Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Terra Loti a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2021 par lequel le maire de Bourdic a refusé de lui accorder un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement de quatorze lots à bâtir sur une parcelle cadastrée section 49 AE n° 258, située chemin des Cruelles.
Par un jugement n° 2201772 rendu le 16 avril 2024, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2021, a enjoint au maire de Bourdic de délivrer le permis d'aménager sollicité dans un délai de trois mois, a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par la commune au titre de ces mêmes dispositions.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2024, la commune de Bourdic, représentée par Me Mouakil, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2024 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Terra Loti devant le tribunal administratif de Nîmes ;
3°) de mettre à la charge de la société Terra Loti une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif de Nîmes a considéré à tort que le projet de lotissement en litige n'était pas incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation de la zone IIAU du " Ponteil " contenue dans le plan local d'urbanisme de la commune : le projet contrarie les principes prévus par cette orientation s'agissant des aires de stationnement, des interfaces végétalisées, des placettes, des trottoirs, des espaces piétons et de la trame urbaine ;
- les motifs retenus par les premiers juges pour censurer le motif de refus tenant au non-respect des emplacements réservés sont inopérants dès lors que chacun des deux autres motifs de l'arrêté en litige suffisait à justifier légalement le refus du permis sollicité ;
- le tribunal administratif a estimé à tort que le projet de lotissement ne présentait pas un risque pour la sécurité publique au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, alors que ledit projet ne prévoit pas une aire de retournement pour les véhicules de secours au niveau de l'impasse et que la borne incendie prévue par la société pétitionnaire est insuffisante.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2024, la société par actions simplifiée Terra Loti, représentée par Me Pons, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Bourdic une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par ordonnance en date du 11 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de M. Diard, rapporteur public,
- les observations de Me Mouakil, représentant la commune appelante,
- et les observations de Me Margnoux, représentant la société intimée.
Considérant ce qui suit :
1. La société Terra Loti a sollicité, le 13 septembre 2021, un permis d'aménager pour la réalisation d'un lotissement composé de quatorze lots à bâtir, dénommé " Les Cépages du Ponteil ", pour une surface de plancher totale à construire de 2 590 m2, sur la parcelle cadastrée section 49 AE n° 258, présentant une superficie de 9 891 m2, située chemin des Cruelles, sur le territoire de la commune de Bourdic (Gard). Par un arrêté pris le 9 décembre 2021, le maire de ladite commune a refusé de lui accorder ce permis d'aménager. La société Terra Loti a présenté, le 4 février 2022, un recours gracieux contre cet arrêté, lequel a été implicitement rejeté par le maire. Par un jugement rendu le 16 avril 2024, le tribunal administratif de Nîmes, saisi par la société Terra Loti, a prononcé l'annulation de l'arrêté du 9 décembre 2021, a enjoint au maire de Bourdic de délivrer le permis d'aménager dans un délai de trois mois, a mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par la commune sur le fondement de ce même article. Par sa requête, la commune de Bourdic relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Une décision refusant une autorisation d'urbanisme pour plusieurs motifs ne peut être annulée par le juge de l'excès de pouvoir à raison de son illégalité interne que si chacun des motifs qui pourraient suffire à la justifier sont entachés d'illégalité. Saisi d'un jugement ayant annulé une décision refusant une autorisation d'urbanisme, il appartient au juge d'appel, pour confirmer cette annulation, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation que les premiers juges ont retenus, dès lors que ces motifs sont contestés devant lui. En revanche, si le juge d'appel estime que l'un des motifs de la décision de refus litigieuse est fondé et que l'administration aurait pris la même décision si elle avait retenu ce seul motif, il peut rejeter la demande d'annulation de cette décision et infirmer en conséquence le jugement attaqué devant lui, sans être tenu de statuer sur la légalité des autres motifs retenus par l'administration.
3. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que, pour refuser le permis d'aménager sollicité par la société Terra Loti, le maire de Bourdic s'est fondé, d'une part, sur ce que l'opération de lotissement projetée était incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation de la zone IIAU du " Ponteil " telle qu'instituée par le plan local d'urbanisme de la commune, d'autre part, sur ce que ledit projet n'était pas conforme aux emplacements réservés nos 1 et 2 instaurés par ce même plan et, enfin, sur ce que l'opération serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme au regard du risque incendie. Il ressort par ailleurs de la motivation du jugement attaqué que, pour prononcer l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Nîmes a estimé qu'aucun de ces trois motifs n'était de nature à justifier légalement le refus du permis d'aménager sollicité par la société Terra Loti. En appel, la commune de Bourdic ne conteste pas le bien-fondé des motifs retenus par les premiers juges pour censurer le motif de refus tenant à la non-conformité du projet avec les emplacements réservés, mais soutient que chacun des deux autres motifs opposés par le maire suffisait, à lui seul, pour fonder légalement le rejet de la demande de permis.
4. En premier lieu, selon l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan, sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. / Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation. ". Il résulte de ces dispositions qu'une autorisation d'urbanisme ne peut être légalement délivrée par l'administration si les travaux ou les aménagements qu'elle prévoit sont incompatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation d'un plan local d'urbanisme et, notamment, en contrarient les objectifs.
5. En outre, les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les dispositions tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un ou plusieurs lots d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité administrative de refuser le permis d'aménager ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée, lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme nécessaires.
6. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de lotissement en litige est inscrit dans le périmètre de l'orientation d'aménagement et de programmation de la zone IIAU du " Ponteil ", laquelle a pour but, selon les auteurs du plan local d'urbanisme, de " produire une urbanisation de type intermédiaire, plus dense que l'habitat pavillonnaire, mais qui reste adaptée à la " façon moderne d'habiter " (organisation limitant les co-visibilités, création d'espaces communs, espaces de jardins, parkings communs) pour concilier qualité de vie et limitation de la consommation d'espace ". L'orientation en cause présente l'organisation souhaitée pour cette zone sous la forme d'un schéma d'aménagement articulé autour de plusieurs " principes " et prévoit une densité moyenne de 15 logements par hectare. Elle décrit également, sous le titre " composition urbaine ", trois modèles de " trames bâties " pour l'implantation des maisons à construire, en indiquant qu'il conviendra de chercher à cet égard " à produire des volumes importants et simples, à développer des continuités de bâti, à diversifier la taille et les formes des parcelles (et) à limiter les co-visibilités pour estomper " l'effet lotissement " ". Elle prescrit par ailleurs des mesures spécifiques concernant la " trame verte " et le traitement des interfaces entre les espaces communs et les espaces privés en insistant sur la volonté de " limiter l'effet de cloisonnement des clôtures ", soit par l'aménagement d'interfaces végétales ou de murets, soit par l'absence de clôture ou l'installation de clôtures basses à claire voie.
7. D'une part, le projet de la société Terra Loti porte sur un lotissement de quatorze maisons individuelles à bâtir sur une parcelle d'une superficie de 9 891 m2, soit une densité légèrement supérieure à 14 logements par hectare, proche de celle prévue par les auteurs du plan local d'urbanisme dans l'orientation d'aménagement et de programmation de la zone IIAU du " Ponteil ". La notice de présentation jointe à la demande de permis d'aménager précise que l'emprise au sol des constructions est limitée à 25 % de la superficie de la parcelle, soit un pourcentage inférieur à celui prescrit par le règlement applicable à la zone, ce qui est de nature à répondre à l'objectif d'une " urbanisation de type intermédiaire " fixé par ladite orientation. Il ressort en outre du plan de composition annexé à la demande de permis que la société intimée s'est largement inspirée du schéma d'aménagement contenu dans cette orientation s'agissant de l'organisation générale du lotissement et de l'implantation prévisionnelle des quatorze maisons, notamment en adoptant des tailles et des formes de lots variées et en identifiant, sur chacun des lots, des " zones constructibles " et des " vecteurs d'implantation " favorisant des volumes simples, pour leur très grande majorité parallèles ou perpendiculaires entre eux et en décalés partiels, comme y invitent les modèles de " trames bâties " visés au point précédent.
