Vu la requête, enregistrée le 1er juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles , présentée pour M. et Mme A, demeurant à Mansac - Le Perrier Bas - La Rivière de Mansac (Corrèze) et la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (MAIF) dont le siège est situé à Niort (79060 cedex 9), par Me Drappier-Vilard, avocat au barreau de Versailles ;
M. et Mme A et la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0709933 du 14 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Versailles n'a que partiellement accueilli leurs demandes tendant à la condamnation de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux et de la commune de Viroflay à leur verser diverses indemnités en réparation du préjudice subi par M. et Mme A à la suite de désordres causés au pavillon dont ils sont propriétaires, situé 4 rue Racine à Viroflay (Yvelines) ;
2°) de condamner la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux à verser :
- à M. et Mme A la somme totale de 307 971,28 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2005 avec capitalisation des intérêts ;
- à la MAIF la somme totale de 465 799,52 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2005 avec capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux la somme de 3 500 euros à verser à M. et Mme A et la somme de 5 000 euros à verser à la MAIF, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que les désordres apparus dans leur pavillon, situé 4 rue Racine à Viroflay, ont pour cause deux ruptures d'une canalisation d'eau potable, les 21 et 28 novembre 2003 ; que leur pavillon menaçait de s'effondrer ; que la seule solution possible était la démolition puis la reconstruction ; que cette maison, qu'ils ont acquise en 1983, a été construite en 1935, est restée très stable jusqu'au sinistre et n'a jamais présenté de fissures ; que la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux n'est pas fondée à invoquer l'instabilité du terrain, la mauvaise qualité des fondations de la maison et la présence d'un puisard sous le pavillon ; que celui-ci n'a eu aucune influence dans la survenue des désordres ; que la maison repose sur un sol sain ; que la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux, chargée de la distribution de l'eau potable et de l'entretien du réseau de canalisations, est responsable du dommage ; que la MAIF, auprès de laquelle sont assurés M. et Mme A , est subrogée dans les droits de ces derniers à concurrence des sommes qu'elle a supportées, soit 435 243,15 euros au titre des travaux de démolition-reconstruction du pavillon et 30 556,37 euros au titre des frais de déménagement, garde-meubles, frais d'études géotechnique, terrassement, géomètre ; qu'elle a justifié qu'elle était régulièrement subrogée ; que M. et Mme A ont subi un préjudice matériel s'élevant à la somme de 15 788,52 euros, un préjudice de jouissance de 101 808 euros, un préjudice moral qui doit être évalué à la somme de 190 000 euros et doivent également obtenir le remboursement d'un constat d'huissier pour un montant de 374,76 euros ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse An VIII ;
Vu le code civil ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2010 :
- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,
- et les observations de Me Drappier-Vilard, pour M. et Mme A et pour la MAIF, et de Me Radigon, pour la société Veolia Eau-Compagnie générale des eaux ;
Considérant que, par jugement du 14 mai 2009, le Tribunal administratif de Versailles a condamné la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux à verser les sommes de 6 000 euros et de 9 741 euros respectivement à M. et Mme A et à la MUTUELLE ASSURANCE DES INSTITUTEURS DE FRANCE (MAIF), subrogée partiellement dans les droits de ses assurés, en réparation des conséquences dommageables résultant d'une inondation survenue en novembre 2003, qui a entraîné des désordres dans le pavillon situé 4, rue Racine à Viroflay (Yvelines) et appartenant aux époux A ; que ces derniers et la MAIF relèvent appel du jugement susmentionné en faisant valoir que la part de responsabilité mise à la charge de la société Veolia Eau-Compagnie générale des eaux est insuffisante et que leur préjudice a été sous-estimé ; que, par la voie de l'appel incident, la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux demande une diminution de la part de responsabilité laissée à sa charge ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles, qu'une canalisation du réseau de distribution d'eau potable s'est rompue à deux reprises, les 21 et 28 novembre 2003, au droit du pavillon dont M. et Mme A sont propriétaires et devant la porte