Vu la requête, enregistrée le 11 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Jacques A, demeurant ..., agissant en qualité de mandataire ad hoc de la SAS Maintenance Service venant aux droits de l'EURL Eurotechnique, par Me Saumon, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0704733 en date du 9 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de l'EURL Eurotechnique tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles celle-ci a été assujettie au titre des années 2001, 2002 et 2003 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité au motif que la procédure contradictoire n'a pas été respectée, dès lors que le mémoire du directeur des services fiscaux en date du 27 août 2008 n'a pas été communiqué à la société requérante ni à l'avocat de celle-ci ; qu'en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés de l'année 2001, la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que les motifs mentionnés dans la réponse aux observations du contribuable étaient différents de ceux de la notification de redressement et qu'une nouvelle notification de redressement devait donc lui être adressée ; que l'article L. 189 du livre des procédures fiscales n'a été mentionné que dans la réponse aux observations du contribuable et que le premier motif ayant fondé les redressements doit être regardé comme ayant été abandonné ; que la question de la reconnaissance de la dette litigieuse au sens de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales devait faire l'objet d'un débat contradictoire et ouvrir droit à la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, sur le bien-fondé de l'imposition litigieuse, l'écriture figurant au passif du bilan ne vaut pas reconnaissance de dette au sens de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales ; qu'en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés des années 2002 et 2003, l'existence d'un acte anormal de gestion n'est pas établie dès lors que, compte tenu du contexte commercial, la société entendait agir dans son propre intérêt en privilégiant ses rapports avec sa cliente au prix d'une renonciation à la facturation d'intérêts ; que des avances à vue, assimilables à des dépôts à vue, n'étaient d'ailleurs pas davantage rémunérées par les établissements financiers au titre des années d'imposition en litige ; que le taux de l'intérêt légal ne pouvait, dès lors, être appliqué par l'administration ; que les intérêts de retard et la majoration de 5 % ne sont pas motivés ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2011 :
- le rapport de Mme Riou, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public ;
Considérant que la SARL Eurotechnique, devenue EURL Eurotechnique, a fait l'objet d'une dissolution sans liquidation en septembre 2009, au profit de son associé unique et société soeur, la SAS Maintenance Service ; que la SARL Eurotechnique, qui avait pour activité la maintenance, l'entretien, la rénovation, la surveillance et le négoce de tous équipements et installations techniques notamment dans les domaines électriques, électroniques et informatiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2001 au 31 décembre 2003, à l'issue de laquelle des redressements lui ont été notifiés en matière d'impôt sur le sociétés, au titre des années 2001, 2002 et 2003 ; que M. A, mandataire ad hoc de la SAS Maintenance Service venant aux droits de l'EURL Eurotechnique, relève régulièrement appel du jugement du 9 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions mises à la charge de l'EURL au titre des années d'imposition susmentionnées ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le principe du contradictoire, qui tend à assurer l'égalité des parties devant le juge, implique la communication à chacune des parties de l'ensemble des pièces du dossier ; que ces règles sont applicables à l'ensemble de la procédure d'instruction à laquelle il est procédé sous la direction de la juridiction et supposent que des délais suffisants soient donnés aux parties pour leur permettre de répondre utilement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le directeur des services fiscaux de l'Essonne a produit un mémoire en défense enregistré le 22 octobre 2007 et un mémoire enregistré le 22 avril 2008 qui ont été communiqués à la société respectivement les 26 octobre 2007 et 23 avril 2008, auxquels la société a d'ailleurs répliqué ; que, si M. A soutient que le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que le dernier mémoire du directeur des services fiscaux en date du 27 août 2008 n'a été communiqué ni à la société requérante ni à l'avocat de celle-ci, ce dernier mémoire ne comportait pas d'éléments nouveaux sur lesquels se seraient fondés les premiers juges ; que, par suite, le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été méconnu ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la proposition de rectification notifiée le 24 juin 2005 à la SARL Eurotechnique était notamment fondée sur le fait que la société avait consenti des avances sans intérêt à la SAS Maintenance Service, constitutives d'un acte anormal de gestion ; que la société a présenté des observations par un courrier du 22 juillet 2005, dans lequel elle s'est notamment prévalu de la prescription de l'imposition de l'année 2001 au 31 décembre 2004 ; que si, dans sa réponse à ces observations en date du 12 octobre 2005, l'administration a répondu à l'observation de la société relative à la prescription, en faisant valoir que l'inscription de l'impôt sur les sociétés dû au passif du bilan était interruptive de la prescription, elle n'a pas modifié le fondement légal initial de la rectification ; qu'il suit de là que l'administration n'a procédé à aucune substitution de base légale ni abandonné le fondement légal de ladite rectification, en ce qui concerne l'année 2001 et n'avait dès lors, contrairement à l'allégation de M. A, pas à reprendre la procédure de rectification notamment en lui permettant de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
Considérant, d'autre part, que la proposition de rectification susmentionnée était suffisamment précise pour éclairer la société requérante sur la nature et les motifs des redressements envisagés et lui permettre d'en discuter le bien-fondé, ce qu'elle a d'ailleurs fait, et que la motivation de la réponse aux observations de la contribuable était également suffisante et précise ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : La prescription est interrompue (...) par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables (...) ; que pour l'application de cette disposition, l'effet interruptif de prescription ne peut résulter que d'un acte ou d'une démarche par lesquels le redevable se réfère clairement à une créance définie par sa nature, son montant et l'identité de son créancier ;
