Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Meli a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2020 par lequel le maire de Le Thor a refusé de lui accorder un permis de construire pour la réalisation de travaux sur une construction existante implantée sur un terrain situé n° 443 cours Gambetta.
Par un jugement n° 2003712 du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de la société Meli et a mis à sa charge une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une ordonnance n° 23MA00800 du 5 avril 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis le dossier de la requête de la société civile immobilière Meli à la cour administrative d'appel de Toulouse.
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 avril 2023 et le 11 juin 2024, la société civile immobilière Meli, représentée désormais par la SELARL Item avocats, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Le Thor du 10 novembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au maire de Le Thor de lui accorder le permis de construire ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Le Thor une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le maire de Le Thor n'était pas tenu de refuser le permis de construire au regard de l'article L. 151-10 du code de l'urbanisme puisque le projet ne portait pas sur une construction nouvelle, mais seulement sur la régularisation de la création de deux logements dans le volume bâti existant avec une modification de la façade ; à titre subsidiaire, le projet pouvait aussi être regardé comme consistant en une démolition partielle de la façade et il permettait de rendre l'immeuble plus conforme au règlement du plan local d'urbanisme ;
- le maire a fait une inexacte application des articles L. 621-30 et L. 621-32 du code du patrimoine en ce qu'il n'existe pas de covisibilité entre le bâtiment en litige et les monuments historiques visés dans l'arrêté attaqué, de sorte que l'accord de l'architecte des bâtiments de France n'était pas nécessaire ; l'avis défavorable émis par cet architecte est illégal en ce qu'il procède d'une erreur d'appréciation, son auteur n'ayant pas correctement apprécié la nature et la portée des travaux et l'amélioration apportée à l'aspect du bâtiment ;
- la fin de non-recevoir opposée par la commune ne peut, en outre, être accueillie car l'arrêté en litige ne mentionnait pas l'obligation de présenter un recours administratif préalable auprès du préfet de région préalablement à tout recours contentieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2024, la commune de Le Thor, représentée par Me Allégret-Dimanche, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société requérante une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande de première instance était irrecevable en ce que la société requérante n'a pas présenté le recours préalable obligatoire auprès du préfet de région s'agissant d'un refus de permis reposant sur l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France ;
- les moyens invoqués par l'appelante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 11 juin 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- les observations de Me Wautier, représentant la société appelante,
- et les observations de Me Allégret-Dimanche, représentant la commune de Le Thor.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière Meli est propriétaire d'un bâtiment de type hangar industriel, implanté sur la parcelle cadastrée section AD n° 958, située n° 443 cours Gambetta, sur le territoire de la commune de Le Thor (Vaucluse). La majeure partie du rez-de-chaussée de l'immeuble est occupée par un garage de mécanique automobile et la société Meli a souhaité réaménager le reste du bâtiment, notamment l'étage, pour y créer des logements. Bien que le maire de Le Thor ait rejeté, le 15 octobre 2012, une première demande de permis de construire présentée à cette fin, ladite société a commencé à réaliser les travaux prévus et s'est vu notifier, le 20 février 2014, un procès-verbal d'infraction aux règles d'urbanisme. Elle a présenté par la suite une nouvelle demande de permis de construire, tendant à la régularisation du changement partiel de destination de l'immeuble pour deux logements aménagés à l'étage, mais un nouveau refus lui a été opposé par le maire le 1er mars 2016. La société Meli a sollicité, à nouveau, le 31 août 2020, un permis de construire concernant ce même bâtiment, portant à la fois sur la régularisation des deux logements réalisés à l'étage et sur une modification de la façade donnant sur la voie publique. Par un arrêté pris le 10 novembre 2020, le maire de Le Thor lui a refusé ce permis. Par la présente requête, la société Meli relève appel du jugement du 31 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que, pour refuser le permis de construire sollicité par la société Meli le 31 août 2020, le maire de Le Thor s'est fondé, d'une part, sur l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France résultant de l'avis défavorable rendu par cette autorité le 23 octobre 2020 au motif que le projet ne permettrait pas la conservation et la mise en valeur des monuments historiques locaux et, d'autre part, sur ce que le bâtiment en litige est situé dans un secteur dans lequel le plan local d'urbanisme de la commune subordonne la délivrance du permis de construire à la démolition des bâtiments existants sur le site.
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " I. - Les immeubles ou ensembles d'immeubles qui forment avec un monument historique un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à sa conservation ou à sa mise en valeur sont protégés au titre des abords. / La protection au titre des abords a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. / II. - La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. (...) / En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. (...) ". Selon l'article L. 621-32 du même code : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords. (...) ". En outre, aux termes de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans les abords des monuments historiques, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-32 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées (...). ".
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment de la vue aérienne et des photographies produites par la société Meli et la commune de Le Thor en première instance, que le bâtiment en litige est situé à environ 100 mètres du château Courtet et de son allée centrale, lesquels sont inscrits à l'inventaire des monuments historiques depuis respectivement 1996 et 2019. Il ressort de ces mêmes pièces que le château, son allée et l'immeuble de la société Meli sont visibles en même temps depuis la voie publique. Il en ressort également que l'immeuble en litige est visible en même temps que l'église Notre-Dame-du-Lac et la porte de l'Horloge, autres monuments historiques implantés dans le rayon des 500 mètres, depuis un pont routier situé à l'entrée de la ville, soit un endroit normalement accessible au public. Par suite, le projet présenté par la société Meli dans sa demande de permis de construire, lequel comporte notamment une modification de l'aspect extérieur de la façade sur rue, nécessitait l'accord de l'architecte des bâtiments de France au titre de la protection des abords des monuments historiques. Dès lors, le moyen tiré de l'absence de nécessité de l'accord de cet architecte ne peut qu'être écarté.