d'entrée, provoquant une inondation du sol et de nombreux désordres, notamment un basculement da la maison ; que les dommages subis par les requérants sont directement imputables à la rupture de la canalisation d'eau potable ; qu'il ne résulte ni des investigations auxquelles l'expert a procédé, ni d'aucun élément du dossier, qu'une insuffisance des fondations du pavillon serait, pour partie, à l'origine des désordres ou aurait contribué à leur aggravation ; que la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux, dont il n'est pas allégué qu'elle serait insolvable, doit être tenue pour responsable, même en l'absence de faute, des dommages causés aux tiers par le fait de cet ouvrage public dont la gestion et l'entretien lui ont été confiés par convention conclue avec le Syndicat des eaux d'Ile-de-France ; qu'elle ne saurait donc utilement se prévaloir de ce que le réseau d'eau potable était en bon état d'entretien ;
Considérant que, pour s'exonérer partiellement de la responsabilité qui lui incombe, la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux soutient qu'une part de responsabilité doit être mise à la charge de la commune de Viroflay, en raison de fuites sur le collecteur d'égout ; qu'elle ne peut toutefois invoquer utilement la faute de tiers ; qu'au surplus, si des sondages ont permis de découvrir un trou au niveau du raccordement du branchement particulier à la canalisation principale, l'expert a relevé que le sol ne présentait aucune décompression à l'endroit de cette défectuosité et a exclu l'hypothèse que des affouillements du terrain aient pu se produire à raison du fonctionnement du réseau d'assainissement ; qu'ainsi, les conclusions incidentes de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux doivent être rejetées ;
Considérant, en outre, que si l'expert a relevé que le pavillon de M. et Mme A se trouvait situé sur un coteau dont le sol, sablonneux, est localement instable, il n'est pas contesté que la maison a été construite selon des techniques classiques et n'a présenté aucun signe d'instabilité ni même de fragilité depuis son édification en 1935 ; qu'il ne résulte ni des investigations de l'expert ni d'aucun autre élément du dossier que la nature même du sous-sol aurait été à l'origine de désordres qui ne se sont produits qu'en raison des arrivées d'eau en provenance de la canalisation rompue du réseau de distribution d'eau potable ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, les dommages ne sont pas, fût-ce pour partie, imputables aux caractéristiques du terrain ; qu'enfin, si la présence d'un puisard en sous-sol a été découverte en 2007, postérieurement aux opérations d'expertise, il n'est pas contesté qu'il était situé dans la partie aval du pavillon, alors que les arrivées d'eau se sont produites en amont ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cet ouvrage aurait contribué à l'affouillement du terrain d'assise de la maison ; que la société Veolia- Compagnie générale des eaux n'est pas fondée à invoquer une atténuation de sa responsabilité en se prévalant de cette découverte, dès lors qu'elle ne fait état d'aucun élément de nature à établir que le puisard aurait joué un rôle dans l'apparition ou dans l'aggravation des dommages causés au pavillon ; M. et Mme A
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux à supporter seulement trente pour cent des conséquences dommageables des désordres causés au pavillon de M. et Mme A ; que la responsabilité de cette dernière se trouve entièrement engagée à l'égard de ces derniers et de la MAIF ; que, par suite, le jugement doit être réformé sur ce point ;
Sur le préjudice :
En ce qui concerne les conclusions présentées par la MAIF :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur (...) ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert, que l'inondation a provoqué une déstabilisation du sol d'assise du pavillon et un déchaussement des fondations ; que les propriétaires ont dû quitter les lieux par mesure de sécurité et procéder à l'étaiement de la maison, à titre conservatoire ; que l'expert a procédé à une étude comparative du coût des travaux de relevage du pavillon et de démolition-reconstruction ; que chacune des deux options a été respectivement estimée à la somme de 454 044,77 euros et de 495 044,77 euros ; que si la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux soutient que les travaux de remise en état pouvaient être envisagés pour un montant n'excédant pas 200 000 euros, il résulte de l'instruction que l'expert s'est référé au devis d'une entreprise présentant les meilleures garanties techniques et a précisé qu'il fallait ajouter des travaux de butonnage non prévus par le devis d'une entreprise moins disante ; que l'estimation de l'expert ne peut donc être sérieusement contestée ; que si M. et Mme A ont retenu la solution de la démolition-reconstruction, cette opération s'est élevée à la somme de 435 243,15 euros, soit un montant moins élevé que les travaux de relevage tels qu'évalués par l'expert ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas allégué que ce montant excèderait la valeur vénale du pavillon ; que la somme susmentionnée de 435 243,15 euros doit donc être retenue ;
