Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2008, présentée pour la société SAVY, dont le siège est 47, avenue des Etats Généraux à Versailles (78000), par Me Motte et Me Danis ; la société SAVY demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0500397 en date du 29 septembre 2008 par laquelle le président de la 7ème chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2001 au 31 octobre 2003, pour un montant de 90 547 euros, assorti des intérêts moratoires ;
2°) de lui accorder la restitution des droits en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le mécanisme instauré par l'article 35 de la loi de finance rectificative du 30 décembre 2000 n'a pas été notifié à la Commission européenne ; que les stipulations de l'article 88 du Traité instituant la Communauté européenne imposaient cette notification quand bien même le produit de la taxe a été transféré au budget de l'Etat ; qu'il existe en fait un lien d'affectation contraignant entre le produit de la taxe et le financement du service de l'équarrissage, la taxe sur les achats de viande restant la source de financement de ce service ; que ce lien est notamment révélé par l'intention du législateur, par l'absence d'écart significatif entre le produit de la taxe et les dépenses estimées du service d'équarrissage et par le mécanisme de financement du service de l'équarrissage après le 1er janvier 2001 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la communauté européenne ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;
Vu l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000, notamment son article 35 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2010 :
- le rapport de M. Bruand, président,
- et les conclusions de M. Dhers, rapporteur public ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions; qu'aux termes de l'article 88 du même traité: 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;
Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ;
Considérant que l'invocation par la société requérante, d'une part, des intentions du gouvernement et du législateur exprimées à l'occasion de débats parlementaires ou de réponses ministérielles de ne pas obérer le budget général de l'Etat des dépenses autrefois supportées par le fonds spécial géré par le Centre National pour l'Aménagement des Structures des Exploitations Agricoles (CNASEA), d'autre part d'une absence d'écart significatif constatée entre le produit de la taxe et les dépenses à couvrir, n'est pas, à elle seule, suffisante pour établir le maintien du lien d'affectation de la taxe ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant plus, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de lien d'affectation contraignant entre elle et le service public de l'équarrissage, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, la société requérante ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle, que la société SAVY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 7ème chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe en litige ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société SAVY est rejetée.
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N° 08VE03739