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07/11/2024 | FRANCE | N°22TL22607

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 07 novembre 2024, 22TL22607


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... et M. C... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le maire de Teyssode a accordé un permis de construire au groupement foncier agricole Le Pastel pour la réalisation d'un bâtiment agricole pourvu d'une toiture photovoltaïque sur la parcelle cadastrée section F n° 280 située au lieu-dit " Canimont ", ainsi que la décision portant rejet de leur recours gracieux.



Par un jugeme

nt n° 2001427 rendu le 15 novembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... et M. C... E... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2019 par lequel le maire de Teyssode a accordé un permis de construire au groupement foncier agricole Le Pastel pour la réalisation d'un bâtiment agricole pourvu d'une toiture photovoltaïque sur la parcelle cadastrée section F n° 280 située au lieu-dit " Canimont ", ainsi que la décision portant rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2001427 rendu le 15 novembre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme B... et M. E... et mis à leur charge une somme de 750 euros à verser respectivement à la commune de Teyssode et au groupement foncier agricole Le Pastel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 décembre 2022 et le 21 août 2023, Mme B... et M. E..., représentés par Me Dupey, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Teyssode du 14 novembre 2019, ainsi que la décision portant rejet de leur recours gracieux présenté contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Teyssode et du groupement foncier agricole Le Pastel le versement d'une somme de 2 000 euros chacun sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt suffisant pour agir à l'encontre du permis de construire en litige, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, compte tenu de leur qualité de voisins immédiats, des nuisances visuelles et sonores causées par le projet, du surcroît de circulation en résultant et de la perte de valeur vénale engendrée pour leur propriété ;

- le maire de Teyssode n'avait pas compétence pour délivrer le permis de construire au nom de la commune dès lors que la commune n'est pas dotée d'un plan local d'urbanisme, que le conseil municipal n'a pas délibéré pour transférer la compétence au profit de la commune, que le projet porte sur un ouvrage de production d'énergie et qu'il existait un désaccord entre le maire et le service de l'Etat en charge de l'instruction de la demande ;

- le permis de construire est illégal en ce que le projet de carte communale classe le secteur de Canimont en zone non constructible ; le projet de construction se situe en outre sur le site historique d'une motte féodale visible depuis les coteaux alentours ;

- le permis de construire a été obtenu par fraude et se trouve entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le groupement pétitionnaire n'exerce pas une activité agricole effective, que le bâtiment projeté n'est pas nécessaire à l'exploitation agricole, qu'il pouvait être implanté à un autre endroit avec un impact moindre sur le plan paysager, que la production d'énergie photovoltaïque constitue une activité commerciale sans lien avec l'activité agricole et que l'activité de stockage d'engrais, non avérée, serait contraire à la règlementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le projet de construction autorisé par l'arrêté en litige est contraire aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme intercommunal Lautrécois-Pays d'Agout, ainsi qu'au schéma de cohérence territoriale ;

- le projet en litige n'a pas fait l'objet d'une étude d'impact alors qu'il porte atteinte à une zone à protéger pour sa valeur historique, agronomique et naturelle ;

- le permis de construire est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il ne porte pas sur le local technique nécessaire aux panneaux photovoltaïques ;

- le projet prévoit une toiture bi-pente dissymétrique, laquelle est incompatible avec les préconisations du conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement ;

- la voie d'accès au bâtiment projeté est inadaptée et ne permet notamment pas le passage des véhicules de sécurité ; le projet ne respecte pas la règlementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement sur ce point ;

- le maire est personnellement intéressé à l'opération dès lors que les services de l'Etat recommandaient de prévoir l'implantation du hangar au lieu-dit " Montplaisir " sur un terrain jouxtant des parcelles appartenant au maire ainsi qu'à son beau-frère ;

- la commune a dissimulé le projet de plan local d'urbanisme intercommunal alors que le projet d'aménagement et de développement durables, validé en octobre 2019, aurait justifié le prononcé d'un sursis à statuer sur la demande de permis de construire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2023, le groupement foncier agricole Le Pastel, représenté par Me Billa, conclut à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable pour absence d'intérêt à agir ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2023, la commune de Teyssode, représentée par Me Hudrisier, conclut à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable pour absence d'intérêt à agir ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction est intervenue le 20 février 2024 en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté de la ministre de l'écologie du 11 mai 2015 modifiant une série d'arrêtés ministériels pour prendre en compte la nouvelle nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'arrêté de la ministre de l'environnement du 2 septembre 2016 modifiant l'arrêté du 13 avril 2010 relatif à la prévention des risques présentés par les stockages d'engrais solides soumis à autorisation au titre de la rubrique 4702 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,

