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13/02/2025 | FRANCE | N°23TL02618

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 13 février 2025, 23TL02618


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 15 juillet 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a refusé l'octroi des conditions matérielles d'accueil.



Par un jugement n° 2005800 rendu le 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le

10 novembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Moulin, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 15 juillet 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a refusé l'octroi des conditions matérielles d'accueil.

Par un jugement n° 2005800 rendu le 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Moulin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 septembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 15 juillet 2020 ;

3°) d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui verser les sommes dues au titre de l'allocation de demande d'asile à compter de ladite demande ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation à la date de cette demande, dans le délai de sept jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 480 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il mentionne " la requérante " et ne se prononce donc pas sur la situation de la bonne personne ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit s'appliquer dans sa version en vigueur lors de la demande d'asile initiale ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure en l'absence de mise en œuvre d'une procédure contradictoire préalablement à son édiction ;

- l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est incompatible avec l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;

- la décision elle-même méconnaît l'article 20 de cette directive ;

- la décision en cause se trouve entachée d'une erreur de droit, d'une erreur dans le champ d'application de la loi ou d'un défaut de base légale ;

- l'Office français de l'immigration et de l'intégration a commis une erreur de droit en se considérant, à tort, en situation de compétence liée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2024, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me de Froment, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 18 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 septembre 2024.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;

- le décret n° 2018-1159 du 14 décembre 2018 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jazeron, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant russe, né le 3 août 1998 à Vladikavkaz (Russie), entré en France le 27 juin 2016 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 21 juillet 2016, mais cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 22 novembre 2016 devenue définitive. Le préfet de l'Hérault a pris à l'encontre de l'intéressé, le 7 avril 2017, un arrêté portant obligation de quitter le territoire français. M. B... s'est maintenu en France et a sollicité le 15 juillet 2020 le réexamen de sa demande d'asile. Par une décision prise le jour même, le directeur territorial de l'antenne de Montpellier de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui a refusé l'octroi des conditions matérielles d'accueil prévues pour les demandeurs d'asile. Par la présente requête, M. B... interjette appel du jugement du 15 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Il est vrai que les premiers juges ont mentionné au point 11 du jugement attaqué, que la situation de vulnérabilité " de la requérante " avait bien été examinée lors de la demande de réexamen de sa demande d'asile du 15 juillet 2020. Le reste du jugement ne laisse toutefois pas la moindre ambiguïté sur l'identité réelle du demandeur, de sorte que l'erreur ainsi relevée par l'appelant doit être regardée comme constituant une simple erreur de plume, sans incidence sur la régularité du jugement. Le moyen soulevé sur ce point ne peut donc qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. L'article 20 de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale, dispose que : " Limitation ou retrait des conditions matérielles d'accueil : / 1. Les États membres peuvent limiter ou, dans des cas exceptionnels et dûment justifiés, retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsqu'un demandeur : / a) abandonne le lieu de résidence fixé par l'autorité compétente sans en avoir informé ladite autorité ou, si une autorisation est nécessaire à cet effet, sans l'avoir obtenue ; ou / b) ne respecte pas l'obligation de se présenter aux autorités, ne répond pas aux demandes d'information ou ne se rend pas aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile dans un délai raisonnable ; ou / c) a introduit une demande ultérieure telle que définie à l'article 2, point q), de la directive 2013/32/UE. / 2. Les États membres peuvent aussi limiter les conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils peuvent attester que le demandeur, sans raison valable, n'a pas introduit de demande de protection internationale dès qu'il pouvait raisonnablement le faire après son arrivée dans l'État membre. / 3. Les États membres peuvent limiter ou retirer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil lorsqu'un demandeur a dissimulé ses ressources financières et a donc indûment bénéficié de conditions matérielles d'accueil. / 4. Les États membres peuvent déterminer les sanctions applicables en cas de manquement grave au règlement des centres d'hébergement ainsi que de comportement particulièrement violent. / 5. Les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil (...) visées aux paragraphes 1, 2, 3 et 4 du présent article sont prises au cas par cas, objectivement et impartialement et sont motivées. Elles sont fondées sur la situation particulière de la personne concernée, en particulier dans le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité. Les États membres assurent en toutes circonstances l'accès aux soins médicaux conformément à l'article 19 et garantissent un niveau de vie digne à tous les demandeurs. / (...) ".

4. L'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige, telle qu'issue de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, mentionne que : " Outre les cas, mentionnés à l'article L. 744-7, dans lesquels il est immédiatement mis fin de plein droit au bénéfice des conditions matérielles d'accueil, le bénéfice de celles-ci peut être : / 1° Retiré si le demandeur d'asile a dissimulé ses ressources financières, a fourni des informations mensongères relatives à sa situation familiale ou a présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes, ou en cas de comportement violent ou de manquement grave au règlement du lieu d'hébergement ; / 2° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ou s'il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2. / (...) / La décision de retrait des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Elle est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites selon des modalités définies par décret. ". Selon l'article D. 744-37 du même code : " Le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile peut être refusé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration : / 1° En cas de demande de réexamen de la demande d'asile ; / 2° Si le demandeur, sans motif légitime, n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2 ; / 3° En cas de fraude. ".

