Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, par laquelle le PREFET DES YVELINES demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801053 du 11 février 2008 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 5 février 2008 décidant la reconduite à la frontière de M. Francis X et a enjoint au préfet de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ;
Le PREFET DES YVELINES soutient que les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ont été respectées et que son arrêté n'interdit pas à M. X de revenir sur le territoire national en respectant la réglementation en vigueur ; que l'intéressé s'est maintenu sur le territoire en usurpant une identité lui permettant d'obtenir un travail ; que M. X soutient avoir une relation avec Mlle Y, qui réside à Paris, alors que lui-même réside en Seine-Maritime ; qu'il ne peut donc utilement se prévaloir de l'éclatement de sa famille en cas de retour dans son pays d'origine ; que, s'il a reconnu son enfant, il ne justifie pas subvenir effectivement à ses besoins ; que, dans ces conditions, le magistrat délégué ne pouvait retenir le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
.............................................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 octobre 2008 :
- le rapport de Mme Riou, magistrat désigné,
- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;
Sur le jugement attaqué :
Considérant que le PREFET DES YVELINES relève appel du jugement par lequel le magistrat délégué par le Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 11 janvier 2007, pris à l'encontre de M. X, de nationalité ivoirienne ;
Considérant que, pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DES YVELINES à l'encontre de M. X, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a estimé que la mesure de reconduite à la frontière a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, aux termes desquels : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que le premier juge a retenu que les stipulations de l'article 3-1 précité de la convention relative aux droits de l'enfant ont été méconnues en ce que M. X a une relation avec Mlle Y, titulaire d'une carte de séjour temporaire, dont il a eu un enfant né le 23 janvier 2008, qu'il a reconnu et qu'il prend en charge, et que l'arrêté attaqué aurait pour conséquence de séparer son enfant de l'un de ses parents ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. X a déclaré une adresse dans le département de la Seine-Maritime alors que Mlle Y réside à Paris et que si l'intéressé fait valoir des difficultés à trouver un logement commun, il ne justifie d'aucune démarche tendant à obtenir un tel logement ; que, s'il fait valoir qu'il est néanmoins très présent auprès de sa fille, il ne justifie pas, par des pièces probantes, subvenir aux besoins de son enfant ; qu'en outre, si M. X soutient que la mise à exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière aurait pour conséquence de priver son enfant de la présence de son père, il ne fait état d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce qu'il emmène avec lui sa compagne, qui a, au demeurant, la même nationalité que lui, et leur enfant, afin de reconstituer leur vie familiale dans leur pays d'origine ; que, dès lors, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; que, par suite, le PREFET DES YVELINES est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté du 5 février 2008 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au juge d'appel des reconduites à la frontière, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable : « II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ;
Considérant que M. X a déclaré être arrivé en France en 2005 sans, toutefois, être en mesure de justifier d'une entrée régulière sur le territoire national ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, en deuxième lieu, que pour prononcer la reconduite à la frontière de M. X, le PREFET DES YVELINES s'est notamment fondé sur l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en retenant que, si M. X a déclaré avoir un enfant, il n'a apporté aucun élément confirmant qu'il l'avait reconnu depuis lors ; que M. X ne justifie pas avoir, à la date de la décision attaquée, donné une telle information au préfet ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'est entaché ni d'erreur de fait ni d'erreur de droit ;
Considérant, en troisième lieu, que la réalité de la relation dont se prévaut le requérant avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour temporaire n'est pas établie par les seules pièces versées au dossier, qui mentionnent notamment des adresses différentes pour chacun d'entre eux ; qu'à en supposer même la réalité établie, cette relation présentait, à la date à laquelle l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été pris, un caractère récent ; que, par ailleurs, si M. X soutient qu'il est venu rejoindre son père, de nationalité française, alors que sa mère est décédée en 2002 et qu'il n'a plus aucune attache familiale en Côte d'Ivoire, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans dans son pays d'origine et qu'il ne justifie pas de l'intensité de ses liens avec son père, qui vivrait en France depuis plus de vingt ans ; que, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, l'arrêté attaqué n'a pas, eu égard aux conditions de son séjour en France, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, ce même arrêté n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'il comporte sur la vie personnelle de l'intéressé ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
Considérant que M. X se borne à soutenir qu'il serait exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Côte d'Ivoire sans assortir cette allégation d'aucune précision utile ou pièce probante permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles doit être rejetée ;
Sur les conclusions reconventionnelles aux fins d'injonction et d'astreinte :
Considérant que le présent arrêt, qui annule le jugement du Tribunal administratif de Versailles susvisé, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions reconventionnelles tendant à ce que la cour enjoigne au PREFET DES YVELINES, sous astreinte, de délivrer un titre de séjour à M. X, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles n° 0801053, en date du 11 février 2008, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
N° 08VE00634 2