Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 3 juin 2021 par laquelle la préfète du Gard a implicitement refusé d'enregistrer et d'instruire sa demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 2102852 du 22 juin 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cette décision et enjoint à la préfète du Gard de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2023, la préfète du Gard demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 juin 2023 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... épouse A... devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à l'annulation de la décision par laquelle elle a implicitement refusé d'enregistrer et d'instruire sa demande de titre de séjour.
Elle soutient que :
- aucune décision implicite de refus de titre de séjour n'a pu naître, la demande de titre de séjour de Mme A..., reçue le 3 février 2021 par ses services, n'a pu être enregistrée en raison de son incomplétude et de la carence de l'intéressée qui n'a pas honoré son rendez-vous au guichet de la préfecture ;
- l'intéressée ne s'est pas présentée, sans justifier d'une quelconque impossibilité, à la convocation qui lui a été adressée pour le 17 septembre 2021 en vue de recueillir ses empreintes et de lui délivrer un récépissé et n'a donné aucune suite à sa demande d'admission au séjour ;
- l'enregistrement d'une demande de titre de séjour est, notamment, subordonné la collecte des empreintes du demandeur, conformément à l'article R. 431-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- c'est à bon droit que ses services ont considéré que Mme A... s'est désistée de sa demande de titre de séjour en ne donnant pas suite à la convocation qui lui a été adressée et ce, sans justification.
La requête a été communiquée par une lettre recommandée avec accusé de réception à la dernière adresse contenue de Mme A... avant de revenir à la cour avec la mention " n'habite pas à l'adresse indiquée ". La requête a également été communiquée à Me Debureau, conseil de Mme A... dans le cadre de l'instance devant le tribunal administratif de Nîmes, lequel ne s'est pas constitué dans ses intérêts et n'a pas communiqué sa nouvelle adresse.
Par une ordonnance du 2 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 octobre 2024, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... épouse A..., ressortissante ukrainienne née le 29 juin 1985, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjointe d'un ressortissant de l'Union européenne auprès de la préfecture du Gard. Sa demande de titre de séjour a été réceptionnée par les services de la préfecture le 3 février 2021. Afin d'enregistrer sa demande, un rendez-vous a été accordé à Mme A... par le bureau du séjour des étrangers le 17 septembre 2021, ce dont cette dernière a été informée par un courriel envoyé à l'adresse électronique communiquée dans sa demande. Mme A... n'ayant pas honoré son rendez-vous en préfecture, le préfet l'a informée, par une lettre du 29 septembre 2021 que, faute d'avoir déféré à cette convocation et de ne faire état d'aucune circonstance de nature à justifier son absence, il était pris acte de son intention de ne pas donner suite à sa demande de titre de séjour. Estimant néanmoins qu'une décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour lui avait été opposée, Mme A... en a demandé l'annulation devant le tribunal administratif de Nîmes. La préfète du Gard relève appel du jugement du 22 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à la demande de Mme A... et lui a enjoint de réexaminer la demande de titre de séjour présentée par cette dernière.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, les dispositions législatives et règlementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile définissent la procédure de dépôt, d'instruction et de délivrance des différents titres autorisant les étrangers à séjourner en France. Sur renvoi de l'article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lequel " Les conditions dans lesquelles les demandes de titres de séjour sont déposées auprès de l'autorité administrative compétente sont fixées par voie réglementaire ", l'article R. 431-10 du même code dispose que : " L'étranger qui demande la délivrance (...) d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint (...) lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents (...) ". L'article R. 431-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en outre, que : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La délivrance ou le renouvellement du titre de séjour à un étranger est subordonné à la collecte, lors de la présentation de sa demande, des informations le concernant qui doivent être mentionnées sur le titre de séjour selon le modèle prévu à l'article R. 431-1, ainsi qu'au relevé d'images numérisées de sa photographie et, sauf impossibilité physique, des empreintes digitales de ses dix doigts aux fins d'enregistrement dans le traitement automatisé mentionné à l'article R. 142-11 ". Aux termes de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. Ce document est revêtu de la signature de l'agent compétent ainsi que du timbre du service chargé, en vertu de l'article R. 431-20, de l'instruction de la demande (...) ".
4. Enfin, aux termes de l'article R.432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". L'article R. 432-2 du même code précise que : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R. 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois. (...) ".
5. La convocation de l'étranger par l'autorité administrative à la préfecture afin qu'il y dépose sa demande de titre de séjour, qui n'a d'autre objet que de fixer la date à laquelle il sera, en principe, procédé à l'enregistrement de sa demande dans le cadre de la procédure devant conduire à une décision sur son droit au séjour, ne constitue pas une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
6. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des dispositions spéciales régissant le traitement par l'administration des demandes de titres de séjour, en particulier les demandes incomplètes, que le préfet peut refuser d'enregistrer. Le refus d'enregistrer une telle demande motif pris du caractère incomplet du dossier ne constitue pas non plus une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque le dossier est effectivement incomplet ou lorsque l'absence d'une pièce rend impossible l'instruction de la demande.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... ne s'est pas présentée au rendez-vous qui lui a été accordé, le 17 septembre 2021 à 10 heures 05, au guichet chargé des étrangers de la préfecture du Gard au cours duquel il devait être procédé au relevé de ses empreintes décadactylaires, à l'enregistrement de sa demande de titre de séjour présentée en qualité de conjointe d'un ressortissant de l'Union européenne après vérification du contenu de son dossier et à la délivrance, si ce dossier était complet, d'un récépissé l'autorisant provisoirement à séjourner en France dans l'attente de l'instruction de sa demande. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est pas davantage allégué, que Mme A... aurait, postérieurement à cette date, adressé des éléments permettant de justifier les raisons pour lesquelles elle n'a pas pu honorer ce rendez-vous destiné à l'enregistrement de sa demande. De même, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que Mme A... se serait manifestée auprès des services de la préfecture du Gard postérieurement à l'envoi par le préfet de la lettre du 29 septembre 2021 l'informant de ce qu'il était pris acte de son intention de ne pas présenter de demande de titre de séjour.
8. En ne se présentant pas, sans motif valable, au rendez-vous qui lui avait été accordé et en s'abstenant de donner une suite à la lettre du 29 septembre 2021 précitée, Mme A... doit être regardée comme ayant renoncé à son intention de déposer une demande de titre de séjour, de sorte qu'aucune décision administrative faisant grief susceptible de recours n'a pu naître en l'espèce. Il s'ensuit que l'autorité préfectorale n'était pas régulièrement saisie d'une demande de titre de séjour dûment enregistrée auprès de ses services pouvant être valablement instruite. Dans ces conditions, le tribunal administratif de Nîmes n'était pas, en application des principes rappelés aux points 5 et 6, saisi d'une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir écarté la fin de non-recevoir opposée en défense, a annulé la décision par laquelle la préfète du Gard a refusé d'enregistrer et d'instruire la demande de titre de séjour de Mme A....
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nîmes, et de la rejeter comme irrecevable dès lors qu'elle n'est pas dirigée contre une décision faisant grief, le refus d'enregistrer et d'instruire une demande de titre de séjour incomplète qui n'a pas été enregistrée par les services préfectoraux à la suite de sa présentation personnelle au guichet des étrangers ne pouvant en tenir lieu.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Gard est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision en litige. Dès lors, ce jugement doit être annulé, et la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nîmes doit être rejetée comme irrecevable.
DÉCIDE:
Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 2102852 du 22 juin 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... B... épouse A....
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01774