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03/04/2025 | FRANCE | N°23TL00686

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 03 avril 2025, 23TL00686


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet de l'Hérault a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision tacite par laquelle le maire de Mauguio ne s'est pas opposé à la déclaration préalable présentée par M. A... B... pour régulariser le changement de destination d'un bâtiment agricole en habitation, ainsi que la décision implicite par laquelle la même autorité a refusé de procéder au retrait de cette décision tacite.



Par un jugement n° 2100300 du 9 fé

vrier 2023, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé l'annulation de ces deux décisions et a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de l'Hérault a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision tacite par laquelle le maire de Mauguio ne s'est pas opposé à la déclaration préalable présentée par M. A... B... pour régulariser le changement de destination d'un bâtiment agricole en habitation, ainsi que la décision implicite par laquelle la même autorité a refusé de procéder au retrait de cette décision tacite.

Par un jugement n° 2100300 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé l'annulation de ces deux décisions et a rejeté les conclusions indemnitaires présentées par M. B..., ainsi que les conclusions présentées par ce dernier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 mars 2023, 20 octobre 2023 et 4 janvier 2024, M. A... B..., représenté par Me Joseph-Massena, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du 9 février 2023 ;

2°) de rejeter comme irrecevable la demande présentée par le préfet de l'Hérault devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis des erreurs de droit, de fait et de qualification juridique en écartant la fin de non-recevoir qu'il avait opposée tirée de la tardiveté du déféré préfectoral ;

- le délai de recours imparti au préfet a commencé à courir à compter de la réception de l'entier dossier de déclaration préalable par les services préfectoraux ou, au moins, à partir de la fin du délai d'instruction imparti à la commune pour statuer sur la déclaration ;

- le courrier adressé par le préfet au maire le 20 octobre 2020 ne constitue pas un recours gracieux et n'a donc pas prorogé le délai de recours contentieux ouvert au préfet ; le maire a satisfait aux demandes présentées par le préfet dans ledit courrier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable car elle se borne à reprendre les moyens de première instance en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- le déféré n'était pas tardif dès lors que le délai de recours n'a commencé à courir que lorsque ses services ont été informés de l'existence de la décision tacite de non-opposition et que son recours gracieux du 20 octobre 2020 a prorogé le délai de recours contentieux ;

- la décision tacite de non-opposition en litige est illégale au regard des prescriptions du plan local d'urbanisme et du plan de prévention des risques naturels d'inondation applicables sur le territoire de la commune de Mauguio ce que l'appelant ne conteste d'ailleurs plus.

Par ordonnance en date du 11 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Diard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a déposé le 12 décembre 2019 une déclaration préalable tendant à la régularisation du changement de destination d'un bâtiment agricole en habitation, sur un terrain situé chemin Les Fournieux, sur le territoire de la commune de Mauguio (Hérault). Par un arrêté pris le 10 janvier 2020, le maire de cette commune s'est opposé à cette déclaration préalable, mais, par un certificat en date du 18 août 2020, après avoir relevé que l'arrêté d'opposition du 10 janvier 2020 n'avait pas été notifié à M. B... avant l'expiration du délai d'un mois prévu par l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme, le maire a retiré l'arrêté en cause et attesté que l'intéressé bénéficiait d'une décision tacite de non-opposition à déclaration préalable.

2. Le préfet de l'Hérault a notamment demandé au maire de Mauguio, par une lettre du 20 octobre 2020, réceptionnée par la commune le 24 octobre suivant, de procéder au retrait de la décision tacite de non-opposition née sur la déclaration préalable de M. B.... Le maire n'ayant pas prononcé ce retrait dans le délai de deux mois suivant la réception de cette lettre, l'autorité préfectorale a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'un déféré tendant à l'annulation de cette décision tacite, ainsi que de la décision implicite par laquelle le maire a refusé de retirer ladite décision tacite. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 9 février 2023 par lequel le tribunal administratif a annulé ces décisions.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. L'appelant soutient que les premiers juges auraient commis des erreurs de droit, de fait et de qualification juridique dans le raisonnement qu'ils ont suivi pour écarter sa fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du déféré préfectoral. De tels moyens relèvent toutefois de l'office du juge de cassation et non pas du juge d'appel, auquel il revient de statuer directement sur la fin de non-recevoir ainsi invoquée, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

4. L'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales dispose que : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. (...) ". Parmi les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 de ce code figurent, au 6°, " Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol délivrés par le maire (...) ". Selon l'article L. 424-8 du code de l'urbanisme : " Le permis tacite et la décision de non-opposition à une déclaration préalable sont exécutoires à compter de la date à laquelle ils sont acquis. ". Aux termes de l'article R. 423-7 du même code, dans sa version applicable au présent litige : " Lorsque l'autorité compétente pour délivrer le permis ou se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est le maire au nom de la commune, celui-ci transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt. ". L'article R. 423-23 de ce code fixe à un mois le délai d'instruction de droit commun pour les déclarations préalables. Enfin, l'article R. 424-1 du même code mentionne qu'à défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction, le silence gardé par l'autorité administrative vaut décision de non-opposition à la déclaration préalable.

