Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme I... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2023 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;
M. J... G... a également demandé au même tribunal d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2023 du préfet de la Haute-Garonne portant refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement nos 2306164, 2306166 du 18 décembre 2023, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse, après avoir joint les deux procédures, a annulé les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 21 septembre 2023, enjoint au préfet de réexaminer la situation des intéressés dans un délai de deux mois et de les munir d'une autorisation provisoire de séjour et à mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à leur conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2024, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- la procédure au terme de laquelle le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est prononcé sur la situation de l'enfant des intimés ne peut être regardée comme étant entachée d'irrégularité au regard du nom mentionné dans cet avis dès lors que ce nom est conforme à celui figurant sur l'extrait d'acte de naissance produit à l'appui de la demande d'admission au séjour ;
- l'enfant a été convoqué par le collège des médecins pour un examen au cours duquel son identité a été vérifiée ;
- les éléments dont se sont prévalus les parents de cet enfant devant le tribunal administratif ne permettent pas d'infirmer le sens de l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration selon lequel le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2024, M. G... et Mme F..., représentés par Me Mercier, concluent :
1°) à leur admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête ou en toute hypothèse à son rejet ;
3°) à titre subsidiaire, à l'annulation des arrêtés du 21 septembre 2023 pris par le préfet de la Haute-Garonne à leur encontre ;
4°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité d'accompagnants d'enfant malade dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à tout le moins, de procéder au réexamen de leurs demandes et de leur situation ;
5°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à leur conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, en cas non admission à l'aide juridictionnelle, à verser à M. G... la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la requête est irrecevable, faute pour son signataire de justifier de sa compétence ;
- les moyens soulevés par le préfet de la Haute-Garonne ne sont pas fondés ;
- ils entendent reprendre l'ensemble de leurs écritures de première instance ;
- les décisions portant refus de séjour sont entachées d'une erreur de droit dès lors qu'ils remplissent les conditions pour se voir délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et se trouvent également entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions en litige sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur leur situation et celle de leur fils ;
- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la situation de leurs quatre enfants mineurs.
Par deux décisions du 31 mai 2024, M. G... et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Chabert, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... et M. G..., ressortissants tadjikes nés respectivement le 6 décembre 1994 et 17 mai 1990, sont entrés en France le 17 août 2019 selon leurs déclarations et ont formé le 27 août suivant une demande d'asile. Leur demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 novembre 2021, confirmé par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 6 mars 2023. Mme F... et M. G... ont sollicité le 24 avril 2023 auprès des services de la préfecture de la Haute-Garonne une autorisation provisoire de séjour en qualité de parents d'un étranger mineur malade. Par deux arrêtés du 21 septembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de la Haute-Garonne fait appel du jugement nos 2306164, 2306166 du 18 décembre 2023 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet de réexaminer leur situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de les munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à défaut de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes.
Sur l'admission de M. G... et Mme F... à l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par deux décisions du 31 mai 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. G... et Mme F... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'octroi d'une aide juridictionnelle provisoire.
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :
3. Aux termes de l'article R. 431-12 du code de justice administrative : " (...) Les recours, les mémoires en défense et les mémoires en intervention présentés au nom de l'État sont signés par le ministre intéressé ". Aux termes de l'article R. 811-10 du même code : " (...) Sauf dispositions contraires, les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'État (...) ". L'article R. 811-10-1 du même code dispose que : " Par dérogation aux dispositions de l'article R. 811-10, le préfet présente devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'État lorsque le litige est né de l'activité des services de la préfecture dans les matières suivantes : / 1° Entrée et séjour des étrangers en France (...) ".
4. Par un arrêté du 13 mars 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 31-2023-099 le 15 mars 2023, le préfet de la Haute-Garonne a délégué sa signature à Mme E... B..., adjointe à la cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux et signataire de la requête, à l'effet de signer, notamment, l'ensemble des mémoires en défense et requêtes en appel relatifs au contentieux des étrangers devant les juridictions administratives. La présente requête n'étant pas exclue de cette délégation de signature, la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence du signataire de la requête doit, dès lors, être écartée.
