Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Mamadou A, demeurant chez M. B - ..., par la SCP Djian Lascar ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101008 du 1er mars 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 février 2011 par lequel le préfet des Yvelines a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en litige ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de celles de l'article L. 313-14 du même code dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ; qu'il est en effet entré en France le 1er mai 2002, qu'il travaille pour la même société depuis 2003 et qu'il est très bien intégré en France ; qu'il n'a plus de famille au Mali alors que toutes ses relations sont en France ; que l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il doit bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'arrêté méconnaît l'article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dès lors qu'il ne lui accorde aucun délai de départ volontaire ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2012 :
- le rapport de M. Coudert, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant malien, a fait l'objet, le 25 février 2011, d'un arrêté pris par le préfet des Yvelines ordonnant sa reconduite à la frontière ; que M. A relève appel du jugement en date du 1er mars 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux. / 3. Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire. / 4. S'il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours ; qu'aux termes de l'article 8 de la même directive 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. / 2. Si un État membre a accordé un délai de départ volontaire conformément à l'article 7, la décision de retour ne peut être exécutée qu'après expiration de ce délai, à moins que, au cours de celui-ci, un risque visé à l'article 7, paragraphe 4, apparaisse. / 3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) ;
Considérant que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction applicable à l'espèce, en ce qu'elles n'imposent pas qu'une mesure de reconduite à la frontière soit assortie d'un délai approprié pour le départ volontaire d'un ressortissant de pays tiers dans des cas autres que ceux prévus à l'article 7, paragraphe 4, de la directive, sont incompatibles avec les objectifs de ses articles 7 et 8 ; que les dispositions de la directive ne font toutefois pas obstacle à ce qu'une mesure de reconduite à la frontière soit prise à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers dans les cas prévus aux 1°, 2° et 4° du II de l'article L. 511-1, dès lors que cette mesure est assortie d'un délai de retour approprié à la situation de l'intéressé et supérieur à sept jours ;
Considérant que les articles 7 et 8 de la directive, qui n'a pas été transposée par la France dans le délai imparti, expiré le 24 décembre 2010, énoncent des obligations inconditionnelles et suffisamment précises pouvant être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre un acte administratif non réglementaire ;
Considérant que l'arrêté en date du 25 février 2011 par lequel le préfet des Yvelines a ordonné la reconduite à la frontière de M. A sur le fondement du 1° du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui accorde aucun délai de départ volontaire ; que cette décision méconnaît donc les dispositions inconditionnelles et suffisamment précises des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008 ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière est entaché d'illégalité et doit être annulé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à l'espèce : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ;
Considérant qu'en application de ces dispositions l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas la délivrance d'une carte de séjour vie privée et familiale à M. A comme il le demande à titre principal ; qu'il y a lieu, en revanche, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 1 500 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1101008 du 1er mars 2011 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles est annulé, ensemble l'arrêté du 25 février 2011 du préfet des Yvelines portant reconduite à la frontière de M. A.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à M. A une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat le versement à M. A d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
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N° 11VE01492