Considérant que l'administration fait valoir sans être contredite que la société a procédé à l'inscription au passif de son bilan, des impositions dues au titre de l'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle au titre de l'année 2001 pour des montants conformes à la déclaration de résultats de l'exercice clos le 30 septembre 2001 ; que cette inscription comptable figurant ainsi au passif du bilan de clôture de l'exercice 2001, sous la rubrique impôt sur les sociétés et contribution additionnelle , détermine à la fois le bénéficiaire, l'objet, l'année de rattachement et le montant de la créance en cause et définit ainsi la dette fiscale avec une précision suffisante ; que cette inscription doit, dès lors, être regardée comme constituant un acte portant reconnaissance au sens de l'article L. 189 précité du livre des procédures fiscales ; que, par suite, les moyens tirés de ce qu'une telle inscription ne résulterait que de l'application des règles comptables et ne vaudrait ainsi pas reconnaissance de dette au sens de ces dispositions et que la prescription serait acquise pour l'année 2001 ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que les abandons de créances et avances sans intérêts accordés par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage accordé à un tiers sous la forme de la renonciation à la perception d'intérêts constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors qu'elle établit l'existence d'avances sans intérêts consenties par l'entreprise à des tiers et que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier en retour de contreparties, notamment commerciales ou financières ;
Considérant, d'une part, que M. A ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article 237 sexies du code général des impôts, en vertu desquelles les produits et charges correspondant aux pénalités de retard sont rattachés, pour la détermination du résultat à l'impôt sur les sociétés, à l'exercice de leur encaissement et de leur paiement, dès lors que les intérêts en cause n'ont pas la nature de pénalités contractuelles de retard, visées par ces dispositions ;
Considérant, d'autre part, que la proposition de rectification en date du 24 juin 2005 indique à bon droit que l'absence de perception d'intérêts sur les avances que la SARL Eurotechnique a consenties à la SAS Maintenance service, en lui accordant des délais de facturations de l'ordre de six à huit mois, dépassant les échéances normales de facturation entre sociétés, relève a priori d'une gestion anormale ; que le vérificateur a constaté en outre que la SAS était domiciliée à la même adresse que la SARL, que ces deux sociétés étaient détenues majoritairement par une société holding de participation financière qui était elle-même détenue pas les associés et dirigeants des sociétés Eurotechnique et Maintenance service, qu'enfin, les besoins en fonds de roulement dont se prévalait la SARL Eurotechnique étaient en réalité ceux de sa société soeur ; qu'il résulte de l'instruction que les avances à vue consenties par la société ne sont pas assimilables aux dépôts à vue non rémunérés sur un compte courant bancaire, contrairement à ce que prétend M. A, mais aux Sicav monétaires ou aux parts de fonds communs de placement monétaires auxquelles recourent les entreprises pour placer des fonds susceptibles d'être immédiatement disponibles, les titres acquis pouvant être vendus à tout moment sans frais ; qu'ainsi M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il n'y aurait pas eu, en l'espèce, matière à percevoir des intérêts ; que si M. A fait valoir que la SAS Maintenance Service était l'unique client de la SARL Eurotechnique et qu'existait une contrepartie à ces renonciations à recettes, il n'assortit cette allégation d'aucune précision et ne justifie pas que les avantages consentis auraient eu pour la société des contreparties ou auraient été motivés par son intérêt propre ; qu'ainsi l'administration doit être regardée comme établissant que l'octroi des avances sans intérêts était étranger à une gestion commerciale normale, s'agissant des trois années en litige ;
Considérant, en troisième lieu, que le taux normal de la rémunération des avances de fonds consenties par une entreprise à une autre doit être apprécié par rapport à la rémunération que le prêteur pourrait obtenir d'un établissement financier ou d'un organisme assimilé auprès duquel il placerait, dans des conditions analogues, des sommes d'un montant équivalent ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration, qui a rattaché les intérêts dont s'agit aux produits bruts de l'exercice au cours duquel ils sont courus, a calculé ces intérêts prorata temporis en appliquant, à tort, le taux légal fixé par décret pour l'année civile, par référence à la moyenne arithmétique des douze dernières moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des adjudications de bons du Trésor à taux fixe à treize semaines, soit 4,26 % pour les années 2001 et 2002 et 3,29 % pour 2003, et non le taux de rendement des placements à court terme, pour les OPCVM monétaires seul pertinent ; que, toutefois, la Cour ne disposant pas d'éléments relatifs aux taux de rendement de ces placements à court terme, il y a lieu, avant de statuer sur ce point, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins d'inviter les parties, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à fournir tous les éléments de nature à apprécier le montant de ces taux applicables pour les années 2001, 2002 et 2003 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. A, il sera procédé à la mesure d'instruction dont l'objet est défini dans les motifs du présent arrêt.
Article 2 : Il est accordé à M. A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt pour faire parvenir au greffe de la Cour les éléments résultant de la mesure d'instruction demandée à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Tous droits des parties sur lesquels il n'a pas été expressément statué sont réservés jusqu'en fin d'instance.
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N° 10VE01457 2