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11/02/2025 | FRANCE | N°23TL01614

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 11 février 2025, 23TL01614


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler d'une part, l'arrêté du 14 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, l'arrêté du

7 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre

de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler d'une part, l'arrêté du 14 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, l'arrêté du

7 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2201443, 2202678 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2023, Mme C..., représentée par Me Berry, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 18 juillet 2022 ;

2°) d'annuler les arrêtés préfectoraux du 14 décembre 2021 et du 7 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer le titre de séjour sollicité sans délai, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la jonction des requêtes n'était pas possible dès lors que les deux arrêtés préfectoraux attaqués n'étaient pas motivés par les mêmes éléments de droit et de fait ;

- le jugement attaqué, qui omet de se prononcer sur le moyen d'irrégularité de la procédure tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour, est insuffisamment motivé et irrégulier ;

- les arrêtés attaqués sont irréguliers dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été consultée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ces arrêtés sont insuffisamment motivés ;

- les décisions portant refus de séjour méconnaissent les dispositions de l'article

L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de cet article ;

- ces décisions méconnaissent les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle justifie de considérations humanitaires et de motifs exceptionnels dès lors que sa présence en France est indispensable pour apporter son aide à son mari dont l'état de santé est dégradé ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions portant obligations de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont dépourvues de base légale ;

- ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 octobre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 13 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mai 2024 à 12 heures.

Par une décision du 7 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme C... épouse A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- et les observations de Me Berry, représentant Mme C... épouse A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante russe née le 13 juin 1988, est entrée en France le

5 octobre 2021, munie d'un visa de court séjour valable du 23 août 2021 au 22 août 2022. Par un arrêté du 14 décembre 2021, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour au titre de la vie privée et familiale, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle devait être renvoyée. Par un arrêté du 30 mars 2022, le préfet a abrogé l'arrêté du 14 décembre 2021. Par un nouvel arrêté du 7 avril 2022, le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de titre de séjour de l'intéressée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination. Par deux demandes adressées au tribunal administratif de Montpellier, Mme C... a sollicité l'annulation des arrêtés du 14 décembre 2021 et du 7 avril 2022. Le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 18 juillet 2022 dont Mme C..., épouse A..., relève appel, rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le prononcé d'une jonction ne peut entacher la régularité du jugement qu'en cas de méconnaissance de la règle selon laquelle le juge administratif ne peut prononcer la jonction d'affaires qui doivent être jugées hors la présence du public, à moins que les parties ne soient les mêmes.

3. Si l'appelante soutient que la jonction des requêtes par le tribunal ne pouvait être régulièrement décidée dès lors que les deux arrêtés préfectoraux attaqués n'étaient pas fondés sur les mêmes éléments de droit et de fait, ces deux décisions, certes distinctes, étaient néanmoins liées puisqu'elles concernaient, toutes les deux, la même requérante. De plus, les moyens soulevés étaient identiques dans les deux demandes. Dans ces conditions, le tribunal n'a pas entaché d'irrégularité sa décision en prononçant la jonction. Par suite, le moyen ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. "

5. Contrairement à ce que soutient Mme C..., épouse A..., les premiers juges ont suffisamment motivé, au point 9 de leur jugement, leur réponse au moyen d'irrégularité de la procédure tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions en annulation :

6. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des arrêtés attaqués et du défaut de consultation de la commission du titre de séjour par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 4 et 9 de son jugement.

7. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable au litige : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

8. Mme C..., épouse A..., soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux est situé en France où réside son époux, de nationalité russe, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 27 janvier 2032, et qui est atteint d'une pathologie urologique évolutive. Il ressort des pièces du dossier que si l'appelante est mariée depuis le 25 juillet 2013 avec

M. A..., elle ne résidait pas en France avec son époux de façon continue depuis son mariage jusqu'à la date de la décision attaquée dès lors qu'elle séjournait habituellement en Russie pour les besoins de son emploi de manager chargé d'un portefeuille de clients " grands comptes " qu'elle a exercé du 1er mars 2012 au 6 mars 2020. A cet égard, il ressort de l'avis d'impôt sur les revenus de l'année 2020 que son mari se déclarait célibataire auprès de l'administration fiscale française. Ainsi, alors qu'il est constant que Mme C..., épouse A..., était rentrée, en dernier lieu, sur le territoire national le 5 octobre 2021, cette dernière n'avait repris une vie commune avec son époux que depuis moins d'une année à la date des décisions attaquées. Dès lors, l'appelante ne démontre pas le caractère habituel mais seulement ponctuel de sa présence sur le territoire national, notamment au cours des dernières années ayant précédé les décisions attaquées. De plus, si elle soutient que, compte tenu de ce que la pathologie de son mari a une incidence sur les actes de la vie courante et limite ses activités physiques, sa présence en France est nécessaire pour lui apporter son assistance au quotidien, elle n'établit cependant pas, alors notamment qu'elle n'était pas présente lors de l'hospitalisation de son époux le 2 août 2021, qu'aucune autre personne, et notamment un professionnel de santé, ne pourrait la suppléer. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que l'appelante était titulaire, à la date des décisions attaquées, de deux diplômes délivrés par les autorités russes en 2007 et 2013 de technicien informatique appliqué et d'économiste dans la spécialité " Finances et crédit ", elle n'établit pas que ses diplômes et son expérience professionnelle seraient en lien direct avec les caractéristiques de l'emploi de gestionnaire comptable au sein d'un cabinet d'architectes pour lequel elle a présenté une promesse d'embauche. Dans ces conditions, les refus de titre de séjour attaqués ne portent pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels ils ont été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'erreur manifeste d'appréciation, ne peuvent qu'être écartés.

9. En troisième lieu, pour les motifs qui viennent d'être exposés, en estimant que Mme C..., épouse A..., ne justifiait pas de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires, le préfet n'a entaché ses décisions ni d'une erreur de droit au regard de l'article

L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de cet article.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui "

11. Pour les motifs exposés au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont seraient entachées les décisions portant obligation de quitter le territoire national, ne peut qu'être écarté.

12. En quatrième lieu, pour les motifs qui précèdent, le moyen tiré du défaut de base légale, dont seraient privées les décisions fixant le pays de destination, ne peut qu'être écarté.

13. En dernier lieu, la requérante allègue que son retour en Russie l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison d'un risque de conflit armé sur le territoire russe. Toutefois, elle n'établit pas qu'il existerait un risque actuel et direct pour sa personne en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen sera écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C..., épouse A..., n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés préfectoraux du 14 décembre 2021 et du 7 avril 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de Mme C..., épouse A..., est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., épouse A..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01614


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01614
Date de la décision : 11/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-11;23tl01614 ?
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