Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation de la décision du 21 août 2020 par laquelle la cheffe du service " emploi, écologie et politiques d'insertion " de la direction régionale d'Occitanie de l'Agence de services et de paiement a rejeté son recours gracieux présenté le 12 décembre 2019 tendant au bénéfice de la prime à la conversion sollicitée le 5 novembre 2018.
Par une ordonnance n° 2001994 prise le 4 novembre 2020, le premier conseiller désigné par la présidente du tribunal administratif de Pau a transmis la demande de Mme C... B... au tribunal administratif de Toulouse.
Par un jugement n° 2005835 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande présentée par Mme C... B....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 avril 2023 et le 20 octobre 2023, Mme A... C... B..., représentée par Me Lescarret, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 13 février 2023 ;
2°) d'annuler la décision prise par l'Agence de services et de paiement le 21 août 2020 rejetant son recours gracieux et sa demande de prime ;
3°) d'enjoindre à l'Agence de services et de paiement de lui accorder le bénéfice de la prime sollicitée ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de prime dans le délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation compte tenu des pièces qu'elle avait produites au soutien de sa demande ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation en tant qu'il écarte le moyen tiré de l'erreur de fait commise par l'Agence de services et de paiement s'agissant de l'incomplétude du dossier de demande de prime à la conversion ;
- les premiers juges ont méconnu les principes gouvernant la charge de la preuve dès lors qu'elle avait produit des pièces suffisantes à l'appui de ses écritures alors que l'Agence de services et de paiement n'avait pour sa part versé aucune pièce ;
- la décision du 21 août 2020 a été prise par une autorité incompétente en l'absence de justification d'une délégation de signature régulière et exécutoire ;
- la même décision est insuffisamment motivée ;
- l'Agence de services et de paiement a commis une erreur de fait en lui opposant l'incomplétude du dossier de demande de prime à la conversion alors qu'elle lui avait fait parvenir l'ensemble des pièces requises à plusieurs reprises ;
- ladite agence a méconnu l'article D. 251-3 du code de l'énergie et commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les pièces produites établissent qu'elle remplissait toutes les conditions prévues pour bénéficier de la prime à la conversion.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2023, l'Agence de services et de paiement, représentée par Me Maret, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une décision du 2 août 2023, Mme C... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par ordonnance en date du 28 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 mars 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté des ministres de la transition écologique et solidaire, de l'économie et des finances et de l'action et des comptes publics du 29 décembre 2017 relatif aux modalités de gestion des aides à l'acquisition et à la location des véhicules peu polluants ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Diard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B... a sollicité auprès de l'Agence de services et de paiement, par une demande datée du 5 novembre 2018 et reçue par ladite agence le 14 janvier 2019, le versement de l'aide à l'achat d'un véhicule peu polluant, dite prime à la conversion, prévue par l'article D. 251-3 du code de l'énergie, à la suite du remplacement de son ancien véhicule de type Peugeot 206 immatriculé pour la première fois en 1999 par un nouveau véhicule de type Peugeot 107 mis en circulation en 2006. La prime à la conversion ainsi demandée ne lui ayant toujours pas été versée après plusieurs échanges avec les agents de l'Agence de services et de paiement, l'intéressée lui a adressé, le 12 décembre 2019, un message électronique présenté comme un " recours gracieux ", par lequel elle réclamait à nouveau le bénéfice de cette prime. Par une décision prise le 21 août 2020, signée par la cheffe du service " emploi, écologie et politiques d'insertion " de la direction régionale d'Occitanie de l'Agence de services et de paiement, ce " recours gracieux " a été rejeté. Par la présente requête, Mme C... B... relève appel du jugement du 13 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision datée du 21 août 2020.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. L'article 1er de l'arrêté interministériel du 29 décembre 2017 susvisé, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " (...) / La demande de versement transmise à l'Agence de services et de paiement est accompagnée des données suivantes : / (...) / 3° Dans le cas d'une demande de prime à la conversion prévue à l'article D. 251-3 du code de l'énergie : / a) Identité du demandeur : / - une preuve de l'identité du demandeur ; / - une preuve de la domiciliation en France du demandeur ; / - les coordonnées de paiement du demandeur ; / - le cas échéant, la preuve d'une cotisation nulle de l'impôt sur le revenu de l'année précédant l'acquisition ou la location du véhicule (...) ; / b) Véhicule acquis ou loué : / - une preuve de propriété ; - une preuve d'acquisition et la date d'acquisition (...) ; / (...) / - une preuve d'immatriculation, la date d'immatriculation et la date de première immatriculation ; / - le coût d'acquisition et la valeur vénale de la batterie le cas échéant ; / - le genre national ; / (...) / c) Véhicule mis au rebut : / - la preuve de propriété ; / - la date d'acquisition ; / - la preuve d'immatriculation et la date de première immatriculation ; / - le genre national ; / - la source d'énergie ; / - la date de prise en charge pour destruction ; / - la preuve que le véhicule est non gagé ; / - la preuve que le véhicule est non endommagé au sens des dispositions des articles L. 327-1 à L. 327-6 du code de la route ; / - la preuve que le véhicule fait l'objet d'un contrat d'assurance en cours de validité à la date de sa remise pour destruction ou à la date de facturation du véhicule acquis ou loué ; / (...) ". L'article 3 du même arrêté mentionne que : " L'Agence de services et de paiement instruit les demandes d'aide mentionnées à l'article 1er du présent arrêté. En cas de dossier incomplet, elle en informe par lettre simple ou courriel le demandeur et l'invite à compléter son dossier dans un délai de trente jours. A défaut de régularisation, la demande d'aide est refusée par l'Agence de services et de paiement. ".
