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26/05/2009 | FRANCE | N°07VE02307

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 26 mai 2009, 07VE02307


Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2007 en télécopie et le 6 septembre 2007 en original, présentée pour Mme Léa Y-MAAS, demeurant ..., par Me Beaussier ; Mme Y-MAAS demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0104723 du 5 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité à la somme de 14 000 euros le montant de l'indemnisation mise à la charge de l'Etablissement public de santé Ville Evrard en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'accident dont elle a été victime, le 15 avril 1996, pendant son hospitalisation dans

cet établissement ;

2°) de condamner l'Etablissement public de santé V...

Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2007 en télécopie et le 6 septembre 2007 en original, présentée pour Mme Léa Y-MAAS, demeurant ..., par Me Beaussier ; Mme Y-MAAS demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0104723 du 5 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a limité à la somme de 14 000 euros le montant de l'indemnisation mise à la charge de l'Etablissement public de santé Ville Evrard en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'accident dont elle a été victime, le 15 avril 1996, pendant son hospitalisation dans cet établissement ;

2°) de condamner l'Etablissement public de santé Ville Evrard à lui verser une indemnité totale de 83 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement public de santé Ville Evrard les frais d'expertise ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'en n'indemnisant pas le déficit fonctionnel temporaire, le tribunal administratif n'a pas fait une juste application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 ; que ce chef de préjudice doit être évalué à la somme de 18 000 euros ; que l'expert ayant retenu une incapacité permanente partielle de 13 %, son déficit fonctionnel permanent doit être évalué à la somme de 15 000 euros ; que, compte tenu de ses graves brûlures, elle est fondée à demander une indemnité de 20 000 euros au titre des souffrances physiques, évaluées à 4 / 7 ; qu'elle peut prétendre à une indemnisation de 10 000 euros en réparation du préjudice esthétique avant consolidation et de 10 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ; qu'enfin, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel doivent être réparés par une indemnité de 5 000 euros chacun ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code civil ;

Vu l'arrêté du 11 décembre 2008 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2009 :

- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,

- et les observations de Me Aron, avocat de l'Etablissement public de santé Ville Evrard ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Y-MAAS, alors âgée de 32 ans, a été admise à l'Etablissement public de santé Ville Evrard le 4 avril 1996, sous le régime de l'hospitalisation à la demande d'un tiers ; que, le 15 avril 1996, alors qu'elle se trouvait dans sa chambre, elle a mis le feu aux vêtements qu'elle portait, au moyen d'un briquet qui se trouvait en sa possession ; qu'en raison de la gravité de ses brûlures, il a été procédé à son transfert, d'abord au centre hospitalier de Montfermeil (Seine-Saint-Denis), puis à l'hôpital Saint-Antoine à Paris ; que Mme Y-MAAS a recherché, devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, la responsabilité de l'Etablissement public de santé Ville Evrard et demandé la condamnation de cet établissement à réparer les conséquences dommageables résultant des séquelles dont elle reste atteinte ; que Mme Y-MAAS, qui a fait l'objet d'une mesure de curatelle renforcée par décision du Tribunal d'instance d'Antony en date du 18 décembre 2006, interjette appel, avec l'assistance de M. Y, son curateur, du jugement du 5 juillet 2007 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné l'établissement susmentionné à lui verser une indemnité de 14 000 euros, qu'elle estime insuffisante ; que, par la voie de l'appel incident, l'Etablissement public de santé Ville Evrard présente des conclusions tendant, à titre principal, à sa mise hors de cause et, à titre subsidiaire, à une réduction du montant des condamnations mises à sa charge ;

Sur la responsabilité de l'Etablissement public de santé Ville Evrard :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Y-MAAS, qui souffrait de troubles psychiques depuis de nombreuses années et avait tenté de se donner la mort par défenestration en 1994, a dû interrompre le traitement qu'elle suivait en mars 1996 dans un centre de rééducation fonctionnelle, en raison des idées suicidaires qu'elle exprimait à nouveau ; que les divers certificats médicaux établis par les praticiens de l'Etablissement public de santé Ville Evrard à compter du 4 avril 1996, lors de la mise en oeuvre de la mesure d'hospitalisation à la demande d'un tiers, relèvent le risque de récidive suicidaire ; que la notion de péril imminent est d'ailleurs mentionnée dans un certificat du 5 avril 1996 ; que si l'Etablissement public de santé Ville Evrard entend contester sa responsabilité en faisant valoir que Mme Y-MAAS était en mesure, à tout moment, de se procurer un briquet auprès d'un visiteur ou d'une autre personne hospitalisée, il ne fournit à la Cour aucune précision sur l'organisation de la surveillance des patients ni sur les modalités selon lesquelles ces derniers pouvaient avoir accès à leurs effets personnels ; qu'eu égard au risque de suicide auquel elle était exposée, dont l'établissement avait une parfaite connaissance, la circonstance que Mme Y-MAAS ait pu se trouver en possession d'un briquet, l'introduire dans sa chambre malgré l'interdiction de fumer et mettre le feu à ses vêtements révèle un défaut de surveillance constitutif d'une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité de l'établissement hospitalier, alors même que, comme le soutient ce dernier, son état n'aurait pas justifié son placement en chambre d'isolement ;