8. D'autre part, le projet de lotissement en litige comporte une voie en impasse jusqu'à l'extrémité sud-ouest de la parcelle et n'obère donc pas la possibilité de réaliser la voie piétonne prévue par l'orientation d'aménagement et de programmation sur les terrains voisins. Le même projet intègre l'aménagement d'un trottoir sur un côté de la voie principale comme représenté sur le schéma d'aménagement contenu dans ladite orientation, lequel ne saurait être regardé comme impliquant nécessairement la réalisation de trottoirs sur les deux côtés de la voie. Les limites des lots destinés à être bâtis en fond de terrain seront séparées de la rue par un espace vert, par une placette végétalisée et/ou par un muret constitué par un " rang d'aggloméré ", ce qui satisfait à l'objectif poursuivi par les auteurs du plan, alors même que l'orientation d'aménagement et de programmation prévoyait plutôt des murets en pierres en l'absence de végétalisation. De même, les limites de la plupart des lots ayant vocation à accueillir des maisons proches de la rue seront séparées de celle-ci par le trottoir comme le prévoit l'orientation en cause. Enfin, si la commune requérante ajoute dans ses écritures que le projet en litige contreviendrait au " principe " des aires communes de stationnement, il ressort toutefois des pièces du dossier que quinze places de parking seront mutualisées entre les lots, sur les vingt-six places figurant sur les plans.
9. Il résulte de tout ce qui a été exposé aux deux points précédents que le projet de lotissement n'est pas incompatible avec l'orientation d'aménagement de programmation de la zone IIAU du " Ponteil ". En conséquence, le maire de Bourdic n'a pas pu légalement se fonder sur une telle incompatibilité pour rejeter la demande de permis d'aménager en litige.
10. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis d'aménager sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
11. D'une part, le lotissement projeté par la société Terra Loti sera desservi par une voie principale à sens unique présentant une largeur de 3 mètres correspondant à celle recommandée par le " guide technique relatif à la desserte et l'accessibilité des véhicules d'incendie et de secours " élaboré par le service départemental d'incendie et de secours du Gard. Si cette voie principale donne accès à une voie secondaire en impasse d'une longueur légèrement supérieure à 50 mètres au bout de laquelle n'a été prévue aucune aire de retournement pour les véhicules de secours, il ressort cependant des plans de l'opération que cette impasse présentera une largeur de 5,50 mètres et qu'elle ne desservira que deux lots, de sorte que l'absence d'aire de retournement n'est pas de nature à justifier légalement le refus du permis d'aménager sur le fondement de l'article R. 111-2 précité du code de l'urbanisme. Le service départemental d'incendie et de secours du Gard n'a au demeurant émis aucune réserve particulière à cet égard dans son avis sur le projet rendu le 28 octobre 2021. D'autre part, s'il est constant que la borne incendie existante la plus proche se situe à plus de 200 mètres de la parcelle, il ressort néanmoins des plans et du programme de travaux versés au dossier que la société pétitionnaire a prévu l'installation d'une borne incendie spécifique à l'entrée du lotissement. En se bornant à se prévaloir d'un avis émis le 29 octobre 2021 par le service en charge du réseau d'eau potable selon lequel cet ouvrage ne serait pas " règlementaire " au regard du diamètre du réseau de desserte en amont de la zone, sans préciser la règlementation qui serait ainsi méconnue et alors que les modalités projetées pour la défense incendie du projet ont été validées par le service départemental d'incendie et de secours dans son avis sus-évoqué, la commune n'établit pas non plus l'existence d'un risque de nature à justifier le refus du permis d'aménager. Il s'ensuit que le maire de Bourdic a fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en retenant que le projet était de nature à porter atteinte à la sécurité publique au titre du risque incendie.
12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Bourdic n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté pris par son maire le 9 décembre 2021, a enjoint à celui-ci de délivrer le permis d'aménager sollicité par la société Terra Loti et a mis à sa charge le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Terra Loti, laquelle n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque à verser à la commune de Bourdic au titre des frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune appelante le versement d'une somme de 1 500 euros au profit de la société intimée en application de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Bourdic est rejetée.
Article 2 : La commune de Bourdic versera une somme de 1 500 euros à la société Terra Loti sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bourdic et à la société par actions simplifiée Terra Loti.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2025, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet du Gard, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24TL01585