- les observations de Me Dupey, représentant les appelants,

- les observations de Me Billa, représentant le groupement foncier agricole intimé,

- et les observations de Me Hudrisier, représentant la commune intimée.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., gérant du groupement foncier agricole Le Pastel, a sollicité auprès des services de la commune de Teyssode (Tarn), le 7 août 2018, un certificat d'urbanisme en vue de l'implantation d'un bâtiment agricole pourvu d'une toiture en panneaux photovoltaïques, sur la parcelle cadastrée section F n° 280, située au lieu-dit " Canimont ". Le 13 novembre 2018, le maire de ladite commune lui a délivré un certificat d'urbanisme lui indiquant que l'opération projetée était réalisable sur ce terrain. Le groupement foncier agricole Le Pastel a demandé un permis de construire, le 26 septembre 2019, pour la réalisation de ce projet. Par un arrêté du 14 novembre 2019, le maire lui a accordé ce permis. Mme B... et M. E... ont formé, le 18 décembre 2019, un recours gracieux contre cet arrêté, lequel a été rejeté. Par la présente requête, les intéressés relèvent appel du jugement du 15 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme irrecevable leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2019 et de la décision portant rejet de leur recours gracieux et a mis à leur charge une somme de 750 euros à verser respectivement à la commune et au groupement foncier agricole en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la régularité du jugement :

2. L'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou de contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ". Il appartient à tout requérant qui saisit le juge d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de sa recevabilité. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet.

3. Il ressort des pièces du dossier que les requérants sont propriétaires d'un ensemble immobilier situé au lieu-dit " Canimont ", constitué de sept parcelles sur une surface totale de 7 500 m2 et comprenant plusieurs bâtiments, parmi lesquels leur maison d'habitation ainsi qu'un gîte rural. La propriété des intéressés n'est séparée du terrain d'assiette du projet en litige que par un chemin communal servant de voie d'accès commune. Les appelants ont donc la qualité de voisins immédiats par rapport à ce projet. Il ressort par ailleurs des pièces produites à l'appui de la demande de permis de construire que l'opération envisagée par le groupement foncier agricole Le Pastel consiste à réaliser un hangar agricole destiné au stockage du matériel et des engrais présentant une longueur de 43,90 mètres sur une largeur de 17,48 mètres et une hauteur de 8,39 mètres au faîtage. Le bâtiment ainsi projeté est prévu avec une toiture dissymétrique à deux pentes de 30 %, le versant sud de cette toiture étant recouvert par des panneaux photovoltaïques sur une surface de 538 m2. Le projet en litige comporte en outre l'aménagement d'une aire de manœuvre des véhicules agricoles d'environ 500 m2 longeant la façade nord du hangar.

4. Il ressort notamment du plan de situation du projet et des photographies aériennes produites par les parties que le bâtiment ainsi prévu sera implanté sur la bordure nord-est de la parcelle du pétitionnaire, juste en face de l'accès à la propriété des requérants, à une distance de seulement 15 mètres de cet accès et à 30 mètres de leur habitation. Eu égard aux dimensions importantes de la construction projetée, à sa proximité avec les biens des appelants, lesquels s'ouvrent à ce jour sur un environnement rural dépourvu de tout bâtiment, aux nuisances sonores susceptibles de résulter notamment de la circulation des véhicules agricoles sur l'aire de manœuvre et alors au surplus que les intéressés produisent un rapport d'expert concluant à une perte de valeur vénale de leur propriété de 10 %, l'opération en litige est de nature à affecter de manière suffisamment significative les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de l'ensemble immobilier appartenant à Mme B... et M. E.... Ces derniers justifient ainsi d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre le permis de construire accordé au groupement foncier agricole Le Pastel par le maire de Teyssode. Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme irrecevable la demande présentée par les requérants tendant à l'annulation de ce permis en estimant qu'ils ne justifiaient pas d'un tel intérêt. Il en résulte que le jugement attaqué du 15 novembre 2022 doit être annulé come irrégulier.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les requérants devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. En premier lieu, selon l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire (...) est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme (...), ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale avant cette date, le maire est compétent, au nom de la commune, après délibération du conseil municipal. (...) / b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes. / (...) ". L'article L. 422-2 du même code prévoit que : " Par exception aux dispositions du a) de l'article L. 422-1, l'autorité administrative de l'Etat est compétente pour se prononcer sur un projet portant sur : / (...) / b) Les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie, (...) ; un décret en Conseil d'Etat détermine la nature et l'importance de ces ouvrages ; / (...) ". En outre, l'article R. 422-2 du même code mentionne que : " Le préfet est compétent pour délivrer le permis de construire (...) dans les communes visées au b) de l'article L. 422-1 et dans les cas prévus par l'article L. 422-2 dans les hypothèses suivantes : / (...) / e) En cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction mentionné à l'article R. 423-16 ; / (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 422-2-1 de ce code : " Les installations de production d'électricité à partir d'énergie renouvelable accessoires à une construction ne sont pas des ouvrages de production d'électricité au sens du b) de l'article L. 422-2. ".

