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15/04/2025 | FRANCE | N°23TL02663

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 15 avril 2025, 23TL02663


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une première requête enregistrée sous le n° 2105213, d'annuler la décision du 6 juillet 2021 par laquelle la section disciplinaire du conseil académique de l'université Toulouse III - Paul Sabatier a prononcé, à titre de sanction disciplinaire, son exclusion pour une durée de deux ans assortie de 19 mois de sursis et d'une exécution immédiate. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 2204064, M. B..

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une première requête enregistrée sous le n° 2105213, d'annuler la décision du 6 juillet 2021 par laquelle la section disciplinaire du conseil académique de l'université Toulouse III - Paul Sabatier a prononcé, à titre de sanction disciplinaire, son exclusion pour une durée de deux ans assortie de 19 mois de sursis et d'une exécution immédiate. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 2204064, M. B... a demandé au tribunal de condamner l'université Toulouse III - Paul Sabatier Universitéà lui verser la somme globale de 56 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive entachant la sanction prononcée à son encontre.

Par un jugement n°s 2105213 - 2204064 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision de la section disciplinaire de l'université Toulouse III - Paul Sabatier du 6 juillet 2021 et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 16 novembre 2023, le 5 septembre 2024 et le 16 mars 2025, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Dibon-Courtin, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 septembre 2023 en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'indemnisation ;

2°) de condamner l'Université de Toulouse à lui verser la somme globale de 54 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive entachant la décision de la section disciplinaire du conseil académique de l'université Toulouse III-Paul Sabatier du 6 juillet 2021 prononçant, à titre de sanction disciplinaire, son exclusion de l'université pour une durée de deux ans, assortie de 19 mois de sursis et d'une exécution immédiate ;

3°) de rejeter l'appel incident présenté par l'Université de Toulouse dirigé contre le jugement précité en tant qu'il a annulé la sanction du 6 juillet 2021 ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

En ce qui concerne sa requête d'appel :

- sa requête est recevable dès lors qu'elle est accompagnée de la production du jugement attaqué, de sorte que la fin de non-recevoir opposée en défense sur ce point doit être écartée ;

- l'illégalité entachant la sanction disciplinaire prononcée à son endroit est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Université de Toulouse ;

- il a bien subi un préjudice moral et matériel dont il est fondé à obtenir l'indemnisation à hauteur de 50 000 euros dès lors, d'une part, qu'il a exposé des honoraires d'avocat dans le cadre de la procédure disciplinaire et, d'autre part, qu'il a, sans fondement, subi de graves accusations, lesquelles ont eu pour effet de déclencher une hostilité à son endroit, notamment de la part de membres du corps enseignant, et d'affecter le déroulement de ses études en obérant ses capacités d'apprentissage et de concentration et sa santé psychique ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la réalité de ses préjudices moral et matériel et le lien de causalité entre ces préjudices et la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire sont établis par les certificats médicaux attestant du lien entre la fragilité de son état psychique et les graves accusations portées à son encontre, lesquelles ont nécessité un traitement médicamenteux et un suivi psychologique ainsi que par les honoraires d'avocat exposés pour sa défense lors de la procédure disciplinaire ;

- il a également subi un préjudice professionnel justifiant le versement d'une indemnité de 4 000 euros dès lors que son licenciement est intervenu après que l'université de Toulouse III - Paul Sabatier a pris l'initiative d'informer son employeur qu'il faisait l'objet d'une sanction disciplinaire, portant ainsi atteinte à sa vie privée, à son honneur et à sa réputation ;

- par un jugement du 23 mai 2024, le conseil de prud'hommes de Toulouse a annulé son licenciement au motif qu'il ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne l'appel incident présenté par l'Université de Toulouse :

- cet appel doit être rejeté et le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il a annulé la sanction en litige pour erreur de fait et erreur d'appréciation ;

- la sanction en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que :

* un témoin a été auditionné par la rapporteure en l'absence de la rapporteure-adjointe, laquelle n'a pas été régulièrement convoquée ;

* l'instruction a été exclusivement conduite par la rapporteure et, de surcroît, à charge, cette dernière ayant mené l'ensemble des auditions sans la moindre participation de la rapporteure-adjointe, ce qui ne garantit par une instruction collégiale et neutre ;

* le rapport d'instruction est entaché de partialité dès lors que son auteur y a pris position quant à la matérialité des faits,démontrant par là-même que l'instruction a été menée à charge ; en outre, cette dernière a manqué d'impartialité en posant des questions très souvent orientées et dépourvues d'objectivité et n'a pas fait état des nombreuses contradictions de la prétendue victime dans ses déclarations ;

* ses droits de la défense ont été méconnus dès lors qu'il n'a pas eu accès à l'ensemble des pièces du dossier en temps utile pour assurer sa défense ;