5. Il résulte des dispositions du III de l'article 71 de la loi du 10 septembre 2018 et de l'article 23 du décret du 14 décembre 2018 pris pour son application que les dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile énoncées au point précédent s'appliquent à toutes les décisions initiales, prises après le 1er janvier 2019, relatives au bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Seules les décisions relatives à la suspension ou au rétablissement des conditions matérielles d'accueil accordées avant le 1er janvier 2019 restent régies par les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018. Par suite et contrairement à ce que soutient l'appelant, la décision en litige, prise le 15 juillet 2020 et portant refus des conditions matérielles d'accueil, est régie par les dispositions issues de la loi du 10 septembre 2018, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que cette décision a été prise lors du réexamen d'une demande d'asile présentée antérieurement à cette loi.

6. En premier lieu, la décision contestée mentionne qu'après examen de la situation de M. B... et compte tenu de ce que l'intéressé sollicite le réexamen de sa demande d'asile, le bénéfice des conditions matérielles d'accueil lui est refusé sur le fondement du 2° de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'article D. 744-37 du même code. L'Office français de l'immigration et de l'intégration a ainsi énoncé les éléments de droit et de fait l'ayant conduit à prendre la décision en cause et le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette dernière ne peut, par conséquent, qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, il ne résulte ni des dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable au litige, ni d'aucun autre texte législatif ou règlementaire, que l'Office français de l'immigration et de l'intégration serait tenu de mettre en œuvre une procédure contradictoire préalable et de recueillir les observations du demandeur d'asile avant de pouvoir lui refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. Il s'ensuit que le requérant ne peut utilement soutenir que la décision en litige serait entachée d'un vice de procédure faute d'avoir respecté une telle formalité.

8. En troisième lieu, d'une part, le cas de refus des conditions matérielles d'accueil prévu par le 2° de l'article L. 744-8 précité en cas de demande de réexamen correspond à l'hypothèse prévue au c) du point 1 de l'article 20 de la directive du 26 juin 2013 mentionné au point 3 du présent arrêt, permettant une limitation voire un retrait de ces conditions. Il ne prévoit pas une automaticité du refus en cas de demande de réexamen et reste donc compatible avec l'exigence d'un examen de la situation particulière de la personne concernée, posée au point 5 du même article 20 de la directive. D'autre part, il ne ressort ni de l'article L. 744-8 susmentionné, ni d'aucune autre disposition, que le refus des conditions matérielles d'accueil ferait en toutes circonstances obstacle à l'accès aux autres dispositifs prévus par le droit interne répondant aux prescriptions de ce même point 5 s'agissant de l'accès aux soins médicaux et de la garantie d'un niveau de vie digne, si l'étranger en remplit par ailleurs les conditions, tout particulièrement à l'application des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles relatives à l'aide médicale d'Etat ou de celles de l'article L. 345-2-2 du même code relatives à l'hébergement d'urgence. Par voie de conséquence, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile appliquées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à M. B... ne sont pas incompatibles avec les objectifs de la directive du 26 juin 2013 dont elles assurent la transposition et le requérant ne saurait, par suite, utilement soutenir que la décision en litige serait elle-même incompatible avec lesdits objectifs.

9. En quatrième lieu, il n'est pas contesté que l'appelant a sollicité le 15 juillet 2020 le réexamen de sa demande de protection internationale initialement présentée le 21 juillet 2016, laquelle avait fait l'objet d'un rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 22 novembre 2016 par une décision devenue définitive en l'absence de recours introduit devant la Cour nationale du droit d'asile. Le requérant se trouvait donc dans la situation prévue au 2° de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige, permettant à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de lui refuser l'octroi des conditions matérielles d'accueil. Par voie de conséquence, les moyens tirés de ce que la décision en litige se trouverait entachée d'une erreur de droit, d'une erreur dans le champ d'application de la loi ou d'un défaut de base légale doivent être écartés.

10. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'Office français de l'immigration et de l'intégration se serait considéré en situation de compétence liée pour refuser les conditions matérielles d'accueil à M. B... au seul motif qu'il sollicitait le réexamen de sa demande d'asile. La décision contestée précise d'ailleurs qu'elle a été prise après examen de la situation du requérant et l'Office a justifié, au sein de son mémoire en défense de première instance, avoir procédé à une réévaluation de la vulnérabilité de l'intéressé le 15 juillet 2020, jour de l'édiction de la décision en cause. Il ressort au surplus de cette réévaluation et il n'est du reste pas contesté qu'aucune vulnérabilité particulière n'avait été exprimée ou constatée dans la situation de l'appelant, lequel avait notamment indiqué être hébergé par sa famille.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juillet 2020 en litige.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, lequel n'a pas la qualité de partie dans la présente instance, ni, en tout état de cause, de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lequel n'est pas la partie perdante, une somme quelconque à verser à l'appelant au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Me Moulin.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL02618


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02618
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23tl02618 ?
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