3. Il ressort des termes de la décision du 21 août 2020 en litige que, pour refuser le bénéfice de la prime à la conversion à Mme C... B..., la cheffe de service de l'Agence de services et de paiement a considéré que la demande d'aide n'était pas complète dès lors que le dossier ne comportait qu'une copie de la pièce d'identité de la requérante et un justificatif de domicile et qu'il ne contenait ni les certificats d'immatriculation des véhicules acquis et recyclé, ni la facture d'achat du nouveau véhicule, ni le certificat de destruction de l'ancien véhicule, ni l'attestation d'assurance, ni le certificat de non-gage, alors que l'intéressée se serait vu réclamer toutes ces pièces à plusieurs reprises depuis le 15 janvier 2020.
4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante avait initialement adressé son dossier de demande de prime par voie postale à l'Agence de services et de paiement et que le pli réceptionné par cette dernière le 14 janvier 2019 comportait bien l'ensemble des documents nécessaires, comme en témoignent les tampons de ladite agence apposés sur les copies de ces pièces, produites pour la première fois par l'appelante devant la cour. Si le dossier initial a été retourné à la requérante le 21 janvier 2019 au motif que sa demande n'aurait pas été présentée sur le formulaire approprié, il ressort des messages électroniques échangés entre les services de l'Agence et l'intéressée et il n'est du reste pas contesté que cette dernière ne pouvait pas utiliser le nouveau formulaire compte tenu de la date d'acquisition de son nouveau véhicule et qu'elle a renvoyé par la suite à nouveau son dossier par voie postale à l'Agence. La requérante démontre par ailleurs avoir adressé une succession de messages électroniques au service en charge de la prime à la conversion les 12 décembre 2019, 15 janvier 2020, 17 février 2020 et 28 mai 2020, tous accompagnés de pièces jointes référencées par un numéro de page. L'intéressée précise dans ses écritures d'appel le contenu de chacune des vingt-trois pièces jointes à ses messages des 12 décembre 2019 et 15 janvier 2020, lesquelles correspondent à celles annexées à sa demande transmise par voie postale et incluent notamment les éléments présentés comme manquants dans la décision en litige. Si l'Agence de services et de paiement persiste à soutenir que l'appelante n'a pas fourni toutes les pièces pour compléter son dossier malgré une relance par courriel au mois de juin 2020, elle ne produit cependant pas la moindre pièce à l'appui de ses écritures, notamment aucun message alertant Mme C... B... sur les lacunes de son dossier ou lui précisant les pièces restant encore manquantes. Dans ces conditions, la requérante doit être regardée comme apportant la preuve de l'envoi d'un dossier de demande de prime complet et la décision de rejet du 21 août 2020 repose donc sur des faits matériellement inexacts.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et notamment le moyen tenant à la régularité du jugement attaqué, que Mme C... B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 août 2020.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Eu égard au moyen retenu au point 4 ci-dessus pour annuler la décision en litige, le présent arrêt n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint à l'Agence de services et de paiement d'accorder le bénéfice de la prime à la conversion à Mme C... B..., mais implique qu'elle procède à un nouvel examen de sa demande d'aide. Par voie de conséquence, il y a lieu d'enjoindre à l'Agence de services et de paiement de réexaminer cette demande et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois suivant la notification de cet arrêt. En l'état de l'instruction, il n'est pas nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C... B..., laquelle n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque à verser à l'Agence de services et de paiement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, l'Etat n'ayant pas la qualité de partie dans la présente instance, les conclusions présentées par l'appelante à l'encontre de celui-ci sur le fondement de ce même article ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 13 février 2023 est annulé.
Article 2 : La décision de l'Agence de services et de paiement du 21 août 2020 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à l'Agence de services et de paiement de réexaminer la demande de prime de Mme C... B... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B..., à l'Agence de services et de paiement et à Me Lescarret.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Teulière, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL00853