Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 25 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2202028 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français contenue dans l'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 janvier 2022 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 juillet 2022 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions portant refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours contenues dans l'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 janvier 2022 ;
2°) d'annuler les décisions portant refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours contenues dans l'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en écartant les moyens tirés de l'erreur de droit et du défaut d'examen de sa situation personnelle.
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige :
- elles sont entachées d'incompétence de leur signataire dont la délégation de signature présente un caractère trop général ;
- elles sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation personnelle en ce que, d'une part, le défaut de visa de long séjour ne dispensait pas le préfet d'examiner la demande d'autorisation de travail qui lui était soumise au regard des articles R. 5221-14 et R. 5221-15 du code du travail, ainsi que la possibilité de l'admettre exceptionnellement au séjour ou de régulariser sa situation dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire ; d'autre part, l'autorité préfectorale s'est limitée à opposer la circonstance que la promesse d'embauche dont il se prévalait ne constituait pas un motif exceptionnel d'admission au séjour sans exercer pleinement son pouvoir d'appréciation pour l'exercice de son pouvoir régularisation ; enfin, cette autorité n'a pas fait état de l'ensemble des attaches privées et familiales dont il dispose en France.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés. Il soutient, en outre, que :
- aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet, saisi par un étranger déjà présent sur le territoire national et qui ne dispose pas de visa de long séjour, d'examiner une demande d'autorisation de travail, ou de la faire instruire par les services compétents du ministère du travail, avant de statuer sur une demande de titre de séjour ;
- la situation de M. A... a été examinée au titre du pouvoir discrétionnaire dont il dispose et, dans ce cadre, la seule détention d'une promesse d'embauche ne constitue pas un motif exceptionnel de nature à justifier sa régularisation ;
- M. A... ne peut se prévaloir d'une bonne intégration sur le territoire français dès lors qu'il est actuellement placé en détention provisoire depuis le 9 février 2024 pour des faits d'assassinat.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 20 septembre 2023.
Par une ordonnance du 18 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 décembre 2024, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,
- et les observations de Me Ruffel, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 6 novembre 2000, déclare être entré sur le territoire français au cours de l'année 2017 en vue de rejoindre son oncle qui l'a recueilli dans le cadre d'un acte de kafala. Par un arrêté du 30 janvier 2020, le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " étudiant " et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 28 décembre 2021, M. A... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'accord franco-algérien en se prévalant de ses liens privés et familiaux en France. Par un arrêté du 25 janvier 2022, le préfet de l'Hérault lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par un jugement du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, contenue dans cet arrêté préfectoral, pour insuffisance de motivation et rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des points 4 et 5 du jugement que le tribunal administratif de Montpellier, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par M. A..., a expressément répondu aux moyens soulevés par ce dernier tirés de l'erreur de droit et du défaut d'examen de sa situation personnelle. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé.
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige :
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal au point 2 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État ". L'article L. 110-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que ce code régit l'entrée, le séjour et l'éloignement des étrangers en France, sous réserve du droit de l'Union européenne et des conventions internationales.
5. L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre d'une activité salariée, soit au titre de la vie familiale. Dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ces conditions sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de cet article à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
6. Aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ; (...) ". L'article 9 de ce même accord stipule que : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis al. 4 (lettre c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises (...) ".
7. D'une part, dès lors que le préfet de l'Hérault pouvait légalement refuser de délivrer à M. A... un certificat de résidence algérien portant la mention " salarié " pour le seul motif tiré de ce que ce dernier ne disposait pas d'un visa de long séjour, condition expressément requise par les stipulations précitées de l'article 9 de l'accord franco-algérien, il n'était pas tenu d'examiner la demande d'autorisation de travail présentée au bénéfice de l'intéressé, à la supposer existante. D'autre part, contrairement à ce que persiste à soutenir l'appelant, il ressort des termes mêmes de l'arrêté en litige que l'autorité préfectorale a fait usage de son pouvoir discrétionnaire en examinant s'il pouvait prétendre à une régularisation de son droit au séjour, les ressortissants algériens ne pouvant utilement se prévaloir des stipulations de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en application du principe rappelé au point 5. Enfin, l'autorité préfectorale n'était pas tenue de mentionner de manière exhaustive l'ensemble des éléments portés à sa connaissance et relatifs à la situation de M. A.... Ainsi, la seule circonstance selon laquelle l'autorité préfectorale n'a pas fait état de l'ensemble des attaches privées et familiales dont M. A... dispose en France n'est pas de nature à établir que les décisions en litige auraient été précédées d'un examen insuffisant de la situation personnelle de ce dernier. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Hérault se serait abstenu d'exercer l'étendue de sa compétence ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
9. M. A... soutient disposer de solides attaches sur le territoire français où il est entré alors qu'il était encore mineur, après avoir été recueilli par son oncle, qui l'héberge. Il indique être scolarisé en France et y avoir établi le centre de sa vie privée et familiale depuis plusieurs années. Il se prévaut de la présence de deux oncles et de trois neveux dont il serait proche et précise, en outre, avoir obtenu un brevet d'études professionnelles portant la mention " installation des systèmes énergétiques et climatiques " et disposer d'une promesse d'embauche en qualité de plaquiste. Toutefois, ces seuls éléments ne permettent pas d'estimer que M. A..., qui se déclare célibataire, aurait noué en France des liens privés et familiaux d'une nature et d'une intensité supérieures à ceux conservés dans son pays d'origine, qu'il a quitté à l'âge de 17 ans et dans lequel il conserve de fortes attaches familiales dès lors que ses parents, ses quatre sœurs et son frère y résident. En outre, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est entré et se maintient irrégulièrement en France, n'a pas déféré à une précédente mesure d'éloignement édictée le 30 janvier 2020 alors que les recours qu'il a formés contre cette mesure ont été rejetés par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 juillet 2020 et une ordonnance de la cour administrative d'appel de Marseille du 21 juin 2021. Dès lors, en refusant la délivrance du certificat de résidence sollicité, le préfet de l'Hérault n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ni fait une inexacte application des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle de l'appelant.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Les moyens tirés de ce que la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelant, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le surplus de ses demandes tendant à l'annulation des décisions portant refus de certificat de résidence algérien et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours contenues dans l'arrêté du préfet de l'Hérault du 25 janvier 2022. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02493