5. D'autre part et en revanche, il ressort des pièces produites par les deux parties que l'immeuble en cause est un bâtiment volumineux de type hangar industriel, implanté au bord de la voie publique à l'entrée de la ville, dont le rez-de-chaussée est occupé par une entreprise de mécanique automobile et dont la façade présente un aspect particulièrement dégradé, qualifié de " très disgracieux " par l'architecte des bâtiments de France dans deux avis antérieurs émis les 10 octobre 2012 et 1er décembre 2015. Il ressort par ailleurs de la notice et des pièces graphiques jointes à la demande de permis de construire que le projet de la société Meli prévoit la reprise et le ravalement de la façade donnant sur la voie pour améliorer son esthétique en supprimant le portail coulissant et l'horizontalité des percements, laquelle était critiquée par l'architecte des bâtiments de France dans ses avis antérieurs susmentionnés, par la réalisation de baies avec loggias végétalisées, l'ajout d'ornements de teinte vert cyprès, la réfection des enduits dans des tons terre d'ombre naturelle et blanc cassé et l'installation d'un soubassement en bardage bois. Au regard de l'existant, les travaux ainsi prévus ne peuvent être regardés comme étant de nature à porter atteinte à la conservation et à la mise en valeur des monuments historiques situés à proximité ou de leurs abords. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que l'avis conforme défavorable de l'architecte des bâtiments de France du 23 octobre 2020, sur lequel le maire s'est fondé pour refuser le permis de construire, procède d'une inexacte application des dispositions du code du patrimoine énoncées au point 3 du présent arrêt.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 151-10 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter les secteurs dans lesquels la délivrance du permis de construire peut être subordonnée à la démolition de tout ou partie des bâtiments existants sur le terrain où l'implantation de la construction est envisagée. ". Selon l'article UB 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Le Thor, applicable à la zone UB où se situe le terrain en litige, approuvé par délibération du conseil municipal du 16 mars 2017 : " (...) / 2.2. La zone UB comprend un secteur délimité en application de l'article L. 151-10 du code de l'urbanisme. A l'intérieur de ce secteur, la délivrance du permis de construire est subordonnée à la démolition des bâtiments existants sur le terrain où l'implantation de la construction est envisagée. (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier, plus particulièrement du document graphique du plan local d'urbanisme, que le terrain d'assiette du projet en litige est situé dans le secteur, nommé " périmètre de démolition ", à l'intérieur duquel les auteurs de ce plan ont entendu subordonner la délivrance du permis de construire à la démolition des bâtiments existants, en cohérence avec l'orientation d'aménagement et de programmation " Entrée de ville ouest ", instituée par ce même plan, laquelle vise à requalifier l'ensemble de la zone pour y créer environ quatre-vingts logements. La société Meli ne peut utilement soutenir, pour contester le motif de refus opposé par le maire à ce titre, que son projet ne consiste pas en la réalisation d'une construction nouvelle, dès lors que l'obligation de démolition préalable prévue par le plan local d'urbanisme s'applique à tous les permis de construire et pas seulement à ceux portant sur des constructions nouvelles. Si ladite société soutient, par ailleurs, que son projet consisterait en une démolition partielle de la façade susceptible d'être autorisée au regard des prescriptions précitées du plan local d'urbanisme, les simples travaux de percement d'ouvertures prévus sur cette façade ne peuvent, en tout état de cause, être regardés comme constituant une démolition du bâtiment, même partielle, au sens de l'article UB 2 précité. Enfin, la circonstance que le projet rendra l'immeuble litigieux plus conforme à d'autres dispositions du plan local d'urbanisme est sans incidence sur l'application de l'article UB 2, un tel motif ne permettant pas de s'exonérer de l'obligation de démolition préalable imposée par les auteurs du plan dans ce secteur. Par suite, le maire de Le Thor a pu légalement refuser le permis de construire sollicité par la société Meli au motif que le projet présenté ne s'accompagnait pas de la démolition du bâtiment existant.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que le maire de Le Thor n'a pu légalement rejeter la demande de permis de construire en se fondant sur l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France, lui-même illégal. Il résulte toutefois de l'instruction que le maire aurait pris la même décision de refus sur cette demande de permis s'il s'était uniquement fondé sur le motif tiré de ce que le projet présenté ne s'accompagnait pas de la démolition du bâtiment existant, lequel suffisait à justifier légalement le refus comme il vient d'être dit.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Le Thor en défense, que la société Meli n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement du 31 janvier 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation et n'implique donc aucune mesure d'exécution particulière au titre des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Le Thor, laquelle n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque à verser à la société requérante au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Meli le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune intimée sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société civile immobilière Meli est rejetée.
Article 2 : La société Meli versera une somme de 1 500 euros à la commune de Le Thor sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Meli et à la commune de Le Thor.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de Vaucluse, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23TL00762