* les procès-verbaux ont été retranscrits plusieurs semaines voire plusieurs mois après l'audition des témoins et certains n'ont pas été contre-signés par les témoins auditionnés ;

* les convocations émanant des rapporteures ou de la commission de discipline lui ont systématiquement été adressées en période d'examens ;

* le procès-verbal de son audition ne lui a pas été transmis et ne figure pas dans le bordereau de pièces qui lui a été communiqué ;

* il existe une discordance entre les pièces régulièrement transmises par courriels à son conseil et le sommaire valant bordereau de pièces joint à la procédure ;

* il n'a pas été destinataire de l'ensemble des pièces fondant la sanction en litige, notamment les pièces n°s 6 et 28 ;

* la commission de discipline était irrégulièrement composée lors qu'elle s'est tenue en présence de la rapporteure, laquelle a fait preuve de partialité à son encontre, en méconnaissance de l'article R. 811-22 du code de l'éducation ;

- la sanction en litige est entachée d'inexactitude matérielle des faits dès lors qu'elle repose sur de simples captures d'écran retraçant des conversations privées échangées sur un serveur " Discord " dont l'accès n'était possible que sur invitation. Ainsi, ces conversations ont été illégalement obtenues par l'université en méconnaissance du principe de loyauté de l'administration de la preuve, du secret des correspondances et du droit au respect de la vie privée et familiale et du secret des correspondances protégés par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du code civil ; contrairement à ce qui est mentionné dans la décision en litige, il n'est pas établi qu'il aurait adopté un comportement inadapté lors de cours magistraux ;

- elle est disproportionnée au regard des faits qui lui sont reprochés, de l'absence d'antécédent disciplinaire et du caractère irréprochable de son comportement ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 28 février 2024 et le 3 mars 2025, l'Université de Toulouse, venant aux droits de l'université Toulouse III - Paul Sabatier, représentée par Me Fernandez-Begault, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. B... ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 1er du jugement attaqué prononçant l'annulation de la décision du 6 juillet 2021 portant sanction disciplinaire ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne l'appel principal :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors qu'elle n'est pas accompagnée d'une copie du jugement attaqué ;

- les conclusions indemnitaires de M. B... doivent être rejetées dès lors que le préjudice moral allégué n'est pas établi et que le lien de causalité entre ce préjudice et la procédure disciplinaire ayant conduit à son exclusion à titre disciplinaire n'est pas démontré ; la sanction en litige a été prononcée le 6 juillet 2021, soit à une date à laquelle l'intéressé avait achevé ses examens et n'avait plus vocation à se rendre dans les locaux de l'université ;

- il n'existe pas de lien direct et certain entre le licenciement de M. B... et la procédure disciplinaire diligentée à son encontre dès lors, d'une part, que ce dernier a obtenu son diplôme et, d'autre part, que ce licenciement est également fondé sur une pluralité de motifs en lien avec son environnement professionnel.

En ce qui concerne son appel incident :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la sanction en litige repose sur des faits matériellement établis par le rapport d'instruction et par les différents témoignages attestant de ce que, indépendamment des captures d'écran résultant de conversations privées, M. B... a adopté un comportement outrancier, provocateur et problématique à l'endroit d'une étudiante de son master qui s'est répercuté sur l'ensemble de sa promotion ; ce comportement est de nature à caractériser un trouble à l'ordre, au bon fonctionnement et à la réputation de l'université ;

- des comportements tenus même en dehors de l'établissement tels que des échanges sur des messageries peuvent caractériser un trouble à l'ordre, au bon fonctionnement et à la réputation de l'université.

Par une ordonnance du 24 février 2025, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mars 2025, à 12 heures.

Par une lettre du 24 mars 2025, les parties ont été informées de ce que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de l'appel incident présenté par l'Université de Toulouse dès lors qu'il porte sur un litige distinct de l'appel principal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;