Sur les moyens d'annulation retenu par le tribunal administratif de Toulouse :
5. Aux termes des dispositions de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Il transmet son rapport médical au collège de médecins (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 de ce même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) / L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'office. ". Enfin, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
6. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'acte de naissance versé pour la première fois en appel par le préfet, délivré le 16 octobre 2015 par l'office de l'état civil de Judenburg en Autriche et traduit par un expert près la cour d'appel de Toulouse, que l'enfant nommé " C... Saifulozoda ", est né le 26 septembre 2015 à Judenburg en Autriche, date et lieu de naissance indiqués par M. G... et Mme F... à l'appui de leurs demandes de titres de séjour. S'il est vrai que cet acte mentionne comme nom du père " H... ", contrairement à d'autres documents versés par les intéressés, il indique en revanche la même orthographe concernant le nom de la mère, " I... F... ". De plus, alors que le préfet indique que cet acte d'état civil a été produit par les intéressés eux-mêmes à l'appui de leurs demandes d'autorisation provisoire de séjour, ces derniers, qui produisent à l'appui de leurs écritures dans l'instance d'appel un nouvel acte de naissance qui, selon leurs propos, a été " rectifié par les autorités autrichiennes " et délivré le 25 avril 2024, ne contestent pas ces allégations. La circonstance que ce dernier acte de naissance mentionne le nom de l'enfant de M. G... et Mme F... comme étant " C... G... " né le 26 septembre 2015 à Judenburg ne suffit pas à établir que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rendu le 25 août 2023 et produit en première instance par le préfet n'était pas relatif à la situation de l'enfant mineur des intimés. Par suite, le numéro attribué par l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF) qu'il comporte doit également être regardé comme correspondant à la situation de l'enfant de M. G... et Mme F... pour lequel ils sollicitent la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés en litige aux motifs que les décisions portant refus de séjour étaient entachées d'un vice de procédure, que les mesures d'éloignement étaient dépourvues de base légale et que par voie de conséquence les décisions fixant le délai de départ volontaire et fixant le pays de destination devaient également être annulées.
7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. G... et Mme F... devant le tribunal administratif de Toulouse et devant la cour administrative d'appel.
Sur les autres moyens soulevés par M. G... et Mme F... :
En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions :
8. Mme D... A..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Haute-Garonne et signataire de l'arrêté contesté, a bénéficié, par un arrêté du 13 mars 2023 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture n° 31-2023-099 le 15 mars 2023, d'une délégation de signature à l'effet de signer les décisions de refus d'admission au séjour et les mesures d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés en litige doit être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant refus de séjour :
9. En premier lieu, les décisions en litige mentionnent, de façon suffisamment circonstanciée pour permettre à M. G... et Mme F... de les discuter, les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement. Le préfet a mentionné les éléments de fait propres à la situation personnelle, familiale et administrative en France des intimés, notamment leur entrée irrégulière sur le territoire français le 17 août 2019 selon leurs déclarations, leurs demandes d'asile formulées le 27 août 2019 et rejetées tant par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 novembre 2021 que par des décisions de la Cour nationale du droit d'asile le 6 mars 2023. L'autorité préfectorale a également mentionné l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 25 août 2023 relatif à l'état de santé de leur fils C.... Le préfet a mentionné dans ses arrêtés que les dossiers produits par M. G... et Mme F... ne permettaient pas de justifier que leur enfant serait dans l'impossibilité d'accéder aux soins dans son pays d'origine. Il a ainsi suffisamment motivé ses décisions et il ne ressort pas de cette motivation qu'il se serait placé à tort en situation de compétence liée. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur de droit doivent être écartés.
10. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces des dossiers que le préfet de la Haute-Garonne ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de M. G... et Mme F... accompagnés en France de leurs quatre enfants mineurs.
11. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. / (...) ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code auquel renvoient ainsi les dispositions précédentes : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".
12. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
13. Il ressort des pièces des dossiers que, s'agissant de l'état de santé de l'enfant de M. G... et Mme F..., C..., le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, mais que le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour cet enfant et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. Les intéressés, levant le secret médical, ont produit divers documents notamment des certificats médicaux établis pour leur fils, des bilans effectués par la psychologue scolaire, un psychomotricien, un psychothérapeute et des orthophonistes. Il ressort de ces documents que le jeune C... présente une pathologie neurologique suite à une infection néonatale à cytomégalovirus, laquelle se traduit par des troubles visuels et des troubles de l'apprentissage et du développement. Il ressort de ces mêmes pièces que si une prise en charge pluridisciplinaire est préconisée, et si notamment le certificat médical établi par un médecin généraliste le 9 novembre 2023 indique qu'une absence de prise en charge " pourrait avoir des conséquences graves pour son développement et cela pourrait nuire à santé ", ces documents ne permettent pas en revanche de remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, reprise par le préfet de la Haute-Garonne dans la décision en litige, selon laquelle l'absence de traitement ne devrait pas avoir de conséquences d'une gravité exceptionnelle pour l'enfant des intimés. Par conséquent, les décisions en litige ne sont entachées ni d'une erreur de droit, ni d'une erreur d'appréciation, au regard des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées au point 11 du présent arrêt.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
15. Si M. G... et Mme F... se prévalent d'une durée de présence en France depuis quatre années et de la fixation de leurs intérêts privés sur le territoire, ils n'attestent pas de l'effectivité des liens entretenus sur le territoire français en dehors de leur cellule familiale ou d'une particulière intégration sociale ou professionnelle. Par ailleurs, alors qu'ils ont chacun vécu la majorité de leur vie dans leur pays d'origine, ils n'établissent pas y être dépourvu d'attaches. Dans ces conditions, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait un obstacle à la reconstitution au Tadjikistan de la cellule familiale constituée de M. G... et Mme F... et de leurs quatre enfants, les décisions de refus de séjour ne peuvent être regardées comme portant sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale.
