Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2021 par lequel la préfète du Gard a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi pour l'exécution de cette mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2203559 du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de l'intéressé.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mai 2023, M. A... B..., représenté par Me Chabbert-Masson, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Gard du 2 novembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile en l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour ;
- la même décision méconnaît ce même article dès lors que sa situation se caractérise par des circonstances exceptionnelles compte tenu de l'intensité de sa vie privée et familiale sur le territoire français ;
- ladite décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2024, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 5 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord conclu le 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jazeron, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 20 novembre 1971 à Kebdana (Maroc), indiquant séjourner sur le territoire français depuis le 9 janvier 2012, a sollicité le 23 avril 2021 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'ancien article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devenu l'article L. 435-1 du même code. Par un arrêté pris le 2 novembre 2021 et notifié le 27 octobre 2022, la préfète du Gard a rejeté la demande d'admission au séjour de M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la présente requête, l'intéressé interjette appel du jugement du 18 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté ainsi pris à son encontre.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus d'admission au séjour :
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement sur le territoire français depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ".
3. En l'espèce, à supposer même que M. B... soit entré sur le territoire national le 9 janvier 2012 ainsi qu'il le soutient, il ne comptabilisait pas plus de dix ans de résidence habituelle en France à la date d'édiction de l'arrêté en litige le 2 novembre 2021. Par conséquent, la préfète du Gard n'était pas tenue de saisir pour avis la commission du titre de séjour avant de refuser l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé. Dès lors, la décision contestée n'est pas entachée du vice de procédure invoqué sur le fondement des dispositions précitées.
4. En deuxième lieu, si les pièces produites par M. B... à l'appui de sa demande de première instance peuvent être regardées comme attestant de sa présence fréquente en France à partir du 11 février 2012, il est constant que l'intéressé était titulaire d'un titre de séjour de longue durée accordé par les autorités espagnoles valable jusqu'au 30 novembre 2020, qu'il a fait l'objet de trois arrêtés de réadmission vers l'Espagne les 19 octobre 2015, 24 octobre 2016 et 16 mars 2017 et qu'il a indiqué résider dans ce pays au cours de ses auditions préalables à ces mesures de réadmission. L'appelant ne peut donc être considéré comme justifiant d'une présence ininterrompue sur le territoire national depuis l'année 2012. Par ailleurs, si M. B... se prévaut de la présence en France de sa mère, ressortissante française, ainsi que de son épouse et ses quatre enfants, alors âgés de 17 à 24 ans, tous titulaires d'un titre de séjour en France, il reconnaît s'être séparé de son épouse en 2016 et ne produit pas de pièces suffisamment probantes pour corroborer ses allégations selon lesquelles la communauté de vie aurait repris à compter de l'année 2019. De même, si l'intéressé a fourni en appel des attestations établies le 3 mai 2023 par ses quatre enfants, le dossier ne comporte aucun autre élément susceptible de justifier tant de la réalité de sa contribution à leur entretien et à leur éducation lorsqu'ils étaient mineurs que de la poursuite de relations continues avec eux depuis leur majorité. En outre, M. B... ne peut se prévaloir d'aucune intégration sociale ou professionnelle particulière sur le territoire national où il a été interpellé à plusieurs reprises pour vente illégale sur des marchés. Enfin, si le requérant invoque également son état de santé, il ne ressort pas des pièces médicales produites que les séquelles de l'accident vasculaire cérébral survenu en 2021 rendraient nécessaires la poursuite de soins en France ou l'assistance de ses proches dans les actes de la vie courante. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la situation de M. B... ne peut être regardée comme relevant de motifs humanitaires ou exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, la préfète du Gard n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de l'intéressé.
5. En troisième lieu, selon les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 4 ci-dessus et alors que M. B... a passé l'essentiel de sa vie au Maroc et en Espagne jusqu'à l'âge de quarante ans, il n'apparaît pas que le refus de séjour en litige porterait à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Par voie de conséquence, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aurait été méconnu.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français se trouverait privée de sa base légale.
8. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points précédents.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Gard du 2 novembre 2021.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par l'appelant et n'implique dès lors aucune mesure d'exécution particulière au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par l'intéressé aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque à verser à l'appelant au titre des frais non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01125