- les observations de Me Dibon-Courtin, représentant M. B... et celles de Me Lauler, substituant Me Fernandez-Begault, représentant l'Université de Toulouse.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né en 1997, était inscrit au sein de l'université Toulouse III-Paul Sabatier, aux droits de laquelle est venue l'Université de Toulouse, au cours des années universitaires 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021 en vue d'y suivre une formation conduisant à la délivrance des masters 1 et 2 portant la mention " développement logiciel ". Au mois de septembre 2019, M. B... a sympathisé avec une étudiante de sa promotion lors de la journée d'intégration de son master puis a entamé avec cette dernière une relation personnelle. Le 22 juillet 2020, le co-responsable du parcours de développement logiciel du master a saisi le directeur de la faculté de sciences et d'ingénierie d'un signalement portant sur des agissements de M. B... susceptibles de constituer des faits de harcèlement. Par une lettre du 22 juillet 2020, le directeur de la faculté de sciences et d'ingénierie a demandé au président de l'université de traduire M. B... devant la section disciplinaire en raison des agissements précités. Par une lettre du 10 novembre 2020, le président de l'université a saisi la section disciplinaire du conseil académique de ces faits. Par une décision du 6 juillet 2021, la section disciplinaire du conseil académique de l'université Toulouse III - Paul Sabatier a prononcé l'exclusion de M. B... pour une durée de deux ans, assortie de 19 mois de sursis et d'une exécution immédiate. Par une lettre du 3 janvier 2022, reçue le 6 janvier suivant, M. B... a présenté une demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive entachant cette sanction. Le silence gardé par l'université Toulouse III - Paul Sabatier sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet. Par un jugement n°s 2105213 - 2204064 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 6 juillet 2021 précitée et rejeté les conclusions à fin d'indemnisation présentées par M. B.... M. B... demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à ses demandes indemnitaires. Par la voie de l'appel incident, l'Université de Toulouse demande à la cour d'annuler l'article 1er de ce jugement annulant la décision du 6 juillet 2021 précitée.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel tirée de l'absence de production du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative, rendu applicable aux instances d'appel sur renvoi de l'article R. 811-13 du même code : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué (...) ".

3. M. B... a joint à sa requête d'appel une copie du jugement n°s 2105213 - 2204064 du 28 septembre 2023 du tribunal administratif de Toulouse. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense, tirée du défaut de production du jugement attaqué, doit être écartée.

Sur l'appel incident de l'Université de Toulouse :

4. Les conclusions par lesquelles l'Université de Toulouse demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 1er du jugement attaqué annulant la décision de la section disciplinaire du conseil académique du 6 juillet 2021 reposent sur une cause juridique distincte de l'appel principal présenté par M. B..., lequel tend uniquement à contester l'article 3 du même jugement rejetant ses conclusions de plein contentieux indemnitaires tendant à la condamnation de l'État à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'illégalité fautive entachant la décision du 6 juillet 2021 précitée. Ces conclusions d'appel incident, présentées après l'expiration du délai d'appel, soulèvent un litige distinct. Elles sont, dès lors, irrecevables et doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation restant en litige :

5. En principe, toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain en lien avec la faute commise et ses effets.

6. Il résulte des motifs du jugement attaqué, devenus définitifs, que le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision de la section disciplinaire du conseil académique de l'université Toulouse III - Paul Sabatier du 6 juillet 2021, sanctionnant M. B..., pour des motifs de fond tenant à l'erreur d'appréciation et à l'inexactitude matérielle des faits reprochés à l'intéressé. Eu égard à la nature des motifs de légalité qui fondent cette annulation, remettant en cause le bien-fondé même de la sanction, l'illégalité ainsi commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'endroit de M. B... à la condition de présenter un lien de causalité direct et certain avec les préjudices allégués.

En ce qui concerne le préjudice moral :

7. En premier lieu, M. B... soutient qu'à la suite de la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire à son encontre, il a été contraint d'évoluer dans un climat hostile pendant ses études. Il est constant que les faits reprochés à M. B... ont été relayés par certains membres du corps enseignant sur le réseau social " Twitter " ou que ces derniers ont tenu oralement des propos commentant la procédure disciplinaire diligentée à son encontre. Toutefois, il résulte de l'instruction que ces messages et propos n'émanent pas de l'Université de Toulouse, en tant que telle, laquelle n'a pour sa part émis aucune approbation quant à leur contenu et n'engagent que leurs auteurs. Par suite, ces messages et propos, quelles qu'en aient été la portée et la teneur, ne présentent aucun lien avec l'illégalité fautive en litige et ne sauraient, dès lors, engager la responsabilité de cette université.

8. En deuxième lieu, M. B... soutient avoir engagé des frais dans le cadre de la prise en charge psychologique rendue nécessaire par la procédure disciplinaire diligentée à son encontre. Toutefois, il résulte de l'instruction que si les faits reprochés à M. B... au sein de l'Université de Toulouse ont été évoqués à l'occasion du litige qui a opposé ce dernier à son employeur, il ressort du jugement du conseil des prud'hommes de Toulouse du 23 mai 2024 et de la lettre de licenciement du 20 octobre 2021, que le licenciement de M. B... reposait sur son comportement professionnel, qualifié d'inadapté, et sur son manque de rigueur et d'assiduité dans l'accomplissement de ses missions, de sorte que le lien de causalité directe entre la sanction en litige et la dégradation de son état de santé n'est pas établi. En outre, il résulte de l'instruction que M. B... a demandé à cette juridiction prudhommale l'indemnisation des frais liés au suivi psychologique qu'il indique avoir été contraint d'engager du fait de son licenciement, et non pas du fait de la sanction en litige. Par suite, le caractère direct et certain du lien de causalité entre les frais engagés par l'appelant pour bénéficier d'un suivi psychologique et l'illégalité fautive entachant la décision du 6 juillet 2021 prononçant son exclusion temporaire n'est, dans ces circonstances, pas établi.