16. En sixième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés aux points 13 et 15 du présent arrêt, les décisions du préfet leur refusant la délivrance des autorisations provisoires de séjour, ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur leurs situations.
17. En septième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
18. Les décisions attaquées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer M. G... et Mme F... de leurs enfants mineurs, qui ont vocation à accompagner leurs parents au Tadjikistan et où la vie familiale pourra s'y reconstituer, et ce d'autant plus qu'ils s'avèrent être dépourvus de toute attache privée et familiale proche et stable en France. Les intéressés ne démontrent pas que leurs enfants ne pourraient y être scolarisés et, compte tenu de ce qui a été exposé au point 13 du présent arrêt, l'état de santé de leur enfant C... ne permet pas de considérer que les décisions ont été prises en méconnaissance de l'intérêt supérieur de ce-dernier ainsi que des autres enfants des intimés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
19. En premier lieu, l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas où elle fait notamment suite à un refus de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, les décisions de refus de titre de séjour étant suffisamment motivées ainsi qu'il est indiqué au point 9 du présent arrêt, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions portant obligation de quitter le territoire, ne peut qu'être écarté. Il ne résulte pas par ailleurs des décisions attaquées et des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par les décisions de refus de séjour en prenant les décisions d'obligation de quitter le territoire et aurait méconnu au regard des dispositions de l'article L. 611-1 du code, le pouvoir d'apprécier s'il y avait lieu ou non d'obliger les intéressés à quitter le territoire français.
20. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle et administrative en France de M. G... et Mme F... avant de prononcer à leur encontre une obligation de quitter le territoire français.
21. En troisième lieu, M. G... et Mme F... n'ayant pas démontré l'illégalité des décisions leur refusant la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, ils ne peuvent utilement soutenir que les mesures d'éloignement prononcées à leur encontre seraient dépourvues de base légale.
22. En quatrième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment les mesures d'éloignement en cause ne peuvent être regardées comme ayant porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. G... et Mme F... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises et comme ayant porté atteinte à l'intérêt supérieur de leurs enfants. Le préfet n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation familiale et personnelle des intéressés.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :
23. En premier lieu, les décisions fixant le pays de destination visent les textes dont il a été fait application et précisent que M. G... et Mme F... n'établissent pas être exposés à des risques dans leur pays d'origine. La circonstance que le préfet ne mentionne pas les risques dont se prévalent dans leurs récits les intéressés ne suffit pas établir un défaut de motivation. Par suite, ces décisions sont suffisamment motivées.
24. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes des décisions attaquées que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux et attentif de la situation de M. G... et Mme F... avant de fixer le pays de destination.
25. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été exposé précédemment que l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français n'est pas établie. Dès lors, M. G... et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de destination seraient privées de base légale.
26. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
27. M. G... et Mme F... soutiennent qu'ils sont exposés à des traitements inhumains et dégradants en raison de leurs opinions " défavorables au régime " en cas de retour au Tadjikistan. Toutefois, alors que leurs demandes de protection ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 novembre 2021 et par la Cour nationale du droit d'asile le 6 mars 2023, en se bornant à produire leurs récits et un article de presse daté du 6 mars 2015 relatif à la situation d'opposants tadjikes, ils n'apportent pas les éléments de nature à établir la réalité des risques auxquels ils seraient directement et personnellement exposés en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, les décisions fixant leur pays de destination ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
28. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 21 septembre 2023 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination à l'encontre de M. G... et Mme F.... Il en résulte que c'est également à tort que le premier juge a enjoint à l'autorité préfectorale de réexaminer la situation des intéressés et qu'il a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. G... et Mme F... devant la cour aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées de même que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de M. G... et Mme F... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse du 18 décembre 2023 sont annulés.
Article 3 : Les demandes présentées par M. G... et Mme F... devant le tribunal administratif de Toulouse et leurs conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. J... G..., à Mme I... F... et à Me Mercier.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Jazeron, premier conseiller,
- Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.
Le président-rapporteur,
D. Chabert
L'assesseur le plus ancien,
F. Jazeon La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24TL00168