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, par une délibération adoptée le 26 janvier 2004, le conseil municipal de Teyssode a approuvé la carte communale et décidé que, lorsque ladite carte aura été approuvée par l'autorité préfectorale, les actes d'urbanisme seront pris par le maire au nom de la commune. Il ressort de ces mêmes pièces que le préfet du Tarn a procédé à l'approbation de la carte communale par un arrêté daté du 20 février 2004, lequel a eu pour effet de transférer la compétence relative aux autorisations d'urbanisme au bénéfice de la commune en application du a) de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme. D'autre part, les panneaux photovoltaïques prévus par le groupement foncier agricole Le Pastel sur la toiture du hangar projeté ne sont pas de nature à modifier la destination agricole du bâtiment et présentent par suite un caractère accessoire. Il en résulte que l'opération de construction en litige ne porte pas sur un ouvrage de production d'énergie au sens du b) de l'article L. 422-2 de ce code et que le maire de Teyssode était ainsi bien compétent pour accorder le permis de construire au nom de la commune. Enfin, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le préfet aurait dû signer ledit permis en raison d'un prétendu désaccord entre le maire et le service de l'Etat chargé de l'instruction du dossier dès lors que les dispositions du e) de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme ne s'appliquent que lorsque les autorisations d'urbanisme sont délivrées au nom de l'Etat et que l'existence d'un tel désaccord n'est au demeurant pas établie en l'espèce.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 161-4 du code de l'urbanisme : " La carte communale délimite les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l'exception : / (...) / 2° Des constructions et installations nécessaires : (...) / b) A l'exploitation agricole ou forestière, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles lorsque ces activités constituent le prolongement de l'acte de production ; / (...) / Les constructions et installations mentionnées au 2° ne peuvent être autorisées que lorsqu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels ou des paysages. / Les constructions et installations mentionnées aux b et d du même 2° sont soumises à l'avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. ". L'article R. 161-4 du même code dispose que : " Le ou les documents graphiques délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et ceux où les constructions ne peuvent pas être autorisées, à l'exception de celles mentionnées à l'article L. 161-4. ".

9. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que les cartes communales délimitent les secteurs où les constructions ne peuvent être autorisées, à l'exception des constructions et installations nécessaires, notamment, à l'exploitation agricole ou forestière. Pour vérifier que la construction ou l'installation projetée est nécessaire à cette exploitation, l'autorité administrative compétente doit s'assurer au préalable, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la réalité de l'exploitation agricole ou forestière, au sens de ces dispositions, laquelle est caractérisée par l'exercice effectif d'une activité agricole ou forestière d'une consistance suffisante. La circonstance que des constructions et installations à usage agricole ou forestier puissent aussi servir à d'autres activités, notamment de production d'énergie, n'est pas de nature à leur retirer le caractère de constructions ou installations nécessaires à l'exploitation agricole ou forestière au sens de ces mêmes dispositions, sous réserve que ces autres activités ne remettent pas en cause la destination agricole avérée des constructions et installations dont s'agit.

10. D'une part, il ressort des pièces du dossier et notamment du projet agricole annexé à la demande de certificat d'urbanisme mentionnée au point 1 du présent arrêt, que M. D..., gérant du groupement foncier agricole Le Pastel et responsable de la filière " grains " d'une société de négoce agricole, est inscrit à la caisse de mutualité sociale agricole Midi-Pyrénées Nord en qualité de chef d'exploitation agricole à titre secondaire depuis le 1er mai 2018. Il en ressort par ailleurs que le groupement foncier agricole a consenti à M. D... un bail rural à long terme sur un ensemble de parcelles agricoles représentant une surface totale de 85 hectares répartis sur le territoire des communes de Lavaur et Teyssode, sur lesquelles l'intéressé pratique la culture de grandes céréales. Le même projet agricole précise la liste du matériel détenu par l'exploitant, laquelle comprend notamment une moissonneuse-batteuse et un tracteur, ainsi que plusieurs semoirs, une charrue, un vibroculteur et une herse rotative. Le groupement intimé justifie ainsi de l'existence effective d'une activité agricole d'une consistance suffisante. Les appelants ne peuvent à cet égard utilement soutenir que l'activité de stockage d'engrais ne serait pas conforme aux prescriptions des arrêtés ministériels des 11 mai 2015 et 2 septembre 2016 susvisés, lesquels relèvent de la règlementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement et sont, par suite, inopposables à une demande de permis de construire.