9. En troisième et dernier lieu, il résulte de l'instruction que la sanction disciplinaire en litige est intervenue le 6 juillet 2021, soit à la fin de l'année universitaire et postérieurement à l'obtention du diplôme de master 2 par M. B... qui ne démontre pas, ni même n'allègue, avoir projeté de poursuivre un autre cursus d'études au sein de l'Université de Toulouse. Toutefois, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la sanction en litige a nécessairement eu des conséquences sur les conditions d'existence de M. B..., notamment ses capacités d'apprentissage et de concentration et, notamment, sur le déroulement serein de ses examens dès lors que la procédure disciplinaire diligentée à son encontre a duré près d'une année. Pour autant, il résulte de l'instruction que l'intéressé a obtenu un contrat en alternance, puis signé un contrat à durée indéterminée avec le même employeur, et validé son diplôme de master 2 en développement logiciel. Compte tenu du retentissement limité de la sanction en litige dans le déroulement du parcours universitaire et le parcours professionnel de M. B..., il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par l'intéressé en condamnant l'Université de Toulouse à lui verser une indemnité de 1 000 euros.

En ce qui concerne le préjudice matériel :

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier de la facture récapitulative d'honoraires exposés pour la procédure disciplinaire, et des éléments produits par l'intéressé en réponse au supplément d'instruction diligenté par la cour, que M. B... a été contraint d'exposer des frais d'avocat pour assurer la défense de ses intérêts dans le cadre de la procédure disciplinaire menée par l'université. Ces frais présentent un lien direct et certain avec la sanction disciplinaire en litige annulée par les premiers juges. Il sera, dès lors, fait une exacte appréciation du préjudice matériel subi par M. B... en condamnant l'Université de Toulouse à lui verser une indemnité de 5 149,50 euros.

11. En second lieu, M. B... soutient que son employeur l'a licencié après avoir été informé, par l'université Toulouse III - Paul Sabatier, de la procédure disciplinaire. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier du contrat de travail versé au dossier, qu'à l'issue de son contrat d'alternance, M. B... a été recruté en qualité d'ingénieur logiciel sous le statut de cadre par un contrat à durée indéterminée conclu le 12 juillet 2021 prenant effet à compter du 28 septembre 2021, soit postérieurement à la sanction en litige du 6 juillet 2021. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 8, les motifs ayant conduit à son licenciement du 20 octobre 2021 ne reposent pas sur la procédure disciplinaire diligentée à son encontre. Ainsi que cela résulte des motifs de la décision de licenciement, la décision de licencier M. B... repose sur une pluralité de faits en lien avec l'exécution de son contrat de travail, son chef de projet ayant alerté sa hiérarchie des changements de comportement de ce dernier à l'approche du terme de son contrat d'alternance, au rang desquels figurent une communication orale inadaptée à un environnement professionnel, un manque d'assiduité en raison de son absence lors de la réunion d'équipe organisée le 20 juillet 2021, des retards réguliers lors des points d'équipe hebdomadaires, ainsi qu'un manque de rigueur et de précision dans l'estimation du travail lui restant à faire et dans ses remontées d'alertes. Si M. B... se prévaut, en dernier lieu, du jugement du 23 mai 2024 par lequel le conseil des prud'hommes de Toulouse a annulé son licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, il résulte de ce jugement que cette annulation est motivée par la subsistance d'un doute sur la matérialité des frais précédemment décrits lequel devait profiter au salarié. Dès lors que, indépendamment de l'illégalité fautive entachant la sanction disciplinaire en litige, il ne résulte pas de l'instruction que M. B... n'aurait pu être licencié en raison de son seul comportement professionnel, il n'existe pas de lien de causalité direct et certain entre la perte de revenus alléguée par ce dernier et l'illégalité fautive entachant la sanction disciplinaire en litige. Par suite, les conclusions à fin d'indemnisation de la perte de rémunération subie par l'appelant doivent être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation, et qu'il est seulement fondé demander à ce que l'Université de Toulouse soit condamnée à lui verser une indemnité de 6 149,50 euros. Il résulte également de tout ce qui précède que l'appel incident présenté par l'Université de Toulouse doit être rejeté.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Université de Toulouse demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'Université de Toulouse une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : L'article 3 du jugement n°s 2105213-11004064 du tribunal administratif de Toulouse du 28 septembre 2023 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : L'Université de Toulouse est condamnée à verser à M. B... une indemnité de 6 149,50 euros.

Article 3 : L'Université de Toulouse versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'appel incident présenté par l'université de Toulouse et le surplus des conclusions des parties sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Université de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL02663


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02663
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement supérieur et grandes écoles - Universités.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : DIBON COURTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-15;23tl02663 ?
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