Considérant, d'autre part, que les mesures conservatoires qui ont dû être prises à l'égard du bâtiment et du mobilier à la suite de l'inondation, les investigations et sondages auxquels il a fallu procéder pendant les opérations d'expertise et les dépenses diverses que les propriétaires ont dû engager en raison de l'état de la maison, devenue inhabitable, se sont élevées à la somme de 30 556,37 euros dont il a été justifié tant auprès de l'expert qu'à l'occasion de la présente instance ;
Considérant que la MAIF justifie, par la production de deux quittances subrogatives, qu'elle a procédé au règlement des deux sommes susmentionnées de 435 243,15 euros et de 30 556,37 euros entre les mains de ses assurés, M. et Mme A ; que, par suite, la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux doit être condamnée à verser à la MAIF la somme de 465 799,52 euros ;
En ce qui concerne les conclusions présentées par M. et Mme A :
Considérant, d'une part, que M. et Mme A demandent la condamnation de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux au versement d'une somme de 15 788,52 euros correspondant, selon eux, à divers frais qu'ils auraient supportés à la suite de l'inondation de leur pavillon ; que toutefois, les honoraires d'un expert conseil en bâtiment ne sont justifiés ni dans leur principe ni dans leur montant ; que les autres dépenses dont les requérants fournissent la liste ne sont pas assorties de pièces justificatives ; que s'ils demandent également le remboursement d'un constat d'huissier pour un montant de 374,76 euros, cette somme a déjà été prise en compte par l'expert dans l'évaluation des dépenses engagées au titre des mesures conservatoires ; que M. et Mme A ne sont donc pas fondés à demander réparation à concurrence de la somme susmentionnée de 15 788,52 euros ;
Considérant, d'autre part, que le tribunal administratif a fait une juste appréciation de la réparation due au titre des troubles de jouissance et du préjudice moral en évaluant ces chefs de préjudices à la somme de 20 000 euros, qui doit donc être mise à la charge de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant, d'une part, que la MAIF et M. et Mme A ont droit aux intérêts au taux légal des sommes respectives de 465 799,52 euros et de 20 000 euros à compter du 25 septembre 2007, date de l'enregistrement de leur requête au greffe du tribunal administratif et non à compter du 6 juin 2005, date à laquelle le rapport de l'expert é été déposé au greffe du tribunal administratif ;
Considérant, d'autre part, que pour l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. et Mme A et la MAIF ont sollicité la capitalisation des intérêts devant le tribunal dans leur demande enregistrée le 27 septembre 2007 ; que cette demande prend effet à compter du 27 septembre 2008, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ; que les requérants ont également droit à la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle à partir de cette date ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux le versement à M. et Mme A et à la MAIF d'une somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme A et de la MAIF, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux au titre des mêmes frais ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Viroflay et tendant à l'application des dispositions susmentionnées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux est condamnée à verser à M. et Mme A et à la MAIF les sommes respectives de 20 000 euros et de 465 799,52 euros. Ces sommes seront majorées des intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2007. Les intérêts échus à la date du 25 septembre 2008 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 14 mai 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux versera à M. et Mme A et à la MAIF la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A et de la MAIF ainsi que les conclusions de la société Veolia Eau-Compagnie Générale des Eaux sont rejetés.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Viroflay tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 09VE02221 2