Considérant que l'Etablissement public de santé Ville Evrard fait également valoir, d'une part, qu'en ne respectant pas l'interdiction de fumer dans sa chambre, Mme Y-MAAS a elle-même commis une faute d'imprudence de nature à atténuer la responsabilité du centre hospitalier et, d'autre part, que le préjudice dont il est demandé réparation est directement imputable à l'utilisation d'un briquet par la patiente et non au défaut de surveillance retenu à son encontre ; que, toutefois, en raison de la mesure d'hospitalisation à la demande d'un tiers dont elle faisait l'objet, Mme Y-MAAS se trouvait placée sous la surveillance constante de l'établissement hospitalier, en vertu des dispositions de l'article L. 333 alors applicable du code de la santé publique ; que l'Etablissement public de santé Ville Evrard, qui connaissait les tendances tabagiques de la patiente et devait prendre toutes mesures destinées à prévenir l'utilisation d'un objet dangereux par l'intéressée, n'est fondé ni à soutenir qu'en se procurant un briquet, Mme Y-MAAS aurait commis une faute de nature à l'exonérer partiellement de sa responsabilité, ni à contester l'existence d'un lien de causalité direct entre le défaut de surveillance susmentionné et les brûlures dont a souffert l'intéressée ; que, dès lors que c'est le défaut de surveillance du service qui a rendu possibles les agissements de la patiente, la responsabilité de l'Etablissement public de santé Ville Evrard se trouve engagée à raison de la totalité du dommage corporel et non, ainsi que le soutient celui-ci, à concurrence d'une simple perte d'une chance ;

Considérant que, si le médecin expert relève qu'un délai de cinq heures s'est écoulé entre la découverte des faits et l'arrivée de Mme Y-MAAS à l'hôpital Saint-Antoine à Paris, il précise que la patiente a été d'abord conduite par le service d'aide médicale urgente au centre hospitalier de Montfermeil, où elle a reçu les premiers soins ; qu'il ne résulte pas des observations de l'expert que ces premiers soins n'auraient pas été nécessaires ou que les circonstances dans lesquelles le transfert a été effectué révèleraient une faute dans la prise en charge de la patiente par le service d'aide médicale urgente du centre hospitalier susmentionné, lequel n'a d'ailleurs été appelé en cause par aucune partie, tant en première instance qu'en appel ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que les conditions du transfert auraient aggravé les lésions dont souffrait la patiente ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etablissement public de santé Ville Evrard n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a retenu sa responsabilité à raison des blessures subies par Mme Y-MAAS le 15 avril 1996 et l'a condamné à réparer les conséquences dommageables de cet accident ;

Sur le préjudice :

Sur les droits à réparation de Mme Y-MAAS et le recours subrogatoire de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007, le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale, doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

Considérant que Mme Y-MAAS conteste l'évaluation, par le tribunal administratif, des éléments du préjudice qu'elle a subi ; qu'il y a lieu de statuer poste de préjudice par poste de préjudice, en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

En ce qui concerne le préjudice à caractère patrimonial :

Considérant qu'au titre des dépenses de santé, la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne a justifié qu'elle avait supporté des débours s'élevant à la somme non contestée de 26 045,91 euros ;

En ce qui concerne le préjudice à caractère personnel :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la période d'incapacité temporaire totale imputable aux lésions provoquées par les brûlures s'est étendue du 15 avril au 5 août 1996 et que Mme Y-MAAS demeure atteinte d'une incapacité permanente partielle de 10 % ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature, incluant le préjudice d'agrément, que la requérante a subis pendant la période susmentionnée et qui résultent également de son taux de déficit fonctionnel permanent, en fixant à la somme de 13 000 euros l'indemnisation de ce chef de préjudice ; que les souffrances endurées par Mme Y-MAAS, évaluées par l'expert à 4 sur une échelle de 1 à 7, et le préjudice esthétique, évalué à 3 sur la même échelle, doivent être réparés par une indemnité s'élevant, au total, à la somme de 8 000 euros, cette dernière somme devant être regardée comme incluant la réparation du préjudice esthétique temporaire ; qu'ainsi, la requérante est fondée à soutenir que le tribunal administratif a fait une insuffisante évaluation de son préjudice personnel en lui allouant à ce titre une indemnité de 14 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité due par l'Etablissement public de santé Ville Evrard à Mme Y-MAAS s'établit à la somme totale de 21 000 euros ; que, dès lors, le jugement attaqué doit être réformé en tant qu'il a accordé à cette dernière une somme limitée à 14 000 euros ;

Sur les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne :

Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif a condamné l'Etablissement public de santé Ville Evrard à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 26 045,91 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2007, date d'enregistrement de sa demande ; qu'en appel, cette caisse a présenté, le 13 août 2008, une demande tendant à la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité susmentionnée ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) ; qu'aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 11 décembre 2008 susvisé : Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 955 euros et à 95 euros à compter du 1er janvier 2009 ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etablissement public de santé Ville Evrard l'indemnité forfaitaire prévue par ces dispositions, soit, en l'espèce, 955 euros, au profit de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etablissement public de santé Ville Evrard le versement à Mme Y-MAAS et à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne d'une somme de 2 000 euros chacune au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etablissement public de santé Ville Evrard est condamné à verser à Mme Y-MAAS la somme de 21 000 euros.

Article 2 : Les intérêts afférents à l'indemnité de 26 045,91 euros que l'Etablissement public de santé Ville Evrard a été condamné à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 5 juillet 2007 qui sont échus le 13 août 2008 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etablissement public de santé Ville Evrard versera à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne une indemnité forfaitaire de gestion de 955 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 5 juillet 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etablissement public de santé Ville Evrard versera à Mme Y-MAAS et à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme Y-MAAS et les conclusions de l'Etablissement public de santé Ville Evrard sont rejetés.

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N° 07VE02307 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 07VE02307
Date de la décision : 26/05/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FRYDMAN
Rapporteur ?: Mme Françoise BARNABA
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : ARON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2009-05-26;07ve02307 ?
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