5. Il ressort des pièces du dossier et il n'est au demeurant pas contesté que le maire de Mauguio a transmis au préfet de l'Hérault, le 2 janvier 2020, l'entier dossier de la déclaration préalable présentée par M. B... le 12 décembre 2019. Le maire lui a transmis ensuite, le 16 janvier 2020, l'arrêté du 10 janvier précédent portant opposition à cette déclaration préalable, pris avant l'expiration du délai d'instruction d'un mois prévu à l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme. Il est constant que la transmission de l'arrêté d'opposition du 10 janvier 2020 au représentant de l'Etat n'était pas assortie de l'indication de la date de sa notification à M. B..., intervenue le 14 janvier suivant, de sorte que le préfet ne pouvait pas savoir, au regard des seules informations en sa possession, qu'une décision tacite de non-opposition était née le 12 janvier 2020 en raison de la notification tardive de l'arrêté du 10 janvier précédent, lequel doit ainsi être regardé comme ayant retiré cette décision tacite. Il ressort au contraire des pièces du dossier que le préfet n'a été informé de la remise en vigueur de la décision tacite de non-opposition que le 27 août 2020, lors de la réception du certificat de non-opposition établi par le maire le 18 août précédent. Dans les circonstances de l'espèce et alors même que l'autorité préfectorale n'a pas vérifié la date de notification de l'arrêté d'opposition du 10 janvier 2020, le délai imparti à cette autorité pour déférer la décision tacite de non-opposition en litige devant le tribunal administratif de Montpellier n'a donc commencé à courir que le 27 août 2020.

6. Sauf dans le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. Les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, qui limitent le délai pendant lequel une autorisation d'urbanisme peut être retirée, spontanément ou à la demande d'un tiers, par l'autorité qui l'a délivrée, n'ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle, d'une part, à ce que le représentant de l'Etat puisse former un recours gracieux, jusqu'à l'expiration du délai dont il dispose pour déférer un tel acte au tribunal administratif, et, d'autre part, à ce que le cours de ce délai soit interrompu par l'exercice de ce recours gracieux.

7. Il ressort des termes mêmes de la lettre adressée le 20 octobre 2020 par le préfet de l'Hérault au maire de Mauguio, laquelle mentionne au demeurant qu'elle constitue un recours gracieux visant à " éviter de saisir le juge administratif ", que le préfet a demandé au maire, de manière explicite, de procéder au retrait de la décision tacite de non-opposition à déclaration préalable née le 12 janvier 2020. La seule circonstance que l'autorité préfectorale a rappelé à juste titre au maire la nécessité d'obtenir préalablement une demande de retrait de la décision tacite de la part de son bénéficiaire, en raison de l'expiration du délai de retrait prévu à l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, n'est pas de nature à faire perdre son caractère de recours gracieux à cette lettre, laquelle a ainsi valablement prorogé le délai de recours contentieux imparti au préfet. Dès lors que le maire n'a pas retiré la décision tacite en litige dans les deux mois suivant la réception de ladite lettre le 24 octobre 2020, une décision implicite de rejet du recours gracieux est née le 24 décembre suivant et le préfet était donc recevable à demander, par son déféré enregistré au tribunal administratif de Montpellier le 21 janvier 2021, l'annulation de la décision tacite de non-opposition ainsi que de la décision implicite refusant de procéder au retrait de cette décision. Il en résulte que c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir opposée par M. B... tirée de la tardiveté du déféré préfectoral.

8. Il ressort, par ailleurs, de la motivation du jugement contesté que, pour prononcer l'annulation des deux décisions du maire de Mauguio, le tribunal administratif de Montpellier a retenu que le changement de destination du bâtiment déclaré par M. B... méconnaissait l'article L. 151-11 du code de l'urbanisme ainsi que les prescriptions du plan de prévention des risques d'inondation en vigueur sur le territoire de la commune. Dès lors que le requérant ne remet pas en cause en appel le bien-fondé des motifs ainsi retenus par les premiers juges pour prononcer cette annulation et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet à la requête d'appel, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces deux décisions.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante en l'espèce, une somme quelconque à verser au requérant au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et à la commune de Mauguio.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2025.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL00686


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00686
Date de la décision : 03/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: M. Diard
Avocat(s) : JOSEPH MASSENA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-03;23tl00686 ?
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