 juillet 2019, le préfet de l'Hérault les a obligés à quitter le territoire français et les a interdits de retour sur ce territoire pour une période de quatre mois. Par ordonnances du 28 octobre 2019, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté les recours introduits par les intéressés contre les décisions susmentionnées de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. La famille s'est maintenue sur le territoire national et M. D... a déposé le 19 novembre 2019 une demande d'admission au séjour en se prévalant de la qualité de parent d'un enfant malade. Par un arrêté du 5 mars 2020, le préfet de l'Hérault a rejeté cette demande d'admission au séjour. Par la présente requête, M. D... relève appel du jugement rendu le 15 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral.

Sur la régularité du jugement :

2. L'article L. 9 du code de justice administrative dispose que : " Les jugements sont motivés ". En l'espèce, il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Montpellier a mentionné avec une précision suffisante, au point 2, les motifs pour lesquels il n'a pas accueilli le moyen soulevé par le requérant tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige et, au point 7, les raisons l'ayant conduit à écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Dans ces conditions, le jugement attaqué n'est pas entaché d'insuffisance de motivation sur ces deux points.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, l'arrêté en litige vise les dispositions et stipulations dont le préfet de l'Hérault a fait application et mentionne les circonstances de fait sur lesquelles il s'est fondé pour rejeter la demande d'admission au séjour présentée par M. D.... Il se réfère notamment à l'avis défavorable rendu le 2 mars 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration saisi de l'état de santé de la jeune C... et le requérant ne soutient pas avoir porté à la connaissance des services préfectoraux des éléments médicaux qui n'auraient pas été pris en compte. La seule circonstance que l'arrêté ne vise pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'est par ailleurs pas de nature à révéler par elle-même une absence d'examen de l'intérêt supérieur de l'enfant. Par conséquent, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.

4. En deuxième lieu, selon l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. (...). ". Selon l'article L. 313-11 du même code auquel il est ainsi renvoyé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ".

5. Il ressort des pièces de la procédure que le requérant a lui-même produit, à l'appui de sa demande de première instance, l'avis rendu le 2 mars 2020 par le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur l'état de santé de la jeune C.... L'appelant ne peut donc sérieusement soutenir à nouveau que l'arrêté en litige serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de recueil de cet avis.

6. En troisième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour à l'étranger. Dans cette hypothèse, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'intéressé et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié en cas de retour dans le pays d'origine.

7. Il ressort des pièces du dossier que, par son avis susmentionné du 2 mars 2020, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de la jeune C... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permettait par ailleurs de voyager sans risque vers son pays natal. Le requérant, levant le secret médical sur l'état de santé de sa fille, a versé aux débats plusieurs pièces médicales parmi lesquelles figurent notamment un compte-rendu et un certificat rédigés les 25 novembre 2019 et 21 juillet 2020 par le professeur coordonnateur d'un centre de référence de maladies rares au sein du centre hospitalier universitaire de Montpellier, ainsi que le rapport établi le 11 février 2020 par un médecin du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la base du dossier médical de l'enfant. Il en ressort que la jeune C... est atteinte d'une pathologie génétique rare nommée " syndrome ATR-16 ", responsable d'une déficience intellectuelle et nécessitant une prise en charge pluridisciplinaire rééducative associant kinésithérapie, orthophonie et psychomotricité. Si les documents établis par le professeur coordonnateur du centre de référence indiquent que les soins en cause ont pour but de " contourner le handicap " de l'enfant et de " lui donner les chances d'une autonomie la plus importante ", aucune des pièces médicales produites ne précise toutefois la nature et le niveau de gravité des conséquences susceptibles de résulter d'une absence de prise en charge rééducative. Les éléments ainsi apportés ne sont dès lors pas de nature à remettre en cause la position du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon laquelle une telle absence n'entraînerait pas des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'état de santé de la jeune C... au regard du handicap lié à sa pathologie génétique. De surcroît et en tout état de cause, alors même que ladite pathologie n'avait pas été identifiée lorsque la famille se trouvait en Géorgie, il n'est pas non plus établi par les pièces du dossier que les soins de rééducation requis ne seraient pas accessibles dans ce pays. Par suite, le refus de séjour en litige ne procède pas d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs, mais également à celles qui ont pour effet d'affecter leur situation d'une manière suffisamment directe et certaine.

9. Eu égard à ce qui a été mentionné au point 7 du présent arrêt, il n'est pas établi que la jeune C... serait exposée à des risques graves pour son état de santé en cas de départ de la France et notamment en cas de retour vers la Géorgie avec ses parents. Ainsi, le refus de séjour opposé à son père par l'arrêté en litige ne peut être regardé comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de cette enfant. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

10. En cinquième lieu, M. D... et sa famille n'étaient présents que depuis seize mois en France à la date de l'arrêté préfectoral en litige, ne se prévalent d'aucune attache particulière sur le territoire national et n'y justifient d'aucune insertion sociale ou professionnelle réelle. En conséquence et compte tenu de ce qui a été exposé au point 7 ci-dessus, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant ainsi que sur la situation de sa fille C....

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 5 mars 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par l'appelant et n'implique aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative. Par suite, les conclusions en injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, lequel n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme quelconque au requérant au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Me Mazas et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2024.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00866


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00866
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS MAZAS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;23tl00866 ?
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