Vu la requête, enregistrée le 3 août 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Abdulbari A, demeurant ..., par Me Malterre, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1002915 en date du 6 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne en date du 22 mars 2010 refusant de renouveler la carte de séjour qui lui avait été délivrée en qualité de salarié et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Il soutient que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé et que sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen particulier ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme a été méconnu ; que si, en raison d'une modification de l'entreprise qui l'employait, il a présenté un nouveau contrat de travail, le métier exercé, à savoir celui de chef de chantier, n'a pas changé, la mention de l'emploi de " maçon " résultant d'une erreur matérielle ; qu'il séjourne en France depuis dix ans et est inséré dans la société française ; qu'il dispose d'une promesse d'embauche et d'un contrat de travail dans le bâtiment en qualité de chef de chantier ou de maçon ; que le préfet de l'Essonne a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ; que la circulaire ministérielle du 24 novembre 2009 permet au préfet de délivrer un titre temporaire en qualité de salarié à un ressortissant étranger qui justifie d'une présence de plus de cinq ans en France, de douze mois de bulletins de salaires et d'un contrat de travail ; que les dispositions des articles L. 741-4 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; que, dès lors qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine, l'arrêté attaqué a été pris en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il justifie d'éléments nouveaux qui n'ont pas été soumis à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la Cour nationale du droit d'asile ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu l'arrêté du 18 janvier 2008 du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi et du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et la liste qui y est annexée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2012 :
- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dioux-Moebs,
- et les observations de Me Eck, substituant Me Malterre, pour M. A ;
Considérant que M. A, ressortissant turc, fait appel du jugement du 6 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 22 mars 2010 refusant de renouveler la carte de séjour qui lui avait été délivrée en qualité de salarié et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;
Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 2 novembre 2009, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de l'Essonne a donné délégation de signature à M. François Garnier, directeur de l'identité et de la nationalité, pour signer notamment les arrêtés portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté en litige, en tant qu'il refuse de renouveler la carte de séjour du requérant, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, le moyen tiré du caractère insuffisamment motivé de cette décision doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, des mentions de l'arrêté attaqué, que le préfet de l'Essonne s'est livré à un examen particulier de la situation de M. A avant de prendre ledit arrêté ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 du même code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : / 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 5221-35 du code du travail : " Les critères mentionnés à l'article R. 5221-20 sont également opposables lors du premier renouvellement de l'une de ces autorisations de travail lorsque l'étranger demande à occuper un emploi dans un métier ou une zone géographique différents de ceux qui étaient mentionnés sur l'autorisation de travail initiale " ; que parmi les critères de l'article R. 5221-20, figure " la situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquels la demande est formulée " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, qui avait obtenu, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour en qualité de salarié avec autorisation d'exercer en qualité de chef de chantier, a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour en produisant un contrat de travail pour un emploi de maçon ; que, s'il soutient que c'est par une erreur matérielle que ce contrat mentionne un tel emploi, il ne l'établit pas, alors, au surplus, qu'il a produit en première instance une attestation établie par son employeur le 8 février 2010 dont il résulte qu'il est bien employé en qualité de maçon ; que, dans ces conditions, dès lors que le requérant n'occupait plus un emploi figurant sur la liste annexée à l'arrêté ministériel susvisé du 18 janvier 2008, le préfet de l'Essonne a pu à bon droit se fonder sur le caractère défavorable de la situation de l'emploi d'ouvrier de maçonnerie dans la région Ile-de-France pour refuser de renouveler la carte de séjour qui lui avait été délivrée en qualité de salarié ;
Considérant, en cinquième lieu, que M. A ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du ministre de l'immigration, de l'intégration de l'identité nationale et du développement solidaire du 24 novembre 2009, qui sont dépourvues de toute valeur réglementaire ;
Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort de l'examen de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Essonne a également considéré que " la situation tant personnelle que familiale de M. A ne justifie par une admission exceptionnelle au séjour " ; que, si le requérant se prévaut de la durée de son séjour en France et de la circonstance qu'il y a travaillé, et fait valoir qu'il est employé par la même société depuis le mois de janvier 2010, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le préfet de l'Essonne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en considérant que sa situation ne justifiait pas la délivrance d'une carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 du même code ;
Considérant, en septième lieu, que la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise ; qu'il ressort des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas contesté que M. A résidait en France depuis moins de dix ans à la date de l'arrêté attaqué ; que, dès lors, il n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le préfet de l'Essonne devait consulter la commission du titre de séjour en application du quatrième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable ;
Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;
Considérant que si M. A, âgé de quarante-quatre ans à la date de l'arrêté attaqué, soutient qu'il est bien intégré en France, en particulier sur le plan professionnel, l'intéressé n'a toutefois travaillé régulièrement qu'au cours d'une seule année et n'apporte pas de précision sur les liens personnels et privés qu'il aurait noués en France ; que, par ailleurs, il est constant que son épouse et ses trois enfants résident en Turquie où le requérant a, par suite, conservé de solides attaches ; que, dans ces conditions il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté attaqué aurait porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cet arrêté n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;
Considérant, en neuvième lieu, qu'eu égard à l'objet de l'arrêté attaqué, M. A ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 741-4 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les demandes de statut de réfugié formées par M. A ont été rejetées par décisions en date des 29 janvier 2002, 23 juillet 2003, 23 janvier et 13 septembre 2007 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et que les recours formés par l'intéressé ont été rejetés par la Commission des recours des réfugiés ; que M. A, qui ne fait état d'aucun élément nouveau et circonstancié relatif aux risques qu'il prétend encourir en cas de retour dans son pays d'origine, n'établit pas que l'arrêté attaqué, en tant qu'il fixe le pays de destination de son éloignement, serait intervenu en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
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N° 10VE02542 2