11. D'autre part, il ressort également du projet agricole sus-évoqué que l'exploitation de M. D... ne comporte aucun bâtiment et que le projet de construction en litige a pour but de la doter d'un local approprié permettant à l'intéressé d'y stocker le matériel, les engrais et les semences. La chambre départementale d'agriculture du Tarn, par ses avis des 3 octobre 2018 et 25 octobre 2019, la direction départementale des territoires, par son avis du 8 novembre 2018, mais aussi la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, par son avis du 24 octobre 2019, ont d'ailleurs reconnu le caractère nécessaire du hangar en litige pour l'exploitation agricole au regard des éléments justificatifs produits par le pétitionnaire. La circonstance que le groupement foncier agricole intimé a prévu l'installation de panneaux photovoltaïques sur une partie de la toiture du bâtiment en vue de la production et de la vente d'électricité n'a pas pour effet de retirer à ce bâtiment sa destination agricole avérée et n'est donc pas de nature à remettre en cause, par elle-même, la nécessité de sa construction pour l'exploitation dont s'agit. Si les requérants relèvent en outre que le groupement a récemment procédé à un transfert de son siège social dans le département du Gard, la circonstance ainsi invoquée, postérieure à l'octroi du permis de construire contesté, n'a aucune incidence sur l'appréciation de l'utilité du hangar pour l'exploitation agricole à la date de cet octroi.

12. Enfin, il est vrai que, par leurs avis des 24 et 25 octobre 2019 mentionnés au point précédent, tant la chambre départementale d'agriculture que la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ont recommandé de retenir une implantation différente de celle retenue pour le hangar projeté, au lieu-dit " Montplaisir " situé au nord de l'îlot, dans l'objectif, notamment, de limiter l'impact paysager du bâtiment. Les requérants soutiennent sur ce point que le site d'implantation du projet en litige revêtirait un intérêt historique en raison de la proximité d'une motte féodale visible depuis les alentours. Il n'est toutefois pas allégué que les abords de ce monticule bénéficieraient d'une protection patrimoniale ou paysagère particulière et il ne ressort pas des pièces du dossier que le hangar projeté porterait atteinte à la sauvegarde des espaces naturels ou des paysages, le pétitionnaire ayant notamment prévu l'aménagement d'une butte plantée d'arbres autour de la construction. La commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers avait d'ailleurs noté dans son avis les efforts consentis s'agissant de l'insertion paysagère du bâtiment et le service instructeur de la communauté de communes Lautrécois-Pays d'Agout avait pour sa part estimé qu'une implantation au plus proche du hameau de Canimont, correspondant au site retenu, serait de nature à réduire l'effet de mitage sur les espaces agricoles.

13. Eu égard à l'ensemble de ce qui a été dit aux trois points précédents, les requérants ne sont fondés à soutenir ni que le permis de construire litigieux aurait été obtenu de manière frauduleuse en l'absence d'activité agricole effective du pétitionnaire, ni qu'il procèderait d'une inexacte application des dispositions du code de l'urbanisme mentionnées au point 8.

14. En troisième lieu, le projet d'aménagement et de développement durables d'un plan local d'urbanisme n'étant pas directement opposable à un permis de construire, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le projet du groupement foncier agricole Le Pastel contrarierait les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme intercommunal Lautrécois-Pays d'Agout, alors en cours d'élaboration et ayant vocation à couvrir le territoire de la commune de Teyssode, tels que débattus le 15 octobre 2019. Le territoire de ladite commune n'était par ailleurs couvert par aucun schéma de cohérence territoriale à la date à laquelle le permis litigieux a été accordé et les appelants ne sauraient dès lors sérieusement prétendre que l'opération projetée méconnaîtrait les dispositions d'un tel schéma.

15. En quatrième lieu, les requérants ne précisent pas en vertu de quelles dispositions législatives ou règlementaires le projet en cause aurait dû faire l'objet d'une étude d'impact et il n'apparaît notamment pas que le groupement pétitionnaire aurait dû se soumettre à une telle formalité à la lecture des critères prévus par le tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. Par suite, le moyen invoqué sur ce point ne peut qu'être écarté.

16.

En cinquième lieu, si les appelants soutiennent que le permis de construire serait illégal en ce qu'il ne porterait pas sur le local technique indispensable pour l'exploitation des panneaux photovoltaïques, les intimés font valoir sans être contredits que le local technique est situé sous les panneaux, de sorte qu'il n'avait pas à figurer sur les plans joints à la demande de permis. Dès lors et en tout état de cause, le moyen soulevé à ce titre doit être écarté.

17. En sixième lieu, s'il est vrai que le groupement foncier agricole Le Pastel a prévu la réalisation d'une toiture bi-pente dissymétrique ne respectant pas strictement les proportions recommandées par le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement du Tarn, les préconisations formulées par un tel organisme ne présentent aucune portée contraignante et le moyen invoqué en ce sens ne peut, par conséquent, qu'être écarté comme inopérant.

18. En septième lieu, les appelants n'apportent pas le moindre élément circonstancié au soutien de leurs allégations selon lesquelles la voie d'accès commune à leur propriété et au hangar projeté serait inadaptée et ne permettrait notamment pas le passage des véhicules de sécurité, alors que cette voie existante supporte déjà la circulation de véhicules de la même nature. Les intéressés ne peuvent en outre utilement se prévaloir sur ce point des prescriptions prévues par les arrêtés ministériels des 11 mai 2015 et 2 septembre 2016 susvisés, lesquelles ne sont applicables qu'aux installations classées pour la protection de l'environnement.

19. En huitième lieu, les requérants soutiennent que le maire de Teyssode aurait un intérêt personnel à l'opération en litige en ce qu'elle viserait à éviter l'implantation du hangar à proximité de ses propres terrains et de ceux de son beau-frère au lieu-dit " Montplaisir ". Ils ne peuvent cependant utilement invoquer à cet égard les dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, lesquelles régissent uniquement les délibérations du conseil municipal. Les intéressés ne démontrent par ailleurs pas que le maire aurait exercé une influence particulière sur le choix de l'implantation du hangar, alors que, comme il a été dit au point 12, le service instructeur de la communauté de communes Lautrécois-Pays d'Agout a lui-même incité le pétitionnaire à privilégier l'emplacement le plus proche du hameau de Canimont.

20. En neuvième lieu, aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " (...) / L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables. ". L'article L. 410-1 du même code dispose que : " (...). / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. ".

21. Les appelants soutiennent que la demande de permis de construire présentée par le groupement foncier agricole intimé aurait dû faire l'objet d'une décision de sursis à statuer au regard du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme intercommunal Lautrécois-Pays d'Agout débattu le 15 octobre 2019. Il a toutefois été indiqué au point 1 du présent arrêt que le gérant du groupement s'est vu délivrer un certificat d'urbanisme portant sur le terrain d'assiette du projet le 13 novembre 2018. La délivrance de ce certificat a eu pour effet de cristalliser les règles d'urbanisme en vigueur à cette dernière date en application de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme. Dès lors que le conseil communautaire n'a tenu le débat sur le projet d'aménagement et de développement durables que postérieurement à cette même date, l'une des conditions prévues par l'article L. 153-11 dudit code pour permettre de prononcer un sursis à statuer n'était pas satisfaite à la date du certificat d'urbanisme et le maire ne pouvait donc pas légalement opposer un tel sursis à la demande de permis de construire. Par suite et en tout état de cause, le moyen soulevé en ce sens doit être également écarté.

22. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... et M. E... ne sont pas fondés à demander l'annulation du permis de construire accordé par le maire de Teyssode le 14 novembre 2019 ainsi que de la décision portant rejet de leur recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Teyssode ou du groupement foncier agricole Le Pastel, lesquels ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, une quelconque somme à verser à Mme B... et M. E... au titre des frais non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune et le groupement foncier agricole au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement rendu par le tribunal administratif de Toulouse le 15 novembre 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... et M. E... devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Teyssode et par le groupement foncier agricole Le Pastel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à M. C... E..., à la commune de Teyssode et au groupement foncier agricole Le Pastel.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet du Tarn, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 22TL22607


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22607
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : DUPEY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;22tl22607 ?
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